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sur 818 notes
On suit quelques années de la vie de Paula depuis les 20 ans, âge auquel elle intègre une prestigieuse école d'art de Bruxelles. Elle veut y apprendre les techniques et secrets de la peinture en trompe l'oeil, avec une envie que l'on juge en tant que lecteur limitée voire résignée. Mais dont on saisit la véritable nature plus tard, après son diplôme lorsqu'elle se jette à corps perdu dans son travail. Il devient un prolongement de sa propre personne, une frontière floue entre sa réalité et la réalité du substrat, et peut être aussi le remède abstrait à son strabisme qu'aucun ophtalmologiste n'a jamais su résoudre. de ses premiers pas laborieux dans ce travail aléatoire aux réussites remarquées dans le cercle fermé de la bourgeoisie italienne, on observe les apprentissages sentimentaux de Paula et ses déambulations professionnelles qui l'amène à affiner sa propre vision de l'art, souterraine depuis ses 20 ans. Ces quelques années de sa vie sont à l'image de la trajectoire courbe décrite par un jet de peinture sur une toile immaculée. Cette toile qui représente l'espace des possibles pour la jeune Paula, qui espère en résorber la blancheur avec les teintes vives d'une existence d'artiste reconnue. Ce premier jet explose avec une fulgurance similaire à l'ambition éhontée de la jeune femme, s'y reflète la même beauté que sa candeur parfois malhabile. Paula désire âprement ériger la peinture en "trompe l'oeil" au rang qu'il devrait occuper, un art embryonnaire et fondamental, miroir de millénaires de création lorsque les hommes primitifs avaient uniquement le désir éthéré de reproduire ce qui leur faisait face. Elle veut l'instituer comme un art immuable de la reproduction, poreux au réel et aux soubresauts physiques du créateur. Une technique artistique universelle qui retranscrit l'essence même de la réalité. Et Lascaux apparait alors comme le point d'orgue de cette quête irrépressible. Puisque qu'il lie les époques et les êtres, unifie les formes, les matières et les couleurs. Ils ne forment plus qu'une masse dense se modelant de façon synchrone. Dans un temps nécessairement universel. Lascaux matérialise le sens que Paula cherchait éperdument pour appréhender enfin sa vie artistique, et l'assumer auprès de ses proches et en particulier du couple fusionne de ses parents. Et en décelant ce sens, sa vie sentimentale s'éclaire elle aussi.
Même si l'on peine parfois à pénétrer le personnage de l'héroïne, souvent distant. La lecture est agréable de bout en bout, soutenue par un phrasé poétique et imagés. A la fin, brûle en nous l'envie de connaître la suite: l'âge de la maturité.
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J'ai lu ici et là pas mal de chipotages autour de ce roman qui "n'aurait pas la puissance émotionnelle de Réparer les vivants", et d'autres choses encore... Difficile de faire exister un nouveau livre après le succès phénoménal du précédent dont le sujet contribuait nettement à l'émotion. Pourtant, la puissance est bien là. Qui naît de l'écriture, précise, travaillée tout en légèreté, mais aussi du talent de l'auteure à explorer son thème avec une ambition remarquable. Maylis de Kerangal m'avait déjà captivée avec la construction d'un pont, émue avec l'odyssée d'une transplantation cardiaque. Me voilà éblouie par cette plongée au coeur du monde de l'art du trompe l'oeil. Encore une histoire de lien, comme un trait d'union entre les époques et entre les hommes.

Paula Karst, l'héroïne de ce roman, nous apparait dans une sorte de long plan séquence dirait-on au cinéma, elle dévale les escaliers de son immeuble et s'apprête à rejoindre ses amis, anciens camarades de l'école qui les a formés à l'art du trompe l'oeil. Il n'a fallu que ces quelques lignes pour me scotcher une fois encore à la plume de l'auteure et donc m'attacher aux pas de Paula. le rythme, la musique, le pouvoir d'évocation... mais que ça fait du bien de retrouver une telle écriture ! Plonger dans l'apprentissage de Paula, qui est autant celui de l'art que celui de la vie, remonter à la genèse de son amitié avec Jonas et Kate, partager leurs angoisses et leurs états d'âme face à cet art qui apparait comme mineur aux yeux des "vrais" peintres. Qu'est-ce que le trompe l'oeil réellement ? Donner l'apparence du vrai. Et pour cela, ce que Paula va surtout découvrir c'est que pour copier, il faut connaitre intimement son sujet afin d'être capable de restituer bien plus qu'une apparence. Réflexion passionnante autour de la vérité et qui invite à regarder autrement toutes les formes de peinture.

A la suite de Paula, l'auteure nous entraîne dans des milieux où l'image est reine, que ce soit le cinéma et ses décors qui n'ont plus grand chose de naturel ou les halls d'immeubles cossus qui doivent refléter le standing de leurs occupants à coup de faux marbres luxueux. Mais le plus intéressant, c'est la connexion que ce travail sur la matière initie pour Paula avec le monde qui l'entoure, en particulier végétal mais aussi animal. L'attention portée aux sujets qu'elle doit imiter - une écorce de bois, des écailles de tortue, les veinures d'un marbre - lui permet de ressentir quelque chose qui touche à l'essence même de la vie. Et c'est là que l'on mesure la virtuosité de Maylis de Kerangal qui réussit une mise en abyme à la fois poétique et sensuelle, une sorte de tourbillon qui renvoie chaque être humain à son appartenance à une longue lignée de semblables qui, avec leurs moyens ont fait en sorte de témoigner artistiquement de leur époque. Une démonstration éblouissante qui trouve son point d'orgue dans la grotte de Lascaux. "Il y a des formes d'absences aussi intenses que des présences" découvre Paula, soudain clairvoyante.

Non, hors de question de faire la fine bouche, un tel roman, une telle écriture, ce sont des cadeaux, de vrais cadeaux. On peut se faire le plaisir de déguster les phrases en les lisant à voix haute, se réjouir de l'éclairage singulier que l'auteure propose pour inviter à réfléchir sur le vivant. Savourer, tout simplement.

"L'étonnement produisant de la clarté, ils sont clairs, d'une clarté violente, l'un et l'autre, neufs et affûtés, explorant le plaisir comme une paroi sensible, usant de tout leur corps, de leur peau, de leurs paumes, de leur langue, de leurs cils, et comme s'ils se peignaient l'un l'autre, comme s'ils étaient devenus des pinceaux et s'estompaient, se frottaient, se calquaient, relevant les veines bleues et les grains de beauté, les plis de l'aine et l'intérieur des genoux : ils se précisent et se rassemblent, leur peau bientôt auréolée d'une même lumière, lustrée d'une même douceur... "
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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On pourrait penser qu'il faut une histoire pour écrire un roman, un scénario, des péripéties... Eh bien, Maylis de Kerangal s'en passe, dans ce roman ode à l'art du trompe-l'oeil. Car finalement, même si l'on suit le parcours de trois étudiants dans cette spécialité, ce n'est pas leur histoire qui intéresse, c'est celle de leur art. Beaucoup de descriptif, dans une très belle écriture, c'est assez passionnant, surtout la fin centrée sur Lascaux.
Pas forcément hyper haletant, un peu fabriqué, mais original et joli.
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Paula Karst est une jeune fille assez quelconque avant d'intégrer, sans vocation mais avec une réelle motivation, l'institut supérieur de peinture décorative de la rue du métal, à Bruxelles. L'école forme des peintres spécialisés dans l'art du trompe-l'oeil. Après une période de doute, tétanisée par la peur de ne pas être à la hauteur, Paula prend de l'assurance et se montre suffisamment douée pour ne pas avoir à rougir devant ses camarades. Les premiers temps, elle ne sort pas beaucoup et ne noue pas de relations avec les autres élèves. Puis, elle se lie d'amitié avec son co-locataire et une autre jeune fille. le trio, soudé, travaille d'arrache pied pour obtenir le diplôme.


l'institut supérieur de peinture décorative de la rue du métal, à Bruxelles
Dans la seconde partie du roman, nous retrouvons Paula dans les débuts de sa carrière professionnelle. C'est un métier qui demande une grande mobilité si l'on veut travailler de façon continue. Nous suivons Paula dans ses différents chantiers, en France et à l'étranger. Au fil des expériences, elles gagne en professionnalisme. Elle acquiert une petite notoriété lui offrant des chantiers de plus en plus intéressants. Son métier la passionne, elle en fait le centre de sa vie et en oublie le reste : " Certes, elle rencontre des gens, oui, beaucoup, la liste de ses contacts s'allonge dans son smartphone, son réseau s'épaissit, mais prise dans un rapport économique où elle est sommée de satisfaire une commande contre un salaire d'une part, engagée sur des chantiers à durée limitée d'autre part, elle ne crée pas de relations qui durent, accumule les coups de coeur de forte intensité qui flambent comme des feux de paille sans laisser de trace, désagrégés en quelques semaines, chaleur et poussière."

Quand Maylis de Kerangal s'empare d'un domaine, elle en étudie toutes ses facettes et s'approprie le lexique technique, qu'elle utilise pour décrire avec précision l'univers qu'elle décrit. Cette fois encore, la langue est riche, précise, imagée. du point de vue de l'écriture, on peut faire le parallèle avec "Réparer les vivants". La comparaison s'arrête-là. le sujets est différent, les émotions ressenties à la lecture le sont aussi.


Je n'irai pas jusqu'au coup de coeur mais j'ai beaucoup apprécié ce roman d'apprentissage. J'ai aimé suivre l'évolution de la jeune Paula Karst, son quotidien d'élève puis de peintre en décors. Je ne connaissais pas du tout cet univers, assez particulier. J'ai trouvé très intéressante la réflexion sur ce qu'est l'artisanat (ou l'art ?) du trompe-l'oeil. Est-on un artiste quand on copie les oeuvres des autres ?

Si vous aimez l'écriture de Kerangal vous devriez pas être déçu par ce roman (sauf si vous le comparez à "Réparer les vivants", inégalable).

Un très bon roman
Lien : http://www.sylire.com/2018/0..
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Sentiment mitigé, mis à part peut-être le passage sur la découverte de Lascaux, le reste ne parvient pas à me convaincre. Une écriture riche et puissante, comme d'habitude, mais souvent indigeste ... même quand on aime et pratique la peinture et c'est mon cas. Cela en devient étouffant. Paula, héroïne sans en être une, en perd son humanité et son charme, dans ce catalogue de couleurs et autres pinceaux. D'un chantier à l'autre, je me suis lassée, ennuyée, j'ai tourné certaines pages pour voir si cela s'améliorait plus loin. En vain !

Trop de descriptions inutiles, trop de technique, pas d'émotions, peu de réels sentiments à mon goût. Bref, je n'ai rien retrouvé de ce que j'avais aimé dans Tangente vers l'est, qui reste mon roman préféré de Maylis de Kerangal.
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Ce roman est d'un niveau littéraire absolument fantastique!
On plonge avec délice dans un milieu à part, les peintres en décor, les "faussaires". On découvre la rue du Métal où se situe l'école, à Bruxelles et l'ambiance exaltée mais dure et exigeante de l'apprentissage d'une reproduction parfaite. Sentir les matières, le bois, le marbre, les métaux, le végétal... Et sur cette aventure, on suit Paula, Jonas et Kate mais c'est à travers l'oeil de Paula que l'on traverse et l'apprentissage, et l'après-école, avec les chantiers plus ou moins intéressants. On voyage en Italie, dans les studios de Cinecitta et jusqu'en Dordogne, à Lascaux.
Et quelle virtuosité de la part de Maylis de Kérangal dans ses descriptions et son style d'écriture. C'est riche, dense, on lit ce livre comme une partition! C'est une musique et c'est formidable!
J'en conseille vivement la lecture et j'espère aussi que ce livre sera mis en avant, voire primé parce qu'il le mérite amplement.
Un gros coup de coeur.
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Maylis de Kerangal nous invite à poser notre regard sur ce que la main de l'homme peut produire. Ce qu'il sait faire de ses dix doigts est ce qui lui donne son statut d'homme. La beauté existe-t--elle si il n'y a personne pour la regarder ? Par cette histoire d'amour elle nous enjoint à regarder, à aimer et à faire.
Comme à chacun de ses romans, son écriture est pour moi hypnotique. Sa richesse m'exalte, m'émeut et me transporte. Il y a quelque chose qui me réconforte dans son projet littéraire, une forme de réconciliation de l'homme er du monde, une proposition à trouver sa place.
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Paula Karst s'initie à la peinture dans un institut bruxellois. En Belgique, elle allie la vie de bohème aux exigences visant à l'excellence dans l'exercice de cet art. Diplôme en poche, elle travaille dans les studios moribonds de la Cinecita à Rome, avant de s'investir dans les fac simile de Lascaux. Elle apprend le monde et son histoire du bout des doigts en mélangeant les pigments. Superbe roman que je recommandé chaudement.
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Un beau roman si on a envie de se plonger dans le monde des "artistes-artisans", peintres des décors, du trompe-l'oeil,d'un décor de cinéma à Moscou au hall d'un immeuble parisien, de Cinecitta à Lascaux en passant par un musée égyptien, de Bruxelles à la Dordogne mais surtout l'Italie...
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Je suis visiblement passée à côté de ce roman, qui reçoit pourtant de bonnes critiques, mais Je n'ai Pas réussi à entrer dans cette histoire.
Après un départ en fanfare autour de retrouvailles d'anciens amis, l'auteur nous invite ensuite à nous plonger dans leur rencontre mais plus encore à nous faire pénétrer le milieu des artistes...Et c'est là que j'ai décroché !...
Je reconnais à l'auteur un art subtil du phrasé mais les enchaînements de termes appartenant à un lexique de l'art assez pointu m'ont laissé aux portes de ce roman. Je l'ai terminé en espérant être emporté mais ce ne fut pas le cas...question de timing ? de sensibilité ? ...je ne sais pas.
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