Coplan l'allure dégagée, franchit la grille et pénétra dans le jardin. Près du perron, l'éphèbe blond assurait de nouveau sa surveillance nonchalante. Vêtu de flanelle gris perle, un sécateur à la main, l'élégant jeune homme examinait les buissons fleuris des massifs qui ornaient l'entrée.
- Hello ! lui lança Francis. Est-ce que Mr Jenfield est là ?
- Une seconde, je vais aller voir, minauda le blond. Mister...Lambert, si j'ai bonne mémoire.
- Vous avez bonne mémoire, confirma Coplan. Tenez, remettez-lui cette lettre et demandez-lui s'il peut me recevoir tout de suite.
L'éphèbe allongea le bras pour saisir la lettre. A cet instant précis, Coplan lui décocha du gauche un uppercut foudroyant qui le toucha à la pointe du menton. Le blond fit un petit saut en arrière, lâcha son sécateur et s'écroula comme un sac.
Or, en l’occurrence, les cinq hommes et la femme qui avaient pris place dans le box des inculpés présentaient un aspect d'une banalité déconcertante. Incarcérés depuis sept mois, pas encore adaptés au manque d'air, au manque d'exercice, à la solitude morale et à la nourriture de la prison, ils avaient la mine pâle, défaite, un peu bouffie, et cette expression inquiète, ahurie, qui donnent un air minable à la plupart des détenus.
Naguère encore, l'enseignement du français était obligatoire dans les écoles grecques. De nos jours, les jeunes étudient plus volontiers l'anglais. Mais, en s'adressant à des gens d'âge mûr, on arrive presque toujours à se faire comprendre.
- Oui, évidemment, admit le Vieux. Ah, ce Jenfield, quelle sombre andouille ! A-t-on idée d'une histoire pareille ! Jouer au bilboquet avec un petit communiste truffé de microphones...Joli tableau, non ? Digne de figurer sur les fresques de l'antiquité grecque.