Malgré ou à cause de tous les films et séries que j'ai pu voir ayant pour cadre la guerre de Sécession, je dois bien avouer que la succession des événements restait pour moi au minimum désordonnée, au plus chaotique. Il fallait remédier à cela.
Le Découvertes Gallimard d'
André Kaspi me fournit le cadre souhaité sans m'obliger à lire un pavé. Déjà, j'ai enfin pu situer géographiquement les lieux des combats. Sur une carte, on s'aperçoit immédiatement que ceux-ci ont essentiellement eu lieu sur le territoire Confédéré et qu'on peut les diviser en trois grandes zones : l'Ouest autour du Mississipi, l'Est non loin des capitales et la mer.
La chronologie de ces combats est éclairée. le style d'
André Kaspi n'exclut pas l'émotion, au contraire. L'insistance sur la boucherie et le gaspillage en vies humaines les rend presque palpable. Les assauts, les tranchées ; je n'ai pu que considérer cette guerre que comme une répétition du grand carnage de la première guerre mondiale. L'auteur parvient également à glisser de mini biographies des généraux Sudistes et Nordistes et à nous faire goûter leurs particularités : le pusillanime McClelland, le char d'assaut impitoyable Sherman, le fringant Beauregard, etc.
Mais les parties les mieux traitées sont à mon avis l'avant et l'après-guerre. Vu de notre fenêtre, on peut s'étonner que les politiques de ce temps n'aient pas trouvé un compromis qui leur permette de gérer pacifiquement la fin de l'esclavage ; personne n'a envie d'une guerre civile. de fait, nombreux sont ceux qui ont oeuvré avec pour objectif essentiel de maintenir l'Union à n'importe quel prix. Mais la variété des opinions – de l'extrémisme pro-esclavage aux abolitionnistes partisans de l'action violente en passant par tout le spectre intermédiaire plus ou moins modéré – rendait le compromis impossible à tenir éternellement.
André Kaspi nous montre la colère qui monte de part et d'autre jusqu'à l'explosion provoquée par l'élection de Lincoln.
A noter que l'auteur nous fait une écoeurante description du « cheptel » des esclaves dans le Sud plus proche de Twelve years a slave que des domestiques de Gone with the Wind. A noter aussi que ce sont les Républicains qui ont poussé pour l'arrêt de cette « pratique », alors que les Démocrates bénéficiaient d'un fort appui dans le Sud. Notre vision de ces partis, forgée à l'aune de ces cinquante dernières années, ne nous permet pas d'avaler cette information facilement.
Les conséquences de la guerre à plus ou moins long terme sont aussi bien évoquées : le Sud a perdu la guerre, mais la vie des Noirs en Amérique n'en sera guère améliorée pour autant. La notion de suprématie blanche fait son chemin dans l'ensemble des États Unis et on le voit encore aujourd'hui. Cette guerre reste le plus grand traumatisme de cette nation, les persistantes commémorations contemporaines en sont la preuve.
Bon, la véritable raison qui m'a poussé à lire ce livre, c'est que je souhaitais éclaircir le cadre du dernier roman de Jean-Laurent del Socorro – Je suis fille de rage. J'espère ne pas attendre trop longtemps avant de le lire, pendant que le contexte est frais dans ma tête.