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sur 818 notes
L'enfance de l'art

Une fois encore, Maylis de Kerangal réussit le tour de force de nous faire découvrir un univers très particulier. Avec Paula Karst, elle nous invite à peindre des trompe-l'oeil. Fascinant!

Pour les inconditionnels de la romancière, deux lignes suffiront: Si vous avez aimé les précédents romans de Maylis de Kerangal, vous aimerez celui-ci. Celle que Grégoire Leménager, dans L'Obs, appelle «la star du roman choral documentaire» réussit à nouveau son pari, nous faire découvrir le quotidien d'une artiste. Avec tous ces détails qui «font vrai» et qui donnent au récit sa densité, sa profondeur, elle va cette fois nous faire partager le quotidien de Paula Karst, une artiste peintre, même si la responsable de son école lui préfère le terme d'artisan.
Au moment où s'ouvre le roman, Paula s'apprête à rejoindre des camarades de promotion dans un restaurant parisien. Des retrouvailles qui la réjouissent, car cela fait de longs mois qu'elle n'a pas revu Kate l'Écossaise et Jonas le rebelle. Et même si son corps réclame un pei de repos, elle va aller jusqu'au bout de la nuit pour se rappeler le temps passé à l'Institut supérieur de peinture de Bruxelles et découvrir quels sont les chantiers qui les occupent désormais.
Nous voici donc à l'automne 2007 rue du Métal, à Bruxelles. Pour Paula, c'est un peu la formation de la dernière chance, car elle cherche encore sa voie. Et après quelques jours, elle a du reste bien envie de laisser tomber. Car ce n'est pas tant l'inconfort de sa colocation – dans un appartement difficile à chauffer – qui la dérange que l'énorme charge de travail. La prof au col roulé noir a vite fait de leur expliquer qu'ils ne pourront réussir qu'à force de travail, d'imprégnation, de reproduction sans cesse recommencée, de méticulosité et de connaissance sur les matériaux, les textures, les techniques.
Finie l'image de l'artiste devant son chevalet se laissant guider par l'inspiration. Ici le travail est d'abord physique. Éreintant. Absolu. Pour pouvoir devenir une bonne peintre en décor, il faut qu'elle connaisse la nomenclature des différents marbres, qu'elle sache distinguer les essences d'arbres, qu'elle comprenne comment se forment et se déplacent les nuages. Mais aussi de quoi sont faits les différents spigments, comment réagissent les peintures sur différents supports, quel pinceau, quelle brosse, quel instrument provoque quel effet. Les journées de travail font jusqu'à dix-huit heures.
Tous les élèves qui choisissent de poursuivre la formation vont se rapprocher, sentant bien que la solidarité et l'entraide sont aussi la clé du succès.
Pour Paula qui est fille unique, la formation au trompe-l'oeil est d'abord une formation à regarder, à se regarder, à regarder les autres. Il n'est du reste pas anodin qu'elle soit affectée d'un léger strabisme.
Elle va voir autrement, autrement dit s'émanciper, se rendre compte qu'il y a là Un monde à portée de main. Sa conquête commence à la sortie de l'école lorsqu'une voisine lui demande de peindre un ciel au plafond de la chambre de son enfant. Un premier contrat qui va en entraîner un autre jusqu'au jour où elle est appelée en Italie pour un décor imitant le marbre qui va forcer l'admiration. de Turin elle partira pour Rome où les studios de Cinecittà l'attendent. de là on va faire appel à alle pour les décors d'une adaptation d'Anna Karénine à Moscou.
Maylis de Kerangal choisit de ne pas lui laisser la bride sur le cou. Elle enchaîne les contrats, détaille le travail et nous offre par la même occasion une leçon magistrale et minutieuse qui va faire appel à tous nos sens.
Mais le clou du spectacle reste à venir, si je puis dire. On recherche une équipe capable de relever le défi artisitque et scientifique du projet Lascaux 4 : reproduire avec précision les desssins des célèbres grottes pour pouvoir offrir au public l'illusion de se promener dans la «chapelle Sixtine de l'art pariétal».
Voilà Paula confrontée aux premières oeuvres d'art. Et nous voilà, heureux lecteurs, témoins d'une histoire pluri-millénaire aussi vertigineuse que l'amour fou. C'est tout simplement magnifique!


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Il est assez délectable d'imaginer la stupeur du lecteur qui ferait connaissance avec le style de Maylis de Kerangal dès la première phrase d'Un monde à portée de main : longue, sinueuse, et pourtant rapide et précise. La manière de la romancière est particulière et surprend encore même ceux qui l'ont apprivoisée dans ses opus antérieurs : Réparer les vivants ou Naissance d'un pont voire même Corniche Kennedy. Ce style est marqué par des phrases amples, des effets d'accumulation, une surabondance de termes techniques mais aussi parfois par l'usage de mots à la mode (exfiltrer, par exemple, qui revient à plusieurs reprises dans Un monde à portée de main). Une langue qui enthousiasme ou qui rebute mais qui, en définitive, laisse rarement indifférent. Malheureusement, il y a ce sentiment, déjà perceptible dans ses deux romans précédents, que l'écriture originale et sophistiquée de Maylis de Kerangal finit par l'emporter sur le contenu de ses livres. Ce qui était davantage vrai dans Naissance d'un pont que dans Réparer les vivants, le sujet de ce dernier livre étant tellement fort et chargé en émotion. Ce sentiment (qui ne sera sans doute pas partagé par l'ensemble de ses lecteurs) affleure à nouveau dans son dernier livre alors, pourtant, qu'il ne s'agit pas cette fois-ci d'une oeuvre chorale mais bien davantage centrée sur le parcours d'une seule personne, dans sa formation puis ses premières expériences professionnelles et sentimentales. A mi-chemin entre l'artisanat et l'artistique, Paula a choisi le métier de peintre de décors, qui l'enverra de Moscou à Lascaux, en passant par Cinecitta. La dernière partie du livre, qui raconte Lascaux IV, est de loin la plus déliée et la plus captivante, peut-être parce que Paula y connait une véritable épiphanie quant à sa place dans le monde. Auparavant, dans la description de l'envers du décor et dans l'itinéraire de cette héroïne pourtant attachante, il faut parfois s'accrocher pour résister à cette prose qui a tendance à recouvrir le lecteur voire à l'immerger sous un flot d'informations parfois détaillées à l'extrême. Un monde à portée de main n'est pas à proprement parler difficile d'accès mais suggérons que c'est un livre, de par son thème et son traitement, qui ne semble pas aussi fédérateur que Réparer les vivants.
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Une tranche de vie comme une peinture aux reflets changeants : Paula, après moult hésitations sur ce qu'elle a envie de faire , s'inscrit dans une école bruxelloise pour apprendre l'art du trompe l'oeil .

Dans ce nouveau roman, Maylis de Kerangal offre ses poétiques palettes de termes , du minéral avec "les cinquante nuances "de marbres , du végétal avec les essences d'arbres , des pigments de peinture ou des différents pinceaux ... Ces énumérations, loin d'être rébarbatives ou pédantes sont étonnamment belles et font pénétrer le lecteur novice par un petit oeilleton dans les coulisses des studios de cinéma , comme Cincinetti , dans celles de vieux palais italiens ou derrière les rideaux des théâtres .

Un monde d'illusion mais qui ressemble tellement à la vraie vie comme un film, une pièce de théâtre et pourquoi pas un livre ...

De ce cheminement en pointillés, Paula aboutit à Lascaux pour reproduire les peintures de la grotte . Ce qu'elle considère au départ comme un travail comme un autre va être pour la jeune femme comme une naissance à l'art originel .

J'ai vraiment découvert un art que je prenais jusque là pour secondaire ...

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D'une école d'art bruxelloise aux peintures rupestres de Lascaux, Maylis de Kerangal invite son lecteur médusé à un voyage dans l'art du faux-semblant et de la peinture décorative. Avec toujours cette écriture absolument incomparable, on s'initie avec Paula Karst aux techniques exigeantes de la copie de marbre ou de bois, aux décors de cinéma et finalement à l'art pariétal de la grotte de Lascaux.
Le vocabulaire est somptueux et les personnages, Paula, Jonas et Kate, d'un réalisme moderne et saisissant.
De quoi susciter des vocations dans l'art décoratif !
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"Un monde à portée de main" invite à travers la vie de trois jeunes artistes à regarder le monde différemment et la place de chacun dans celui-ci.

L'histoire de Paula Karst, jeune femme, étudiante en peinture de décor à Bruxelles, nous fait voyager à travers Bruxelles, Paris, Rome et Lascaux.
Maylis de Kerangal présente un métier méconnu, tant par les aspects techniques que artistiques, ce qui nous emmène vers la question de la représentation du monde, du trompe l'oeil, en remontant le temps jusqu'au premier geste de l'homme de Lascaux.

Maylis de Kerangal nous montre toute la force de sa plume dans son sujet ; elle nous plonge complètement dans ce domaine de "faussaire", grâce a une palette de vocabulaire éblouissant et d'un style particulier, de longues phrases. le texte est très imagée, l'écriture dense ; elle captive malgré un sujet pas évident et méconnu du grand public.

Roman d'apprentissage ? Roman psychanalytique ? Roman hommage à ce métier ? A la beauté ? A la représentation du monde ? Chacun pourra le voir comme il le souhaite, et c'est beau !

Maylis de Kerangal peint une véritable fresque à travers un voyage dans le temps ! Lire, c'est avoir le monde à portée de main !
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Disons le tout de suite : « Un monde à portée de main » n'est pas « Réparer les vivants ».
Mais ce n'est pas pour autant que ce récit est à dédaigner. Moins grand public, le roman suit le parcours d'une jeune femme, Paula, d'abord étudiante puis ensuite évoluant au cours de ses premières années professionnelles.
Disons-le aussi : je suis une inconditionnelle de Maylis de Kerangal, depuis « Naissance d'un pont » pour lequel j'avais eu un vrai coup de coeur.
Le métier de Paula ? Peintre décor, spécialisée en trompe l'oeil. Une technique très pointue qui s'apprend dans les locaux prestigieux d'une école bruxelloise, aux côtés de Jonas, avec qui elle partage une colocation, et de Kate, une écossaise sulfureuse, et qui forment à eux trois un trio solide et utile lorsqu'il s'agit de se donner des tuyaux pertinents pour survivre dans la jungle des contrats précaires de décoration.
Maylis de Kerangal déploie toute sa palette de vocabulaire comme Paula apprend à déployer la sienne de couleurs : comme elle sait si bien le faire (vocabulaire des travaux publics dans « Naissance d'un pont », vocabulaire médical dans « Réparer les vivants « ), l'auteure jubile à énumérer le nuancier d'une palette de couleur, ou les outils nécessaires pour enduire un mur et reconstituer un décor de théâtre ou de cinéma.
Un premier tiers du livre couvre la période estudiantine, dans cette école emblématique menée de main de maître par une Directrice à la poigne de fer qui instruit ses élèves pendant 6 mois – ce qui relève d'une véritable performance physique pour les élèves assidus tant le métier appris est « physique » . Un second tiers raconte la galère des premiers jobs dans ce type de profession : où l'on se doit d'être « nomade » et sans attaches pour accepter tout type de mission, y compris les plus mal payées au départ, pour saisir toutes les opportunités.
Un troisième et dernier tiers va voir Paula s'immerger dans l'art pariétal, recrutée pour participer à la réplique de Lascaux, en prenant soin d'utiliser les pigments et les techniques qu'on suppose être celles de cette époque préhistorique.
Comme toujours chez Maylis de Kerangal il y a cette capacité à se glisser sous la peau des personnages qu'elle décrit, à s'immerger totalement dans le milieu qu'elle dépeint. D'où un plaisir évident de lecteur à suivre cette jeune Paula jusqu'à la scène finale, où, en un long travelling, elle viendra se fondre dans le décor pariétal.
Une réussite à nouveau, chez celle que les jurys du Goncourt ont malencontreusement oubliée, une fois de plus.
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Avant d'aborder mon avis sur ce texte, j'aimerais affirmer ici l'importance que représente désormais, dans ma vie de lectrice, ce site. Il m'a été conseillé par l'une des bibliothécaires de ma médiathèque préférée. J'aurais aimé la remercier suffisamment pour ce conseil ! En effet je suis devenue complètement accro à Babelio où je trouve mes lectures, de bonnes et moins bonnes surprises, des découvertes dans tous les cas.

Intro finie. J'ai aimé "Réparer les vivants", et quand j'ai vu que le dernier roman de de Kerangal concernait l'art, j'ai eu peur.... Peur du côté prétention qui peut s'y associer. Un peu bête me direz-vous.... Mais de ce fait pas envie d'essayer.... Et puis j'ai lu la critique de Piatka et là plus d'hésitation ! J'ai emprunté ce texte auprès de ma médiathèque préférée (encore !). Donc un grand merci à Babelio et Piatka. Sans ce site et sans cette critique je n'aurais pas lu ce livre.
Et ç'aurait été dommage.....

J'ai aimé la description physique de la composition artisitique. le style de l'auteure est tjrs remarquable. Mais j'avoue avoir un peu décroché sur la dernière partie (Lascaux), pourtant intéressante.
Dans tous les cas un bon moment de lecture !
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Un monde à portée de main, mais surtout un monde ou l'illusion, le clonage artistique tend à remplacer l'authentique, le réel, l'ancien par l'éphémère, par le trompe- -l'oeil, le fac-similé de la vision qui se joue de la confusion de la perception par un jeu de séduction !
Quant à la forme du récit : c'est mon 1° livre de l'auteure, et, j'ai été vite submergée par ses longues phrases, sans respirations, sans ponctuations, sans guillemets, sans tirets : un flux continu de mots techniques précis, de couleurs documentées mais qui arrivent en vrac ! le rythme est rapide, vigoureux sans coordination, et les personnages sont "brossés" furtivement en leur laissant peu d'espaces pour exister !
Quant au fond : Paula Kart, Jonas et Kate ont fait connaissance à l'Institut de peinture du Métal à Bruxelles, une brillante école qui apprend à ses élèves l'art du "trompe-l'oeil " ! Pour leur diplôme : ils ont choisi une spécialité :
Le portor pour Kate, la grande bringue exubérante qui n'a pas beaucoup de moyens financiers, et qui va être obligée de travailler comme physio au Nautilus et autres...
Le bois pour Jonas qui vit avec sa casquette des yankees enfoncée jusqu'aux yeux, c'est un taiseux aux airs de clodo , et après son diplôme : il ira faire les décors du Neveu de Rameau. Enfin, Paula issue d'un milieu bourgeois, qui a des yeux vairons et un strabisme et, qui a choisi l'écaille de tortue !
Les 2 derniers vont partager une colocation à Bruxelles, mais Kate sera toujours avec eux pendant la scolarité et même ensuite dans leurs activités respectives.
Paula, dans un premier temps fera des petits boulots de peinture près de chez elle, puis elle partira à Turin pistonnée par une des riches élèves de son école pour faire un travail dans la tombe de Khâ et Merit.
Sans entrer dans les détails de ses travaux : c'est à Cinecittà qu'elle va découvrir " la fabbrica dei sogni", la ville ou tout est décor, carton pâte pour les besoins du cinéma, elle va succomber aux charmes d'un staffeur expérimenté et original : le " Charlatan" .
De retour, avec les conseils de Jonas : elle va accepter d'aller en Dordogne travailler pour les décors de la grotte de Lascaux IV.
Jonas viendra la rejoindre et après, toutes ces années : ils réaliseront qu'ils ont des goûts mais surtout des sentiments en commun !
Un roman sur la vie difficile, instable et peu rémunératrice de ces artistes qui sont obligés de courir après les contrats pour subsister ! J'aurais aimé que ce coté " bohème", "décalé" soit valorisé dans le roman pour pouvoir apprécier " l'envers du décor" !
L.C thématique de septembre : première rencontre.
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J'ai eu la chance de rencontrer Maylis de Kérangal lors de la présentation de son livre à la librairie Goulard d'Aix-en-Provence. C'est une personne pleine de bienveillance envers ses lecteurs et ses lectrice, de plus c'est un vrai bonheur de l'écouter. Ce livre est lumineux, c'est une invitation au voyage au coeur de la peinture et du faux-semblant, c'est aussi un voyage vers la question des origines, servi par un style d'écriture dont l'élégance et la précision ne sont plus à démontrer. C'est une sacrée traversée que Maylis de Kérangal nous raconte là, avec ses petits naufrages, ses accalmies et surtout avec ses embellies ! Les histoires personnelles de Kate, de Jonas et de Paula notre héroïne s'entrelacent avec une très belle maîtrise et une progression un peu comme si on quittait la réalité pour se laisser conduire lentement par la main vers un autre monde qui serait celui de la fiction. Paula, au prénom qui claque, touche, modèle, manipule la matière d'origine qui est une matière réelle pour lui donner une autre forme qui n'a pas forcément son équivalent dans la réalité connue. Avant de peindre, Paula était une élève plutôt dilettante puis lorsqu'elle intègre l'école de Bruxelles elle se révèle par l'art. En peinture comme dans l'écriture on a l'oeil ou le mot juste. Maylis de Kérangal a le mot juste et Paula a l'oeil aiguisé. Pour Paula dont elle est la compagne quotidienne l'art donne un sens à sa vie parce que la peinture est aussi témoignage ; elle est façon de partager avec les autres de sa condition humaine. Pour notre héroïne, l'art est offrande, elle devient acte d'Amour. C'est un roman qui se lit lentement, qui se déguste, se digère car Maylis de Kérangal utilise un vocabulaire très fourni et très technique, on arrive néanmoins aisément à palper toutes les émotions qui jaillissent de ses pages à travers une très belle histoire ancrée dans la connaissance de l'art. le fac-similé ultime c'est la réplique de la grotte de Lascaux ainsi la fiction prend racine dans le connu, nous sommes au coeur du noyau du jeu de la vérité et de l'imaginaire. Splendide !!
Lien : https://leschroniquesdecoco2..
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Paula Karst, vingt ans, entre à l'école Van der Kelen, rue du Métal, à Bruxelles. Pendant six mois, elle va s'exercer à la peinture décorative, acquérir les techniques qui lui permettront d'imiter plus d'une soixantaine de variétés de bois et de marbre. Elle partage sa location avec Jonas Roetjens, un autre étudiant de l'école ; avec Kate, l'Écossaise, ils se serrent les coudes pour affronter toutes les difficultés d'un apprentissage exigeant et intensif. Leur formation achevée, le trio se disperse pour réaliser des chantiers aux quatre coins du monde et Paula travaillera en Russie et fera un long séjour à Rome où elle mettra son art au service des studios de Cinecittà.
Maylis de Kerangal sait de quoi elle parle. Pour traiter de son sujet, elle a acquis le jargon du métier, en maîtrise les termes techniques, connaît sur le bout des doigts les noms des pigments… Quel sujet au fait ? On ne le sait pas très bien. Veut-elle nous faire apprécier la dextérité des artisans d'art ? Souhaite-t-elle nous montrer la solitude dans laquelle s'enferme son héroïne ? Désire-t-elle nous faire sentir le malaise qui pousse Paula vers une existence errante ? Nous faire éprouver la difficulté à passer du fac-similé à la vraie nature des choses ? Trop souvent le récit se perd dans les circonvolutions d'une expertise assez vaine des techniques picturales. Les personnages deviennent de plus en plus des silhouettes de papier, presque sans chair et sans émotion. La lourdeur d'un style parfois trop emphatique tire le roman vers l'imagerie. C'est une dentelle amidonnée, qui se tient raide tellement il y a d'apprêt, une guimpe qui empêche toute liberté du mouvement. Même le patronyme de Paula sonne lourdement – Karst – pour pour la conduire un jour au fond de la grotte d'où sortira enfin la lumière : Lascaux.
Le seul moment du roman où s'échappe cette grâce de l'écriture juste et de l'effet non appuyé est la rencontre de Kate et d'une baleine. Trois pages qui se débarrassent tout à coup du vocabulaire encombrant pour nous livrer enfin une histoire vibrante.
Maylis de Kerangal s'est laissée emporter loin de ce qui fait un écrivain, à défaut d'un artiste : une écriture à l'os.
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