AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Sylvie Regnault-Gatier (Autre)Susumu Susuki (Autre)Hisashi Suematsu (Autre)
EAN : 9782253035299
124 pages
Le Livre de Poche (01/10/1984)
3.65/5   271 notes
Résumé :
Prix Nobel de littérature en 1968, Yasunari Kawabata ne révéla peut-être jamais aussi bien que dans les cinq nouvelles de La Danseuse d'Izu la poésie, l'élégance, le raffinement exquis et la cruauté du japon.
Est-ce là ce "délicat remue-ménage de l'âme" dont parlait le romancier et critique Jean Freustié ? Chacun de ces récits semble porter en lui une ombre douloureuse qui est comme la face cachée de la destinée.
Un vieillard s'enlise dans la compagn... >Voir plus
Que lire après La Danseuse d'IzuVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (36) Voir plus Ajouter une critique
3,65

sur 271 notes
5
7 avis
4
8 avis
3
17 avis
2
3 avis
1
0 avis
La Danseuse D'Izu est en fait un recueil de cinq nouvelles très intelligemment constitué et portant le titre de l'une d'entre-elles. Bien que les nouvelles aient été écrites à des époques différentes et dans des conditions extérieures fort dissemblables, le recueil, par sa structure ordonnée et progressive, dit plus que la somme de chacune des nouvelles qui le constitue, comme un message surajouté au signifié propre de chaque histoire.

Dans ce recueil, on passe du Japon traditionnel, pas forcément le Japon heureux, mais celui dont le souvenir est heureux, au traumatisme, notamment exercé par la seconde guerre mondiale mais que Yasunari Kawabata (ou l'inverse si l'on veut faire plus japonais) n'évoque jamais vraiment telle quelle, puis au constat du désastre et enfin à la reconstruction dans un Japon muté, si proche dans le temps de l'autre, mais si lointain dans les moeurs et dans l'esprit, de celui qui s'est éteint avec la capitulation.

C'est cette dimension-là que procure le recueil et qui ne transparaît pas comme telle dans l'une ou l'autre nouvelle lue séparément.

1) LA DANSEUSE D'IZU
Première nouvelle du recueil, nouvelle-titre, dont une sensualité phénoménale se dégage. Comme souvent sous la plume de Kawabata, les gestes les plus simples, les rencontres les plus anodines prennent un tour d'attraction physique indéfinissable. Mais comme toujours également chez lui, le mot qui vient immédiatement à l'esprit pour caractériser son oeuvre est le mot pudeur.

On ne parle que d'amour, que d'attirance, et pourtant c'est toujours incroyablement élégant, toujours très suggéré, très feutré, très raffiné.
La Danseuse D'Izu, c'est l'histoire d'une rencontre, brève, quelques jours, entre un lycéen en villégiature et une troupe de forains.

Les forains, qui semblent jouir d'un statut social et d'une considération des plus détestables à l'échelle du Japon d'alors, paraissent néanmoins très bien vivre leur condition. Ils sont originaires d'Izu et regagnent leur port d'attache en cheminant de ville en ville en proposant leurs services.

La plus jeune de la troupe, la danseuse est remarquablement belle et notre étudiant l'a remarquée. Pourra-t-il cheminer auprès de cette troupe itinérante ? Approchera-t-il cette inaccessible danseuse ? Qu'adviendra-t-il quand leurs chemins devront se séparer ?
Ça, ce sera à vous de le découvrir, si vous en avez l'envie.

2) ÉLÉGIE.
Dans Élégie, l'auteur visite le thème de la réincarnation sous un angle quasi métaphysique ou, à tout le moins, situé quelque part à mi-chemin entre poétique mystique et raisonnement logique étayé sur des observations.

Il s'agit d'une manière de confession d'une femme qui a été et demeure follement amoureuse d'un homme pour lequel elle a été fiancée, peut-être mariée (l'histoire n'est pas très claire à ce sujet) puis délaissée au bénéfice d'une autre avant que celui-ci ne décède accidentellement. C'est donc dans des fleurs de pruniers ou autres représentants déposés çà et là sur l'échelle de l'évolution qu'elle recherche les vestiges de l'homme qu'elle a aimé.

Il y a évidemment et poésie et nostalgie enfouies en ces quelques pages, d'où ce titre évocateur, mais c'est aussi une vision extraordinairement moderne sur la dissémination de la matière après la mort des êtres vivants.

3) BESTIAIRE.
C'est une étonnante nouvelle où il est question d'un homme, jamais plus nommé que « il », et qui, faute de savoir vivre avec les hommes en général, et les femmes, en particulier, se réfugie dans toutes sortes d'élevages à la maison, notamment de petits oiseaux chanteurs.
Tâche délicate s'il en est, voire véritable gageure tellement certaines de ses petites espèces sont délicates.

Pourtant la pensée d'une femme le hante. Une danseuse qu'il a aimée autrefois, qui était belle et distinguée, qui est devenue vulgaire et aguichante. (Tiens ! ne serait-ce une allégorie du Japon, par hasard ? Il y a quelque chose là-dessous ou je ne m'y connaît plus en message codé Kawabatesques.)

L'amour pourrait-il renaître ? Pourquoi IL s'évertue-t-il à n'élever que de petites espèces locales peu colorée plutôt que ces traditionnels oiseaux à la beauté spectaculaire ? C'est ce que je vous laisse découvrir dans ce texte tout en suggestion.

4) RETROUVAILLES.
Voilà un texte fort, symbolique et poétique, sur le Japon meurtri, défiguré, occupé, de l'immédiat après-guerre. Parmi les ruines, des hommes essaient de continuer à vivre, avec les bribes de la vie d'avant qui leur reste ou même plus rien du tout pour bon nombre d'entre-eux.

Yûzô fait partie de ceux-là lorsque, par hasard, il rencontre Fujiko, celle qui fut sa maîtresse avant la guerre. Seule et abandonnée de toutes parts, elle a encore plus difficilement vécu la période.

Mais tout à coup, pour l'un comme pour l'autre, c'est tout un monde oublié qui ressurgit de leurs mémoires, l'histoire d'un temps où ils étaient fiers et nobles dans leurs coeurs, pas piteux et pitoyables comme aujourd'hui, à l'image du Japon dévasté. Que va produire cette retrouvaille ? À vous de voir.

5) LA LUNE DANS L'EAU.
Enfin, cette dernière nouvelle évoque avec tact et subtilité tout un monde contenu dans un miroir. le monde que reflète le miroir est-il différent ? meilleur ? ou moins bon que le véritable ? Peut-on voir la vie avec un oeil dans le rétroviseur ? Qu'est-ce que tout cela signifie ?

Certes, je ne suis pas une inconditionnelle de Kawabata, mais il est indéniable qu'à chaque fois, il sait créer des ambiances, un peu à la « In The Mood For Love » qui sont du plus bel effet et très dépaysantes dans le paysage littéraire. de temps en temps, donc, j'aime beaucoup m'y plonger, comme dans un bain furtif au milieu d'une pièce inconnue où brûle l'encens près de la baignoire nacrée et où filtre une lumière irréelle sur une fleur d'orchidée. Cela me met, l'espace d'un instant, du coton plein la tête, mais ce n'est là bien sûr qu'un ressenti éminemment personnel, une éphémère sensation, une frêle vibration intérieure non généralisable, autant dire, pas grand-chose.
Commenter  J’apprécie          760
Une belle découverte, pour moi, dans l'édition du Livre de Poche biblio!
Voilà cinq nouvelles d'un auteur dont j'ignorais tout... La préface de Nicole Chardaire m'a donc été fort précieuse.
Et voilà donc Horusfonck reparti pour un Japon aux tableaux précis et précieux.
Un Japon de cheminement en compagnie de forains, de coutumes et réflexions surla mort , d'oiseaux fragiles, d'après-guerre et d'image réfléchie... Une écriture de maître, avec une sensualité discrète et subtile comme un parfum léger pour exaucer de beaux portraits féminins.
Yasunari Kawabata serait-il le peintre de la tranquillité? Je ne saurais en juger que par d'autres écrits du maître que je ne manquerai pas de rechercher.
Commenter  J’apprécie          645
Que savons-nous du Japon au fond, nous-autres occidentaux qu'ils surnommaient « les longs nez » ? Peu de régions ont vu fleurir une culture aussi riche sur un territoire aussi petit. Et il n'y a que dans ces petits recueils de nouvelles aussi discrètes qu'élégantes et subtiles que j'ai l'impression de voir sa civilisation se dévoiler un peu.

Il y en a cinq et la première est, de loin, la plus accessible. Dans les années 1920, un étudiant part en voyage à travers un Japon en pleine mutation, où traditions et modernité coexistent de manière fluide. En cours de route, il rencontre une troupe de baladins, et décide d'effectuer un bout de chemin avec eux. Bien vite il éprouve une attirance – visiblement partagée – pour la plus jeune de la troupe, une adolescente d'une quinzaine d'années. Mais les histoires d'amours, dans le Japon traditionnel et à dire vrai dans une vie ordinaire, ne finissent pas sur une scène de balcon et du poison. Plutôt sur quelques mots maladroits, un regard furtivement jeté en arrière, et un bateau ou un train qui s'éloigne…

On réalise que les Japonais gravissaient les cols de leur fort montagneux archipel en portant VRAIMENT leurs malcommodes kimonos et leurs invraisemblables socques en bois ressemblant à de micros-échasses. Ça vous forge le caractère d'un peuple, ça. On apprécie également l'épaisseur des frontières sociales, dans le respect que les baladins témoignent à cet étudiant n'ayant que quelques sous vaillants de plus qu'eux. Même s'il est tout en bas de sa classe sociale et eux plutôt en haut de la leur, il vient d'un monde supérieur. Lamartine peut fantasmer sur l'amour entre un jeune aristocrate et une fille de pêcheur ; mais un mur invisible et impénétrable sépare un étudiant japonais pauvre d'une danseuse. Musset n'aurait pas pu écrire au Japon.

Les quatre autres nouvelles ne se laissent pas pénétrer aussi facilement. Dans le Japon ruiné de l'immédiat après-guerre, un homme retrouve son ancien amour, dont l'existence semble plus que précaire. Une jeune mariée ne peut oublier son précédent mari, mort de tuberculose, et qui passa les dernières années de sa vie alité en contemplant le monde extérieur grâce à un petit miroir. Une jeune femme, dans une longue lettre, s'adresse à l'homme qu'elle aimait, qui l'a abandonnée pour une autre et vient de décéder, et lui avoue son don de prémonition. Un collectionneur d'oiseau, esthète riche, oisif et misanthrope, perd ses petits protégés à un rythme régulier, mais ils sont la seule chose qui l'intéresse en ce monde…

Çà et là, des réflexions jaillissent. Une apologie de la métempsychose par rapport au concept abrahamique de vie après la mort ; des coutumes, des attitudes faces à la mort… Mais pour une que j'attrape au vol, combien m'échappent !
Commenter  J’apprécie          532
Ce recueil contient cinq nouvelles lyriques écrites à divers âges de la vie de Kawabata (1899-1972).

1.La danseuse d'Izu 1926 (Izu no odoriko) *****
Kawabata avait 19 ans quand il effectua seul un voyage dans la presqu'île d'Izu. Lors de son périple dans les montagnes autour du mont Amagi, il rencontra une troupe de théâtre itinérant. Cette rencontre a inspiré la Danseuse d'Izu, le premier chef d'oeuvre de Kawabata dont la version définitive date de 1926. Dans ce récit très pictural, tout en sensibilité, le narrateur est un jeune étudiant orphelin qui entreprend l'ascension du mont Amagi dans la brume. Il retrouve la troupe de forains déjà rencontrée à deux reprises. Les forains se produisent sur le seuil des auberges thermales et ont très mauvaise réputation. le jeune homme est troublé par la jeune fille de la troupe. Elle porte un lourd tambourin et l' invite à s'assoir devant lui. le lendemain, il la voit sortir du bain nue à travers la buée (voir citation). Les autres membres de la troupe l'accueillent avec gentillesse malgré leur pauvreté et le deuil d'un enfant. Cette nouvelle est pleine de charme, dominée par la jeunesse et la pureté des sentiments. A la fin le jeune homme éprouve du chagrin mais aussi de l'apaisement et de la compassion.

2. Élégie 1932 (Jojôka) . Voir le billet dédié au podcast« Nouvelle Élégie ». ****
La narratrice invoque l'amour éperdu pour l'amant disparu qui pourtant l'abandonna. Comment le rejoindre maintenant qu'il n'est plus ? A la complainte se mêlent par fragments les réminiscences de l'abandon de l'amant puis de la mort de sa mère qu'elle avait pressentis. Elle avait un don de voyance salué par tous et pourtant elle ne pressentit pas la mort de l'amant. Et puis elle fait part de ses des réflexions sur la métempsychose.
Elle ne croit pas à l'immortalité de l'âme. Elle choisit de s'inspirer des textes sacrés du bouddhisme qui sont aussi des chants élégiaques. Elle s'adresse au simple prunier vermeil, déjà chargé de boutons et placé devant elle dans le tokonoma. Elle ressent l'ardent désir de devenir une fleur sauvage. Les deux amants seront alors enfin réunis.

3. Bestiaire 1933 (Kinjû) ***
De 1930 à 1934, Kawabata donne des cours de littérature une fois par semaine à l'école Bunka Gakuin, non pas par goût mais parce que son ami et mentor Kikuchi y a été nommé à la tête du département de littérature. Les visiteurs de la maison de Kawabata sont étonnés de la petite ménagerie d'animaux dont il s'était entouré. Parmi eux se trouvent neuf chiens et un grand nombre d'oiseaux.
Le protagoniste est un vieux misanthrope qui suit un enterrement. Il évoque tous les animaux, chiens et oiseaux, qui moururent et qui naquirent chez lui avec une apparente indifférence. Sur le chemin du théâtre dans lequel joue Chikako, il se souvient de l'aventure qu'il avait eue avec celle-ci et dont l'animalité candide le fascinait. Elle semble avoir changé, à l'image du Japon.

4. Retrouvailles 1946 (Saikai) ***
La nouvelle se situe juste après la défaite japonaise en 1945 : un homme assiste à un festival dans un sanctuaire, en présence de soldats américains ; il renoue au milieu des ruines avec une femme qu'il avait connue avant-guerre. Seule, elle va le suivre et s'accrocher à lui.

5. La lune dans l'eau 1953 (Suigetsu) ****
Kyoko, une jeune femme se remémore avec tendresse son mari tuberculeux devenu infirme à qui elle montrait, dans son miroir à main la campagne et le jardin, le soleil levant et le reflet de la lune dans l'eau. La glace provenait de son trousseau . Autrefois avant guerre il observait sa nuque quand elle sortait du bain dans un miroir à trois faces et elle en éprouvait de la gêne. le miroir à main survécut à l' incinération du corps de son mari défunt. Quand elle se remarie elle n'a plus honte de sa nudité reflétée dans le miroir de la coiffeuse. Elle suppose que le désir de son mari défunt a agi sur elle, que le monde qui était réfléchi dans le miroir est devenu son monde réel...
Commenter  J’apprécie          462
Essai manqué pour moi avec ce recueil de Kawabata, qui contient cinq nouvelles écrites entre 1926 et 1953. J'ai ressenti en gros la même chose qu'avec le cinéma de Mizoguchi. J'ai le vague sentiment qu'on a là un artiste qui a, au moins en partie, changé la donne dans son domaine ; mais d'une part je ne connais pas assez ce qui se faisait avant pour en apprécier l'aspect novateur, d'autre part cette écriture et ce cinéma me touchent peu, en tout cas pour ce qu'en j'en connais à l'heure actuelle - c'est-à-dire pas grand-chose, inutile de nier l'évidence.


Alors oui, c'est une écriture sobre, et comparé à Ranpo et à ses nouvelles, qui m'avaient pas mal rebutée, j'ai trouvé Kawabata plus... Plus quoi, en fait ? Plus délicat, sans doute. Encore que la nouvelle Bestiaire, concernant un homme vieux et solitaire qui fait preuve d'un intérêt pour les oiseaux qui n'est qu'un faux-semblant et montre à quel point son coeur est vide - les oiseaux meurent tour à tour sans que cela le touche - ne soit pas à proprement à ranger dans la catégorie "Délicatesse". le personnage ne m'a pas intéressée, et par conséquent, la nouvelle non plus. J'ai éprouvé plus ou moins le même détachement pour les autres personnages et les autres nouvelles, Élégie mise à part. Or, c'est une littérature qui est à l'évidence pensée comme sensible - et ça ne fonctionne pas avec moi.


Les émois du jeune homme de la danseuse d'Izu, les sentiments confus de l'homme de Retrouvailles, et même les sentiments de la veuve de la lune dans l'eau, qui se souvient avec tendresse de son mari handicapé et qui reste attachée à lui, à travers des souvenirs, des objets... Tout ça m'a malheureusement laissée assez froide. Je disais en revanche qu'Élégie différait pour moi des autres nouvelles, à cause de son sujet assez particulier : une femme qui a perdu l'homme qu'elle aime médite sur ce qui advient des êtres vivants après la mort, et sur ce que représentent la vie ou la mort de façon général, laissant de côté la pensée anthropocentrée qu'elle juge être celle des humains, pour se tourner vers la nature dans son entier. C'est le seul sujet qui m'ait accrochée, bien que j'aie eu un peu de mal mal avec la forme de la nouvelle.


Nous verrons donc si avec le temps, une meilleure connaissance de la littérature japonaise de la première moitié du XXème siècle, voire plus ancienne, et une fréquentation plus accrue de Kawabata, cette première approche de l'auteur en grande partie ratée trouvera un meilleur chemin...




Challenge Nobel
Commenter  J’apprécie          393

Citations et extraits (59) Voir plus Ajouter une citation
La jeune femme s'émerveillait de la richesse, de l'immensité du monde reflété dans ce qu'elle avait considéré jusqu'alors comme un simple objet de toilette. [...]
" Dans la glace, le ciel brille comme de l'argent ", fit-elle un jour, puis, levant les yeux pour regarder par la fenêtre, elle ajouta : " Tandis que l'autre est gris, nuageux. "
Certes, le ciel du miroir ne présentait pas l'aspect plombé du ciel réel : il étincelait. [...]
" - En effet, un gris éteint. Pourtant, sa couleur n'est peut-être pas la même pour les yeux des moineaux et des chiens que pour les nôtres. Alors, comment savoir qui perçoit la nuance exacte ?
- Ce miroir serait-il un œil ? "
Kyôko l'aurait volontiers appelé l'œil de leur amour. Les arbres y paraissaient d'un vert plus tendre que les arbres véritables, les lis d'une blancheur plus éclatante.

LA LUNE DANS L'EAU.
Commenter  J’apprécie          370
Ayant passé d'un ou deux ans la quarantaine, il venait à penser que les souffrances et les tristesses de la vie se résolvent dans le cours du temps, que les obstacles et les difficultés tombent un beau jour d'eux-mêmes ; il en avait déjà vu pas mal. Qu'on se démène dans l'inquiétude et la folie, que l'on contemple en silence, les bras croisés, en fin de compte, le résultat sera le même.

RETROUVAILLES.
Commenter  J’apprécie          570
 Je suivis des yeux la direction vers laquelle il pointait son index : sur la rive opposée, dans le bain public de cette autre auberge, sept ou huit silhouettes flottaient vaguement dans la buée. Puis aussitôt je vis une femme nue sortir en courant de la salle de bain sombre. Elle s'arrêta tout au bout de la véranda du vestiaire dans une telle posture qu'elle risquait de basculer sur la berge, et cria quelques mots en étendant les bras aussi loin que possible. Elle n’avait même pas une serviette sur elle. C’était la danseuse. A la vue de ce corps blanc, de ces jambes sveltes comme de jeunes paulownias, je sentis de l’eau fraîche couler dans mon cœur et, poussant un profond soupir, soulagé, je souris paisiblement.
Elle n’était encore qu’une enfant. Enfant au point que, tout à la joie de nous apercevoir, elle sortit nue sous le soleil et se haussa sur la pointe des pieds. Mon sourire s’attarda longtemps sur mes lèvres, une joie claire m’emplissait ; j’en eus la tête comme nettoyée. 
Commenter  J’apprécie          154
Quand une fleur se fane ici-bas, son parfum monte jusqu’au ciel ; alors, la même fleur s’épanouit là-haut. Toute la matière du Pays de l’Esprit est constituée par les parfums qui s’élèvent de la terre. Si l’on y prend bien garde, on s’aperçoit que chaque objet, chaque être, dégage, en mourant, en pourrissant, une odeur particulière : celle de l’acacia diffère de celle du bambou, celle du chanvre pourri de celle du drap en décomposition.
Commenter  J’apprécie          350
L'énergie de la matière est impérissable ; voilà ce que j'ai compris pendant la première moitié de ma vie, moi, jeune femme à intelligence pourtant superficielle ; faudrait-il supposer que la force de l'âme soit seule périssable ? Pourquoi ce mot : âme, ne serait-il pas un attribut de l'énergie qui coule à travers toutes créations du ciel et de la terre ?
La notion d'immortalité de l'âme exprime peut-être l'amour des hommes pour la vie, pour leurs morts, mais c'est par une habitude triste et dérisoire que nous croyons conserver dans l'autre monde notre personnalité d'ici-bas, et y emporter nos amours et nos haines. La mort peut séparer parents et enfants, ils resteraient parents et enfants ! Les frères vivraient en frères dans l'au-delà ! Il paraît que la plupart des esprits des morts, en Occident, décrivent un autre monde à l'image de la société... Ah, je trouve bien triste cet attachement obstiné à une vie qui ne respecte que l'homme !
Plutôt qu'habiter le monde pâle des fantômes, je voudrais, après ma mort, devenir une blanche colombe, une tige d'anémone. Une telle conception nous permet de nourrir ici-bas des affections tellement plus larges, tellement plus libres !

ÉLÉGIE.
Commenter  J’apprécie          120

Videos de Yasunari Kawabata (8) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Yasunari Kawabata
Extrait du livre audio "Les Belles Endormies" de Yasunari Kawabata lu par Dominique Sanda. Parution CD et numérique le 10 août 2022.
https://www.audiolib.fr/livre/les-belles-endormies-9791035404031/
autres livres classés : littérature japonaiseVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (723) Voir plus



Quiz Voir plus

Les mangas adaptés en anime

"Attrapez-les tous", il s'agit du slogan de :

Bleach
Pokemon
One piece

10 questions
889 lecteurs ont répondu
Thèmes : manga , littérature japonaiseCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..