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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ayant été littéralement retournée par le récit " Les trois lumières " au point d'avoir renoncé à la chronique, il me semblait périlleux de me plonger dans le livre précédent de Claire Keegan tant le risque de frustration, de déception, me paraissait inévitable.

Et pourtant la curiosité l'emporte, la fascination pour l'écriture, l'étrange désir de se perdre encore dans cette émotion.

Quinze nouvelles, un véritable étourdissement, un recueil qui porte si bien son titre. Les femmes, dans ces textes, traversent une immensité froide, s'éloignent de leurs repères. Il y a quelque chose de redoutable, de rude et d'impérieux dans ces mots là. Des portraits qui égratignent. Et pourtant, le ton, s'il est incisif, n'est pas à l'introspection. C'est l'intensité des scènes, effrayantes de précision pour le moindre détail, l'incertitude d'une attitude, ces secondes de temps flottant, une densité saisie et saisissante en instantanés à la fois pudiques et prosaïques.

On peut être surpris, dérangée parce que c'est parfois dérangeant, par la violence des sentiments suggérés, par la crudité de certains mots après avoir lu " Les trois lumières ". Cependant, il s'agit bien du même style épuré qui dit l'essentiel, la même force d'évocation à travers des moments choisis au quotidien, la même pointe qui touche au plus juste, une tension sensible. Et ces phrases qui s'insinuent.

Ce recueil là, c'est une lumière blanche.


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Quinze courtes nouvelles forment ce premier recueil de la talentueuse auteure irlandaise Claire Keegan. J'ai lu il y a assez longtemps sa novella Les trois Lumières ainsi que son autre recueil de nouvelles A travers les champs bleus. J'avais été éblouie. Pourquoi donc n'avais-je toujours pas lu L'antarctique ? Un mystère.

Dans une interview, j'ai aimé ce que Claire Keegan disait de son travail d'écriture : elle se place derrière ses personnages, en retrait quoi qu'il se passe, qui que ce soit, et essaye de suivre leurs regards. Elle observe le monde à travers leurs yeux, et écrit autour de leur situation, leurs désirs, qu'elle suit scrupuleusement.

Elle est vraiment habile à mettre la vie en mots. En évoquant le quotidien le plus rude et triste d'une plume presque invisible, elle réussit à chaque fois à nous en montrer plus qu'il n'en a été écrit. On ne saura pas tout. C'est frappant dans Où l'eau est la plus profonde et le parfum de l'hiver. Les non-dits laissent l'imagination du lecteur prendre le mors aux dents.

Ces quinze nouvelles se passent à la campagne, entre l'Irlande et les États-Unis. le recueil commence très fort avec le premier texte, aussi glaçant que son titre, qui donne son nom au recueil (L'Antarctique).

Au coeur de ces nouvelles, des femmes. Epouse, amante, fille, soeur, presque femme, mère. Quand ce ne sont pas leurs voix qui racontent, leurs absences sont au coeur du récit (Brûlures, Des palmiers en flamme, La soupe au passeport). Claire Keegan explore à petites touches les existences et raconte ces instants où les vies basculent. Prises de conscience, changements de cap, pertes irrémédiables. « Quand ça arrive, ça arrive vite. La main ne demande pas s'ils sont prêts, elle les pousse simplement. » (Osez le grand frisson). le destin, mais surtout leur volonté propre, à ces femmes, qui s'émancipent et s'écoutent – pour le meilleur mais aussi hélas parfois pour le pire -, ou prennent juste le volant (Les hommes et les femmes) – même, ou surtout si, leur vie est de dur labeur et assujettie au pouvoir des hommes, à une place définie par la société.

L'auteure fait vivre les fêlures et parler les silences, mais n'oublie jamais de saupoudrer avec justesse ses histoires – ou en tous cas leur ensemble – de quelques pointes d'humour, d'ironie ou encore d'espoir, salvatrices. La chute est toujours saisissante. Les nouvelles qui m'ont le plus marquée, je crois : La soupe au passeport, Les soeurs, Les hommes et les femmes, Orages et L'antarctique. Une plume simple et forte, pour un recueil superbe. Vivement le prochain livre de Claire Keegan !

« Il entend les reproches, les mots acérés qui volent comme des couteaux dans la pièce, dans sa tête. Les mots le percent de part en part. C'est la vérité. »
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Si vous aimez Nuala O'Faolain, vous aimerez Claire Keegan : sans même savoir que la première avait encouragée la seconde à publier (même si c'est clairement écrit sur la 4e de couverture !), j'ai retrouvé la même force et le même mordant dans ce recueil de nouvelles et cela m'a hantée pendant une bonne partie du livre.


Commencer la première nouvelle de Claire Keegan, "L'Antarctique", c'est ne plus lâcher le recueil avant de l'avoir terminé jusqu'au dernier mot. Dans une écriture simple, mais dense par tous les sous-entendus qu'elle soulève, l'écrivaine plante le décor dans la campagne irlandaise ou américaine (mais ça pourrait très bien aussi se passer en France) et raconte la vie des femmes, le machisme ordinaire qui veut, par exemple, que jusqu'à une certaine époque, les femmes ne conduisent pas, et tant d'autres petits détails qui montrent un asservissement parfois inconscient. Avec beaucoup d'ironie et d'humour ses héroïnes font face. Unetelle prendra le volant dans une situation critique sous l'oeil médusé du mari, une autre victime de discrimination par rapport à la beauté de sa soeur mais pas stupide pour autant, trouvera le moyen tout simple pour que cela cesse. Toutes ces femmes ont joué le rôle que la société et l'univers des hommes leur assignaient, jusqu'au jour où elles ont décidé que ça suffisait. Et leur réplique est le plus souvent pimentée comme du Tabasco, mais parfois beaucoup plus tragique... On peut difficilement en dire davantage parce que ces nouvelles se dégustent et la fin est toujours une surprise. le génie de Claire Keegan c'est aussi de ne pas tout dire, de mettre en évidence les non-dits et de laisser le lecteur en tirer les conséquences. Tous ses personnages ne sont pas forcément ce qu'ils ont l'air d'être jusqu'au jour où...

Les nouvelles qui m'ont le plus marquée : "Les hommes et les femmes", "Les soeurs", "Le sermon à la Ginger Rogers", "L'amour dans l'herbe haute", "La soupe au passeport", "On n'est jamais trop prudent" et "L'Antarctique". Mais j'en oublie sûrement !

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ça faisait longtemps que je n'avais pas lu de nouvelles. Mais comme les avis sur Les trois lumières de Claire Keegan sont particulièrement élogieux, je n'ai pas tergiversé pour l'emprunter à la bibliothèque ! J'ai tout de suite pensé à Nuala O'Faolain et aussi à Lorie Moore… avec des comparaisons comme cela, vous vous doutez que j'ai adoré ces nouvelles, et vous avez tout à fait raison.
Histoires de familles, histoires d'amour, dans la campagne irlandaise ou aux Etats-Unis, je les ai toutes trouvées parfaitement construites et maîtrisées. Rien de trop n'est dit, l'écriture est sobre pour des sujets qui commencent dans la vie quotidienne et dérapent vers des conclusions souvent sombres et qui, en quelques phrases, vous coupent le souffle. La première ne se passe pas du tout en Antarctique, et pourtant, comme elle mérite bien son titre ! Elle est vraiment glaçante, et les autres ne sont pas en reste. Ses personnages rencontrent des situations difficiles et trouvent leur façon bien personnelle d'y faire face. Un superbe recueil de nouvelles !
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Ce recueil de nouvelles m'a enthousiasmée! D'abord, il est réaliste; l'auteure a le talent de nous faire entrer en quelques lignes dans l'univers d'un personnages avec juste ce qu'il faut d'informations sur lui; on y croit. Ensuite, ce sont bien des nouvelles à chute: quelque chose peut arriver en une ligne, nous surprendre et faire basculer l'histoire. Enfin, le style est remarquable: des petites touches, des actions, des dialogues mais pas un mot de trop; aucun développement sur la psychologie, les pensées, le physique d'un personnage. Elle fait le pari de l'intelligence de son lecteur et lui fait voir les choses avec le point de vue de son narrateur. Mes deux nouvelles préférées: "Brûlures" qui raconte comment un père et ses enfants essaient de guérir de la folie et de la violence de son ex femme, et les cafards y jouent un rôle inhabituel. Il y a aussi "les soeurs" et le personnage attachant de Louisa, qui voudrait arrêter de tout sacrifier à sa soeur et qui va trouver une solution surprenante et rapide...
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Ces nouvelles sont prétexte à l'exploration d'un huis-clos que l'auteure présente, pénètre subrepticement, analyse et dépeint. Et à un moment donné, se passe un déclic, tout comme Betty, personnage issue de la nouvelle Les Soeurs, lorsqu'elle se rend compte que sa soeur est rentrée définitivement à la demeure familiale, héritée conjointement à la mort de leur père, et qui se décide à agir pour « expulser » l'occupante indésirable du logis qu'elle a toujours occupé et entretenu alors que celle-ci faisait sa vie en Angleterre. Pas de cris, pas de sang, seul un geste plein de cruauté et d'agressivité refoulée qui finira par annihiler tout désir de cohabitation. Il s'agit aussi de dénoncer l'impossibilité pour certaines personnes de cohabiter ensemble, ou plutôt, de dénoncer cette impossibilité pour eux de se séparer avant qu'il ne soit trop tard et que les gens s'abîment les uns les autres ainsi ceux qui les entourent. Impossibilité à vivre vraiment ensemble, impossibilité de vivre séparément, Claire Keegan ne propose aucune solution, elle laisse ses personnages vivrent comme ils l'entendent jusqu'au point de non-retour. Ces relations impossibles sont vouées à la destruction tôt ou tard, on le comprend vite: chaque cellule familiale, décrite dans chaque différente nouvelle, se situe à un stade différent. Quoi qu'il en soit, on subodore que l'un des individus sera sacrifié, le plus faible, le plus seul, sur l'autel de l'aveuglement, de l'égoïsme et de la lâcheté individuelle ou collective. On ressent parfaitement cet espèce de bataille sous-jacente, de la solitude désespérée dans laquelle les individus sont si profondément ancrés, de ces gens qui ne se supportent plus mais qui restent ensemble par « nécessité »: personne n'ose briser la cellule familiale, par habitude, par peur de l'inconnu, pour raison pécuniaire ou pour tout autre motif, même si l'ailleurs représenterait peut-être une fenêtre ouverte au bonheur. La famille, de quelle forme qu'elle soit – traditionnelle, recomposée, en devenir – est un exercice difficile tout comme la communication entre les individus est difficilement réalisable. le discours directe, qui transpose les dialogues, est d'ailleurs rare et peu fourni, il est souvent constitué de répliques isolées, de bouts de phrases composés uniquement de quelques mots: à la parole de l'un s'oppose le silence obstiné de l'autre comme dans La caissière chantante, qui dépeint la vie une fratrie, composée de deux soeurs, qui finissent par découvrir l'innommable dans la rue où se trouve la maison qu'elles habitent seules depuis le décès de la mère.

Entre les taiseux, les menteurs ou simplement les dissimulateurs, les non-dits submergent cette société irlandaise, où l'essentiel consiste finalement à essayer de vivre simplement et de survivre. Non-dits à l'image de la langue de Claire Keegan aussi économe en mots que puissante par ses images et les sentiments qu'elle sait provoquer chez son lecteur: une campagne et un pays austères et bruts à l'image de ses habitants ne faisant que se refléter à travers son écriture concise et brève, incisive, sans concession qui laisse toute la place aux personnes, aux objets même, à leurs regards et sentiments, qui ne s'expriment pas forcément avec les mots. Les bruits, tels les crépitements d'une machine à coudre, les ronflements du voisin, la radio allumée, les cancans des femmes du quartier, le chant aussi bien que les regards – l'éclat des bijoux clinquants, les odeurs – la fumée de cigarette, les relents de cendre froide du cendrier ou même le goût – la saveur lactée et écoeurante sur le palais de la jeune narratrice.

Les questions ne trouvent souvent aucune réponse et laissent place à la sensibilité du lecteur pour y répondre de lui-même. Car, bien souvent, les fins des nouvelles sont plutôt abruptes, à mon sens, il n'y a réellement de dénouement comme si l'auteure ne voulait pas apporter une fin ferme et définitive à ses histoires mais tenait à laisser en suspens le destin de ces hommes et femmes, dont nous n'avons su appréhender qu'une bribe de vie. Elle a ainsi conscience que ces quelques pages ne sauront satisfaire à comprendre l'exhaustivité d'une vie entière.

Habile psychologue, Claire Keegan possède une finesse d'esprit et d'écriture assez rare. Elle pointe du doigt et creuse les grandes fêlures de ses personnages abîmés, malheureux dans leur vie, momentanément ou définitivement, de familles escagassées, d'une société impitoyable qui s'épuise dans les erreurs et les faiblesses de ses individualités. Avec une telle acuité d'esprit, elle est la preuve que parfois, une écriture brève mais efficace est parfois terriblement plus éloquente qu'une logorrhée sans fin.

Surtout, ne passez pas à côté des textes de Claire Keegan, accordez-vous deux heures pour lire, explorer et savourer L'Antarctique, qui reste, à mon humble avis, un de ces recueils qui rendront votre journée meilleure.
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Un immense coup de coeur pour ce recueil de nouvelles. L'auteur peint dans ces histoires mélancoliques, mystérieuses et parfois tragiques, des portraits de femmes irlandaises, et s'intéresse particulièrement à ces moments qui ont fait basculer le cours de leur vie. Y sont abordés des sujets tels que l'adultère, les relations père-fille, la folie, la rivalité entre soeurs, etc. le style de Claire Keegan est remarquable, à la fois extrêmement concis (elle maîtrise à merveille l'art de l'ellipse et sait créer une ambiance en quelques mots), tranchant et émouvant. Ce style sert particulièrement bien ces courts récits très denses, et possède une froideur qui semble ne souligner que plus encore l'implacabilité du destin de ces femmes.
On pense longtemps à ce livre après l'avoir lu.
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