Le narrateur (appelons-le ainsi pour le moment) écope d'un travail de vacances en français : une composition dont le titre est : "
La conséquence de mes actes". Un sujet fort similaire à celui de juin où il avait remis copie blanche ! Où trouver l'inspiration quand tout s'écroule autour de soi, qu'on est un ado mal dans sa peau, un ado qui se cherche entre une mère qui aime une femme, un père qui s'amourache de son orthodontiste et vous expédie dans un bled perdu chez des inconnus, des amis qu'on fuit avant qu'ils vous fuient et une seule passion : twitter ! Et si le sujet était là, à portée de main...
Avec ce titre,
Eva Kavian reprend son thème de prédilection : la jeunesse, ses mots et ses maux.
"J'avais coupé le contact avec Papa comme je l'avais fait peu à peu avec mes amis à l'école et au foot. Que ce soit par colère ou par honte, le résultat était le même. le moteur de la colère est plus puissant et radical, celui de la honte plus endurant. (...) Comment revenir ? Je les avais presque tous bloqués sur Twitter et supprimés de Facebook pour avoir la liberté de dire ce que je voulais, j'avais eu besoin d'être seul ou en lien avec des inconnus, ce qui revient au même."
Le narrateur est un ado bien dans son époque, un peu geek sur les bords. Avec les événements qui lui tombent sur la cafetière, il se réfugie dans le virtuel. Bien plus simple d'exprimer ce qu'on ressent en 140 signes que de se mettre à nu devant ses proches. Au fil des pages de ce fameux travail de français, petit à petit, il renoue le dialogue avec les autres, comprend d'où lui vient cette colère qu'il a en lui, s'accepte tel qu'il est, grandit et murit, apprend qu'il ne faut pas "penser à la place des autres, (...) pas faire les questions et les réponses tout seul"...
Autre thème important de cette histoire, celui de la sexualité ! Il y a celle de sa mère qu'il lui faut digérer (pas simple d'admettre qu'elle puisse après un mariage heureux et 4 enfants tomber amoureuse d'une femme), celle de son père qui, après un passage à vide, retrouve une seconde jeunesse. Et puis, il y a ses propres émois, ses sentiments secrets qu'il peine à décrypter... L'auteur aborde tous ces sujets avec énormément de naturel, sans tabou, comme elle l'avait d'ailleurs fait pour la maladie et la mort dans
Premier chagrin. Son narrateur dit les choses telles qu'il les pense, telles qu'il les vit. Et cette franchise fait du bien !
Ce côté cash plaira aux ados, comme ces références directes aux moyens de communication qu'ils utilisent : Facebook, tweeter, sms. le ton est lancé dès l'épigraphe:
"Pour Twitter :
Trop bien que tu en parles dans ton livre. Tu dois savoir que c'est une révolution !"
SMS de Victoria, 16 ans.
Pour les non-initiés, pas de panique, quelques notes infrapaginales viennent à notre secours !
Du côté de la narration, il faut s'accrocher puisque le narrateur suit les consignes de son professeur de français :
"Il fallait partir du vécu, le fictionnaliser, placer autant de flash-back, autant d'ellipses et de prolepses que mentionné, aller jusqu'au climax en évitant donc une construction linéaire, j'en passe et des meilleurs."
Ce qu'il passe c'est en outre cette mise en abîme déroutante qu'on ne comprend qu'à la fin : l'auteur raconte l'histoire d'un ado qui raconte l'histoire d'un ado ! Vous suivez ? Ce procédé narratif nous vaut ainsi plusieurs conclusions... Les faux-semblants sont également nombreux et le lecteur est souvent volontairement fourvoyé : lit-il un simple récit de vie ou celui-ci se transforme-t-il tout à coup en un thriller surréaliste ?
Petite parenthèse pour ceux qui ont lu
Premier chagrin,
Eva Kavian nous offre en prime un petit clin d'oeil à son héroïne, Sophie : sa mère est le professeur de français de notre héros et Sophie est sa meilleure amie. Lorsqu'ils ont besoin de parler, tous deux se retrouvent d'ailleurs sur la tombe de Mouche.
En conclusion, un récit qui s'inscrit au plus près de ce que vivent et ressentent les ados d'aujourd'hui ; une histoire qui nous rappelle combien, à l'ère numérique, les contacts humains restent primordiaux. C'est tout le message du "Et si on parlait ?" du père à son fils à la fin de l'histoire !
Bref, ce livre est hjjlktzesdyuèerhj * même si, je dois l'avouer, je n'ai pas eu le même coup au coeur que pour
Premier chagrin (sans doute parce que le sujet faisait moins écho avec ma propre vie) !
Pour en finir (moi aussi, je vous fais le coup des trois conclusions !), en rédigeant mon billet tout en écoutant Carmen de Stromae, cet autre petit belge, j'ai eu une révélation : avec ses mots à elle, avec ses mots à lui, c'est un peu la même chanson qu'ils nous offrent !
* Les twittos comprendront...
Pour les autres, c'est la manière de dire formidable sur Twitter !
Lien :
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