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Les mains du miracle” ou l'éveil de sentiments paradoxaux : lorsque le besoin irrépressible d'avancer dans une lecture côtoie l'appréhension des pages tournées vers la gauche.
Dans ce livre,
Joseph Kessel fait le récit d'un épisode historique qui met en scène le docteur Felix Kersten.
Spécialisé dans les massages thérapeutiques, ses pairs comme ses patients lui reconnaissent un don qui dépassera toutes les frontières. Y compris celles de sa propre imagination.
Cette notoriété le conduit en Allemagne, au chevet d'
Heinrich Himmler, le chef de la Gestapo. Sujet à des maux d'estomac, le bras droit d'Hitler cherche désespérément la personne ou le remède qui pourrait l'en soulager. Lorsque Kersten parvient à accomplir l'impossible, Himmler, ne conçoit plus se passer de son sauveur, et en fait son médecin attitré.
C'est le début d'une aventure périlleuse pour le docteur. Au coeur des plans du Troisième Reich, il usera de son don pour tenter de sauver ceux qui étaient voués à une mort inéluctable.
Joseph Kessel plonge le lecteur dans une relation qui réunit deux figures aux valeurs antipodiques :
D'un côté, Kersten : un homme providentiel qui consacra 6 années de sa vie à soigner Himmler dans le dessein de contrer les projets diaboliques fomentés par les plus hauts dignitaires nazis.
De l'autre, Himmler : un esprit fanatisé par le culte qu'il vouait à Hitler. Une vénération sans borne qui le conduisait à exécuter des directives avec jubilation et machiavélisme.
La force du récit réside dans les descriptions de l'emprise de Kersten sur Himmler.
Joseph Kessel suscite une fascination chez le lecteur, fascination qui ne cesse de croître à mesure que cette emprise s'intensifie.
Il nous livre une dépendance progressive du patient envers son soignant, causée par la chronicité de sa maladie. Kersten profita alors de l'état de détresse d'Himmler pour lui soutirer des faveurs qu'il ne lui aurait jamais concédées une fois rétabli. Il pu notamment obtenir la libération de résistants nééerlandais, le sauvetage de milliers de juifs et l'avortement d'un plan visant à détruire les camps de concentration avec leurs prisonniers.
Avec une écriture puissante,
Joseph Kessel dresse le portrait d'un homme dont l'abnégation force le respect.