Nuée d'oiseaux blancs

Il ne pouvait pas se défendre de la fluidité docile qu’il percevait chez elle, un quelque chose d’extrêmement consentant dont il se sentait le cœur tout pénétré. (p.144)

Teinte fanée du rouge à lèvres, tel un pétale flétri de la rose, brunissant tel le sang séché. (p.143)

Une fleurette, si éphémère qu'elle ne dure même pas l'espace d'un matin, ainsi disposée dans une gourde qui avait pieusement passé de mains en mains depuis plus de trois siècles...

Jamais encre il ne s'était douté de l'existence, chez la femme, d'une réceptivité aussi souple et aussi profonde, capable de vous guider tout en vous suivant: cette passivité voluptueusement active et chaleureuse qui vous plonge dans une mer de parfums.

Oui, ce devait être son père qui avait incité Mme Ota à user du mizusashi de shino, non plus comme cruche à eau pour la séance de thé, mais comme vase à fleurs domestiques : un vase où elle avait appris à mettre des œillets et des roses; et c'était lui, vraisemblablement, qui avait pressé son amante d'affecter à l'usage quotidien la petite tasse de shino, au lieu de la réserver au seul art du thé. Et dans cet univers qu'il avait lui-même composé, dans ce monde transposé pour la grâce et pour le charme de sa maîtresse, dans ce subtil changement d'atmosphère dont il possédait seul la clef, oui, c'était dans ce climat tout secrètement harmonieux qu'il devait lui arriver de se plonger dans la contemplation délicieuse de la beauté bien-aimée, dans la beauté de Mme Ota...

N'est-il-pas vrai que dans ce monde, plus les êtres vous sont chers et aimés, plus évanescente aussi est l'image qu'ils vous laissent, tandis que tout ce qui est détestable ou répugnant se grave d'autant plus profondément dans le souvenir ?

Et sur le ciel éblouissant, en silhouette sombre, se découpait la cime frangée des vieux arbres, entre les branches desquels se glissaient encore les rais d'une lumière étincelante qui l'avait obligé à fermer ses yeux las.

Oui : cette Kurimoto qui s'emploie à confectionner le mariage, a eu aussi une brève aventure avec mon père, et c'est elle qui distille en moi le poison du passé. Vous, au contraire, mon père vous a aimée jusqu'à son dernier jour...Et je pense que ce fut un grand bonheur pour lui.