"Tu m'as demandé récemment pourquoi je prétends avoir peur de toi. Comme d'habitude, je n'ai rien su te répondre, en partie justement à cause de la peur que tu m'inspires [...]."
Encore une fois, je me garde bien d'affirmer que tu es seul responsable de ce que je suis devenu, tu n'as fait qu'aggraver ce qui était, mais tu l'as beaucoup aggravé, précisément parce que tu avais un grand ascendant sur moi et que tu usais de tout ton pouvoir.
Autrefois j’ aurai eu besoin d’ encouragement en toutes circonstances. Car j’étais déjà écrasé par la simple existence de ton corps.
Tu appelais tes employés des "ennemis payés", c'est bien du reste ce qu'ils étaient, mais avant même qu'ils le fussent devenus, tu m'avais semblé être leur "ennemi payant".
Très cher père,
Tu m'as demandé récemment pourquoi je prétends avoir
peur de toi. Comme d'habitude, je n'ai rien su te répondre, en
partie justement à cause de la peur que tu m'inspires............
Bien des années
après, je souffrais encore à la pensée douloureuse que cet
homme gigantesque, mon père, l'ultime instance, pouvait pres-
que sans motif me sortir du lit la nuit pour me porter sur la pa-wlatsche,
prouvant par là à quel point j'étais nul à ses yeux.
À cette époque, ce n'était qu'un modeste début, mais ce sentiment de nullité qui s'empare si souvent de moi (sentiment qui peut être aussi noble et fécond sous d'autres rapports, il est vrai) tient pour beaucoup à ton influence. Il m'aurait fallu un peu d'encouragement, un peu de gentillesse, j'aurais eu besoin qu'on dégageât un peu mon chemin, au lieu de quoi tu me le bouches,
Rien, pas même ta méfiance à l’égard des autres, n’égale la méfiance de moi-même, dans laquelle j’ai été élevé par toi.
Ce que j'écrivais parlait de toi, je ne fais qu'y pleurer ce que je ne pouvais pleurer sur ta poitrine.
Tous les enfants n'ont pas la patience et le courage de chercher la bonté jusqu'à la trouver.
Tu étais pour moi la mesure de toute chose.
Je n'ai jamais pu comprendre que tu fusses aussi totalement insensible à la souffrance et à la honte que tu pouvais m'infliger par tes propos et tes jugements.