Citations sur Chronique d'Asakusa (17)
Il y a deux cents ans, elle débutait comme porteuse d'eau dans un établissement où l'on servait du thé et d'autres boissons. Puis elle devint prostituée clandestine dans un magasin d'instruments pour se curer et se noircir les dents, et ensuite tireuse à l'arc chez un marchand d'arcs. Déjà, on entrait dans l'ère Meiji. Elle ouvrit alors un bordel, s'occupa d'une salle de lecture publique de journaux, d'un centre de jeu de go, puis elle fut la maîtresse d'un marchand de bière et d'un patron de stand de tir à l'arc. Alors commença l'ère Taisho, avec les "geishas de Taisho" et le grand tremblement de terre au cours duquel toutes sortes de femmes disparurent en même temps que la tour de douze étages.
Le sifflet des agents de la circulation, la clochette des vendeurs de journaux, l'écho de la grue, le bruit des vapeurs, le claquement des geta sur l'asphalte, le brouhaha des trams et des voitures, l'harmonica des jeunes filles, la sonnerie des tramways, le roulement des portes de l'ascenseur, le klaxon des automobiles, tous ces bruits divers venus de loin arrivent, intimement mêlés, jusqu'à mes oreilles distraites, un peu comme une berceuse.
Non, pas ça ! c’est du gâchis ! dit Yumiko, et mettant sa bouche dans la paume de la main de l’homme, elle avala les pilules. Elle les croqua de ses belles dents et fixa l’homme sans ciller, un pâle sourire dans les yeux. Puis elle se précipita soudain à son cou et l’embrassa en lui enfonçant ses lèvres dans la bouche. L’homme avait la langue transpercée par le poison.
Tiens ? Elle le regardait d’un air soupçonneux, Shintarô, vous êtes mort, vous aussi ? Vous êtes mort ? Depuis quand ?… Je vois, vous êtes mort. Vraiment ?… Comment se fait-il que nous ne nous soyons pas vus dans le monde des morts ? Allez, essayez de traverser encore une fois le tronc, comme preuve de la mort ou de la vie. Si vous êtes mort, nous pourrions rester tous les deux ensemble dans le tronc, qu’en dites-vous ?
Vous avez sans doute vu, imprimés, ces noms de jeunes dévoyées : O-Fuji-la-sans-logis, O-Tama-l'éclair, O-Yuki-la-simplette, O-Hissa-à-la-coquetterie-dans-l'oeil... mais ni O-Gin-la-pocharde-de-la-berge, ni O-Yoshi-aux-cheveux-coupés-court n'étaient filles de mendiants, ou niaises, comme O-Kiyô-la-bêtasse qui était, elle, descendue jusqu'à l'échelon le plus bas de l'échelle.
Chers lecteurs, l'expression "fille de gauche" sonne drôle, mais elle semble être le nouveau terme à Asakusa. C'est une appellation étrange, commune et malpolie dont le sens s'apparente à "buveur et malfaiteur".
Quand Yumiko, par exemple, marche à côté du jeune acteur Utasaburô, elle ressemble bien plus à un jeune garçon que cet adolescent aux lèvres d'une indicible beauté. Quand une belle femme a des allures de jeune homme, ne sentez-vous pas, chez elle, chers lecteurs, une perfection fragile et pénétrante?