- Pour bien comprendre la psychologie humaine, ajouta-t-elle, il ne faut être ni trop exclusivement masculin, ni trop exclusivement féminin.
Comme le veut l'usage, maintenant que la séance de thé touchait à sa fin, on passa à ce qu'on appelle l'appréciation des pièces, c'est-à-dire à la contemplation savante des objets d'art choisis pour la réunion.
N'est-il pas vrai que dans ce monde, plus les êtres vous sont chers et aimés, plus évanescente aussi est l'image qu'ils vous laissent, tandis que tout ce qui est détestable ou répugnant se grave d'autant plus profondément dans le souvenir ?
Nous ne ferions que souiller et flétrir sa mort, à vouloir nous en tenir pour responsables et à nous le reprocher. Je crois que les sentiments de cette nature, quand les vivants les entretiennent, ne font qu'accroître le fardeau des morts.
Avait-elle été entraînée dans la mort par la faute de son péché, ne trouvant plus aucun moyen d'y échapper ? Ou avait-elle été poussée dans la mort par la force de son amour, qu'elle ne pouvait plus étouffer ? Le péché, ou l'amour ? Telle était la question dont se torturait Kikuji depuis une semaine, nuit et jour, sans trouver de réponse.
Les pièces à thé finissent par perdre toute signification et toute valeur, si leur beauté n'est pas goûtée et rehaussée au contact d'autres pièces, dont la beauté compose une harmonie.
Mourir, c'est refuser toute compréhension, et pour toujours, de la part des autres. Nul ne peut plus comprendre les actes d'un mort; personne n'est plus en mesure de les excuser.
A trop vouloir s'attacher aux défunts, on s'expose à finir par croire qu'on n'existe plus soi-même.
La volupté qu'il venait de goûter était celle d'un plaisir que l'expérience seule de sa partenaire était capable de lui donner; et pourtant le jeune homme n'avait à aucun moment ressenti les timidités de son inexpérience. Il avait l'impression de savoir pour la première fois ce qu'était une femme, connaissant désormais ce que c'était qu'être un homme. Kikuji s’étonnait de cette révélation et du complet éveil de sa virilité.
Jamais il ne s'était douté de l'existence, chez la femme, d'une réceptivité aussi souple et aussi profonde, capable de vous guider tout en vous suivant: cette passivité voluptueusement active et chaleureuse qui vous plonge dans une mer de parfums. Lui qui n'avait jamais éprouvé qu'une sorte de dégoût à la suite du désir, chaque fois qu'il avait profité des libertés que lui offrait sa vie de célibataire, il s'étonnait à cette heure de baigner au contraire dans les délices d'une langueur savoureuse et paisible. Il savait que de toute autre partenaire, il se serait écarté froidement et l'aurait repoussée, alors qu'ici, pour la première fois, son corps aimait à sentir la chaleur douce de l'autre corps tendrement serré contre lui, prolongeant indéfiniment l'étreinte.Non, il n'avait jamais connu chez une femme ces ondes caressantes d'un sentiment sans fin.
Depuis le temps que cette tasse avait trouvé emploi dans l’art du thé, tant de lèvres s’y étaient posées, de génération en génération, toujours à la même place : était-il possible qu’elles eussent fini par y laisser leur marque ? Et de toutes ces lèvres, celles de Mme Ota, qui avait pris la tasse pour un usage quotidien, n’avaient-elles pas été les plus fréquentes ? (p.189)