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sur 1196 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
J'ai voulu lire le roman de Kessel toutes affaires cessantes après avoir vu l'excellent film de Frankenheimer qui en a été tiré en 1971.
Et je ne regrette pas.
On y découvre la fascination de Joseph Kessel pour ce monde de la steppe, des cavaliers et des tchopendoz hors du temps. le roman a été publié en 1966 ; l'action date très probablement de cette époque, de toute façon du temps où l'Afghanistan était un royaume.
Mais qu'est-ce donc que les tchopendoz ? Il s'agit de l'aristocratie des cavaliers, il s'agit de ces cavaliers professionnels qui participent au fameux jeu de Bouzkachi, le jeu où des cavaliers se disputent une carcasse d'un bouc préalablement égorgé et remplie de sable pour l'alourdir, sur un terrain de plusieurs kilomètres. Tous les moyens sont bons pour s'emparer et conserver la dépouille du bouc à l'aide d'un fouet lesté de billes de plomb ou en désarçonnant le cavalier concurrent. C'est un jeu d'équipe dans la mesure où plusieurs écuries, correspondant aux villages ou aux tribus, sont en lice. le vainqueur entre dans la légende.
Il en fut ainsi de Toursene qui fut un grand tchopendoz qui a à son actif un grand nombre de victoires. Il est le père d'Ouroz, son digne successeur, lui aussi vainqueur de plusieurs Bouzkachi.
Et voici que s'annonce le Bouzkachi royal, à Kaboul, dans la capitale, en présence du roi. Autant dire que c'est l'événement de l'année. Et Ouroz se doit d'y aller pour triompher à nouveau à l'aide du meilleur cheval de l'écurie de Toursene, extraordinaire, Jehol.
Mais, surprise, voilà qu'il va perdre le Bouzkachi et même s'y casser une cheville. Son orgueil sans bornes et son humiliation face à un père qui risque de le mépriser à son retour, lui fait prendre avec Jehol et son palefrenier le chemin de retour le plus difficile qui soit, à travers une montagne (l'Hindou Kouch) très inhospitalière et dangereuse. C'est un véritable chemin initiatique qu'il va emprunter où il vivra de nombreuses aventures et rencontres.
A travers ces épreuves se dévoilent les caractères et les mentalités notamment de son palefrenier (Mokkhi) et de la servante (Zéré) qu'il recueille au passage. On devine combien Ouroz doit composer entre son orgueil démesuré, l'humiliation cuisante de la défaite et sa cheville cassée.

Dans le film de Frankenheimer, pendant le générique, en ouverture, on voit sur les escarpements ou en bordure des falaises des montagnes, des cavaliers immobiles trompette à la main qui annoncent dans tout le pays ce Bouzkachi royal. J'étais curieux de voir comment le livre avait abordé cette introduction solennelle
Le roman commence autrement par la présentation d'un vieillard, "l'Aïeul de tout le monde", Guardi Guedj, sans âge mais ayant tout vécu, qui parcourt l'Afghanistan à cheval ou sur des camions et qui, à chaque halte, raconte aux routiers de passage, à la façon d'un conteur, les légendes des tchopendoz et du Bouzkachi qui va avoir lieu sous peu. D'ailleurs, il se rend chez Toursene, le plus grand cavalier de tous les temps ...
Le roman décrit minutieusement les longs préparatifs de ce jeu, l'arrivée des spectateurs, les préparatifs des concurrents. Et très régulièrement, Kessel écrit "les trompettes de cavalerie sonnaient" puis plus loin "les trompettes sonnaient" puis au moment de l'arrivée du roi sur le lieu du Bouzkachi, "les trompettes sonnaient plus haut, plus clair" jusqu'au début de la partie de Bouzkachi. Cela donne un éclat, une solennité au texte dont on imagine l'honneur ainsi fait aux différents participants du jeu. En définitive, j'aime bien la présentation très imagée et vivante que fait Kessel que Frankenheimer rendra plus visuelle et sonore.
La grande qualité du roman est le profond respect des coutumes ancestrales que marque Kessel sur ce monde étrange où se côtoient plusieurs ethnies qui composent le monde des afghans, les khirghizes, les ouzbecks, les pachtous, etc … Mais c'est un monde étrange où la seule loi qui compte, c'est la loi tribale, où le chef a droit de vie ou de mort sur ses sujets. Un monde où les femmes (afghanes) sont exclues et ne peuvent assister au Bouzkachi. Paradoxalement, seules les femmes occidentales ont accès au lieu du jeu ...

J'ai bien aimé le personnage de la servante Zéré qui est une femme de caractère, qui joue gros pour survivre dans ce monde de mâles.
L'hommage que rend Kessel à Ouroz, le cavalier orgueilleux et humilié, est impressionnant. Ouroz, par sa traversée de la montagne se réhabilite peu à peu à ses propres yeux et, bien plus important, aux yeux de son père. Ce dernier finira par reconnaître son manque d'empathie vis-à-vis de son propre fils qu'il découvre soudain.
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Je l'ai lu comme un conte. Magnifique.
On se prend souvent à rêver de rejoindre les montagnes majestueuses de l'Hindou Kouch ainsi que les steppes du Nord.
On suit les aventures ou plutôt les mésaventures d'Ouroz
, fils du glorieux et implacable Toursène .
Ouroz, le cavalier fier, orgueilleux et cruel, est l'homme des défis inutiles, impossibles.
Une écriture splendide, humaine et surnaturelle, sauvage et civilisée sert au mieux ce roman bestial, charnel, profondément humain.
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J'ai découvert Kessel par ce livre, n'ayant même pas lu « le lion » que tout le monde connaît pourtant… Je suis séduit par cette fresque aux dimensions poétiques d'une civilisation hermétique dans un pays magnifique et devenu depuis un des symboles du mal et de l'intolérance. L'écriture de Kessel est à la fois fluide et intense, et on passe sans peine les descriptions des personnages et de leur sentiments complexes, les longueurs n'en sont pas en fait. Il faut se laisser porter. Et on en apprend beaucoup sur le Bouzkashi.
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Le rapprochement est incongru, mais j'ai pensé plusieurs fois au Seigneur des Anneaux. On retrouve en effet de nombreux éléments de l'épopée de fantasy : un maître et son serviteur entreprennent un long voyage dans des terres sauvages immenses et magnifiques, entre montagnes, lacs et steppes. Ils veillent sur un trésor, un précieux, non un anneau mais un cheval fabuleux qui est un véritable personnage à la volonté propre – comme l'Unique. Les brèves personnes qu'ils rencontrent sont soit des obstacles, essayant de leur voler ce cheval fabuleux, soit des aides provisoires dans ce qui ce s'apparente à une véritable quête. Oui, tout y est, du passage dans des souterrains à des créatures fantastiques mythiques, de la nourriture répétitive aux statues géantes creusées dans la falaise, des chansons célébrant les héros aux personnages viles prêts à toutes les bassesses.
Cependant, nous ne sommes pas dans un monde imaginaire, mais le contexte spatio-temporel est bien ancré dans le réel. le mode de vie des cavaliers des steppes est bouleversé par la colonisation toute proche des Indes par les Anglais, les débuts de la mondialisation de l'économie, la modernisation des modes de vie. Ainsi, les cavaliers se rendent à la capitale en camion et les anciennes routes caravanières sont délaissées, les hôpitaux accueillent des infirmières - alors que les femmes afghanes sont dissimulées aux regards - équipées de thermomètre alors que le cavalier blessé souhaite, comme ses ancêtres, utiliser des onguents et des charmes pour se soigner... J'ai beaucoup aimé ces descriptions toutes en contraste de deux mondes, celui immuable de la tradition, et celui du progrès vu comme une occidentalisation.
Mais surtout, surtout, ce qui m'a frappé, c'est cette plongée, non pas dans les profondeurs, mais dans les abysses de l'âme humaine. La relation entre le noble cavalier et son serviteur est une passionnée et passionnelle, faite à la fois et successivement de respect, de dévouement, de mépris, de jalousie, de haine et d'envie de meurtre. Progressivement, Ouroz perd son humanité, et rejoint le monde animal, n'étant plus décrit que par « son rictus de loup » et l'odeur abjecte de pourriture de sa jambe blessée. Comme un animal, il ne raisonne plus, il ne ressent plus, se contentant de satisfaire des besoins primaires : manger, dormir, jouir des femmes. okkhi, lui, est "le simple qui n'est pas innocent", jeune serviteur qui est progressivement corrompu par l'ambition, la cupidité et l'envie.
Si on ne peut éprouver d'empathie pour eux, j'ai apprécié Toursène, le patriarche et Maître des Chevaux qui refuse d'admettre sa vieillesse qui serait comme une déchéance, et l'Aïeul de tout le monde, barde éternel.
Un grand roman dense et profond, violent et poétique à la fois.
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Il m'aura fallu la lecture de la triple biographie « Les partisans » (Kessel, Druon, Sablon) récemment publiée par Dominique Bona pour que je découvre l'oeuvre romanesque de Joseph Kessel. Bien entendu, je le connaissais en tant que journaliste vedette mais rien encore lu de ses romans … Celui-ci, publié en 1967, quel chef-d'oeuvre !

Cette histoire d'honneur, de fierté, d'orgueil et de mort n'a pas pris une ride : paysages époustouflants, moeurs ancestrales, peuples indomptables et féroces, dépaysement garanti mais surtout, une histoire haletante, magistralement conduite … inoubliable.

La force évocatrice de l'écrivain est d'une puissance inouïe. Les descriptions de combats – essentiellement le sport ancestral afghan, le bouzkachi – et la gloire des champions adulés à l'égal de nos vedettes du ballon rond n'ont d'égales que les plongées dans la psychologie des personnages en proie à des sentiments plus que complexes. On comprend mieux pourquoi Kessel, qui eut toutes les femmes qu'il put désirer, n'eut aucun enfant …

Le principal protagoniste est un anti-héros : Ouroz, le champion absolu de la discipline, ne peut accepter sa défaite lors de son dernier combat, qu'en toute équité il aurait dû remporter. A lui la jouissance et la souffrance de l'orgueil et de la cruauté qui a pour objet les hommes, le destin et sa propre personne. Enfermé dans son désespoir et empêtré dans son respect-haine de son père qui fut le champion révéré des générations précédentes, il s'enferre dans une posture suicidaire qui le conduit aux pires paris. Indissociable de son existence, l'autre héros est le splendide Jehol, à la robe bai cerise, un animal exceptionnel d'adresse, de bravoure, de précision et de résistance.

Sens tragique de l'honneur et de la hiérarchie des clans, soumission absolue de la femme – les talibans n'ont rien inventé – intransigeance inflexible allant jusqu'au refus de l'évidence : les empires qui ont imaginé tour à tour soumettre les Afghans - ou simplement les civiliser - auraient dû lire ce roman et rebrousser chemin.

Cette histoire a été adaptée en 1971 au cinéma avec Omar Sharif dans le rôle principal et John Frankenheimer à la caméra. Mais rien ne remplace les paysages, la poésie et le style foisonnant de l'auteur.
Lien : http://www.bigmammy.fr/archi..
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Joseph Kessel avait cette capacité à décrire admirablement ses personnages et, plus particulièrement, leur état psychologique. Il est facile de décrire l'action, c'est moins évident de le faire pour le non-dit.

Dans Les cavaliers, il prend pour thème de ce roman l'orgueil et la fierté.

L'orgueil mal placé d'Ouroz, le compétiteur, qui n'admet pas ses faiblesses et fait payer les autres lorsqu'il se sent diminué. Toujours à montrer de quoi il est capable et que rien ne l'effraie, pas même la mort. Il juge de haut les autres, se mettant tout seul sur un piédestal.

Toursène, son père, dont l'orgueil tient en sa position de maitre des écuries, ne laisse rien passer ni aux bêtes, ni aux hommes, pas même à ses femmes ou à son unique fils.

Mokkie, le serviteur d'Ouroz, pétri de naïveté tout enfantine, il découvrira l'orgueil de vouloir s'élever au-dessus de sa position en écoutant Zéré la nomade.

Quant à Zéré, seule personnage féminin apparaissant très tardivement, elle est vénale, envieuse, manipulatrice et haineuse, ce qui ne fait pas la part belle aux femmes. L'orgueil qu'elle porte et celui de ne jamais abdiquer face aux brimades subies, méritées ou non.

Dans ce roman, Kessel nous décrit un monde d'hommes violent et rugueux, où la tendresse et l'empathie n'ont pas leur place. La vie ne mérite pas de pause, c'est une course de chevaux incessante pour laquelle il n'y a qu'un vainqueur.

Très beau roman, pour lequel il a été difficile de m'immerger mais, une fois capté, je n'ai pas pu le lâcher.
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C'est un roman tout à fait singulier que je referme à l'instant. Je n'avais encore jamais rien lu de pareil. Tout y est découverte pour moi.

Cet Afghanistan, d'abord. Très différent de celui de Khaled Hosseini. C'est l'Afghanistan des steppes, des grands espaces, des montagnes, de la nature âpre et féroce, impitoyable.

Ces traditions aussi. le bouzkachi, les tchhopendoz, cet univers de chevaux, ces jeux violents et durs. Cet ordre, cette hiérarchie, les saïs, les batchas.

Mais surtout, ce qui a été tout à fait inédit pour moi, c'est la psychologie de ces personnages. Car Toursène et Ouroz se laissent totalement et complètement, aveuglement, guider par leur orgueil. Un orgueil à nul autre pareil, blessé par des gestes paraissant anodins, tourmenté par la crainte du jugement de l'autre ou par plus grande réussite de son propre enfant. Orgueil démesuré, intolérant, violent. Fierté brûlante, toxique. Et face à pareils sentiments, les réponses sont démesurées, les réactions excessives, les gestes extrêmes. L'aventure n'en est que plus intense.
Et que dire de la cupidité de Zéré, seule femme de l'histoire. Cupidité qui nourrit tous les rêves d'opulence et tous les désirs meurtriers. Cupidité qui préside à toutes les manipulations.

Alors, j'avoue, je n'ai pas toujours compris les agissements de Ouroz ni même les réactions de Toursène. Pour autant, je me suis totalement laissée emporter par le souffle de l'aventure, par l'épique de cette épopée, par le dépaysement offert par cette nature féroce. Je me suis complètement abandonnée à cette écriture opulente, riche et fastueuse, par cette plume magnifique. Si j'avais pu ressentir de l'empathie pour ces personnages, j'aurais sans aucun doute aligné la 5eme étoile pour juger ce livre. Mais voilà, je ne suis pas parvenue à pénétrer l'âme de ces personnages pourtant charismatiques. C'est peut-être ce qui m'aura manqué pour évoquer un coup de coeur.
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Encore un très beau roman de Kessel qui nous fait voyager dans l'Afghanistan des années 60. La relation très intense entre les personnages et la précision dans la description des lieux et des modes de vie en font un récit épique qui ne peut laisser le lecteur insensible.
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Malgré la plume sublime de Joseph Kessel, des portraits de femmes et d'hommes bien peu attachants,où l'orgueil, la vénalité et la suffisance prennent le pas sur l'empathie, l'entraide et le respect.
Une lecture en demi teinte, balancée entre l'écriture élégante de l'auteur et les personnages détestables.
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Ce roman puissant vous emmène au-delà des montagnes de l'Hindou Kouch aux frontières de l'Afghanistan et de la Mongolie, dans un pays dd chevaux splendides et d'hommes cruels, courageux, pleins d'orgueil et de morgue ; c'est l' histoire d'un homme qui court après la gloire et la reconnaissance de son père, et qui au bout de centaine de kilomètres à cheval se trouve enfin.
C'est un roman d'ailleurs pour partir dans un autre monde tout en se réveillant dans son lit (et en s'y trouvant très bien !)
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