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sur 1708 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Du soldat inconnu au masseur méconnu.
Pas de flammèche éternelle mais un récit de Joseph Kessel qui mérite la postérité et qui m'a fait découvrir un épisode incroyable de la seconde guerre mondiale.
En résumé, le diable a mal au ventre. A défaut de Toprec ou de suppos à la menthe poivrée, Himmler, le suppôt d'Hitler, fait appel aux doigts experts du docteur Felix Kersten pour apaiser ses terribles crampes d'estomac et malaxer sa couenne de nazi. le pauvre chou, on ne s'en rendait pas compte mais c'était stressant le boulot de Chef de la Gestapo. Et son patron à la petite moustache qui n'était pas très sensible aux risques psychosociaux de ses collaborateurs zélés lui avait refilé le sale boulot. Indifférent à la douleur des autres, le Reichsführer en fureur ne supportait pas le moindre bobo. Ce n'était pas les remords qui rongeaient ses entrailles mais sa passion fanatique pour Hitler.
Le toubib finlandais d'apparence grassouillette, qui n'avait pas le profil du héros de guerre, avait hérité par sa mère d'un pouvoir de rebouteux et il affina sa technique en maîtrisant la science du massage tibétain (sans le look de gambas en tong) auprès du docteur Kô, qui n'était ni un prof de Kung Fu ni le méchant d'un film de James Bond adepte de supplices chinois, mais un maître absolu dans l'art d'apaiser les douleurs nerveuses par ses mains.
Plutôt ulcéré à l'idée de s'occuper des ulcères du monstre, Felix Kersten va se rendre compte qu'il gagne sa confiance et qu'il peut ainsi profiter de la reconnaissance du patient impatient pour obtenir des faveurs inespérées. Une activité plus risquée que le traitement du zona de mémé mais plus salvatrice en temps de guerre.
Kersten devient donc son médecin personnel et il susurre à l'oreille du planificateur de la solution finale de sauver des vies de prisonniers, de ressortissants des pays occupés et de déportés. La magie des doigts boudinés va opérer et celui qui est considéré comme « le meurtrier du siècle » va céder à beaucoup de ses demandes et plusieurs milliers de vies furent ainsi épargnées. D'un autre côté, toute proportion gardée, je suis prêt à accepter de manger des choux de Bruxelles ou d'accompagner mon épouse à son cours de Zumba quand je me fais gratter le dos. Tout est donc possible.
Cette histoire à peine croyable est véridique (pas le cours de Zumba) et méritait la plume bourlingueuse de Joseph Kessel.
La description de la relation entre le médecin et son terrible patient est aussi trouble que captivante, oscillant entre lutte et manipulation. Himmler cherchait l'amitié de Kersten en lui cédant et le médecin gardait une certaine distance pour maintenir son emprise.
Les jeux de pouvoirs des indignitaires nazis qui jalousaient l'influence de Kersten et tentèrent par tous les moyens de le discréditer et de l'éloigner (mais cela ne servit aryen…), pimentent le récit de suspense. Kessel possède vraiment le don d'animer les manuels d'histoire. Il donne toujours l'impression à ses lecteurs de l'accompagner au coeur de l'action.
Je suis étonné que ce récit ne figure pas dans les deux tomes de la Pléiade consacrés à Kessel, tant cette histoire reflète bien son oeuvre, son goût pour les destins hors du commun, l'aventure et la liberté.
A certains charlatans des médecines douces aux intitulés ésotériques, préférez un rendez-vous littéraire avec le docteur Kersten. Il ne soigne pas mais il réconcilie avec l'espèce.
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Dans cette biographie romancée, presque une hagiographie, Joseph Kessel nous raconte la vie du bon docteur Félix Kersten (1898-1960) masseur thérapeute. Particulièrement doué et réputé, il fut amené à soigner des personnages importants, notamment, le Reichsführer Heinrich Himmler .
Les résultats obtenus, presque miraculeux, vont faire que Kersten va devenir indispensable auprès du chef suprême des SS, et, en contrepartie, de façon détournée, et avec grand renfort de flatteries , le docteur, lors des séances de massage, prodiguant à son patient un grand soulagement, obtiendra, à diverses reprises, la grâce de condamnés à mort, la libération de nombreux prisonniers détenus dans des camps de concentration, des milliers de vie épargnées grâce aussi à la complicité de Rudolf Brandt, secrétaire particulier de Himmler . S'agissant de ce dernier personnage, le rôle qu'il joua réellement et celui qu'il tient dans cet ouvrage reste, particulièrement, ambigu .
Félix Kersten est passé à la postérité, en grande partie, grâce à Kessel, il a agi, bien souvent au péril de sa vie, mais il reste, dans cette étrange histoire, de larges zones d'ombre.
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Les mains du miracle, ce sont celles de Félix Kersten, le masseur d'Himmler. Joseph Kessel a rencontré cet homme après la Deuxième Guerre mondiale et relate ici les propos de ce précieux témoin de l'Histoire, médecin du monstre Himmler et sauveur de plusieurs milliers de personnes.

Félix Kersten, via Kessel, nous fait pénétrer dans l'état-major du régime nazi. On y croise Heydrich, Rubbentrop, Rudolph Hess, et, de loin, Hitler. Tous sont aussi malades, aussi fous les uns que les autres. Kessel les qualifie de « demi fous », et je ne sais pas vraiment ce qu'il faut entendre par cette demie folie.

Kessel montre, mieux que n'importe quel traité de manipulation, comment Kersten arriver à influencer Himmler, avec tact et intelligence, en usant de la flatterie, en jouant sur le levier des valeurs chères à Himmler (comme l'honneur, la fidélité, …) et sur sa soif de reconnaissance et d'obéissance, en exploitant les propres contradictions du nazi.

Un regret, cependant : même si ce lien passe au second plan dans ce terrible épisode de l'Histoire, j'aurais aimé que l'auteur s'attarde un peu plus sur la relation entre Félix Kersten et le Dr Kô, le moine tibétain qui lui a enseigné l'art de guérir par les massages tibétains.

Le portrait de Felix Kersten semble assez honnête, dans le sens où Kessel ne cache pas comment cet homme se souciera d'abord et avant tout de son bonheur personnel, de ses petits plaisirs de bonne chère, de son confort matériel, avant la guerre et au début de celle-ci. le masseur « fermait ses yeux et ses oreilles aux présages. Il refusait de laisser le fiel altérer le banquet de son existence paisible et aimable. ». Et ce désintérêt pour la chose publique, cette indifférence face à la montée du nazisme et de l'antisémitisme, cette passivité sonnent comme un avertissement pour nous tous , au moment où les sirènes du populisme ressurgissent et séduisent de plus en plus d'Européens.
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Quel contraste en apparence, j'ai bien dit en apparence, entre - L'armée des ombres - et - Les mains du miracle - !
Le premier semble tout droit sorti de l'horreur du réel que furent les années de résistance des maquisards pendant l'occupation de la France sous la tutelle approbatrice des collabos pétainistes.
Le second est un grotesque cauchemar auquel ne croirait pas le dormeur en train de le faire... tant il est absurde, loufoque, incroyable.
Et pourtant !
Ces deux livres de Kessel s'appuient sur L Histoire, la vraie, l'incontestable, celle vécue par des hommes qui en laissent des traces sur lesquelles les historiens travaillent et s'appuient pour dire : oui, c'est ainsi que cela s'est passé. C'est vrai !
Ces mains du miracle auxquelles appartiennent un homme, un médecin... pas tout à fait comme les autres, ont bel et bien existé, elles ont bel et bien fait pendant plus de cinq années ce que Kessel nous dit qu'elles ont fait... à savoir massé, soigné le corps d'un des plus grands criminels de l'histoire de l'humanité, l'exterminateur qui ordonné, conçu, géré la "Solution Finale"... le numéro 2 du régime nazi... l'horreur faite homme : Heinrich Himmler, chef suprême des SS... !!!
Lorsque Kessel a appris l'existence de cet homme et ce que fut son histoire, il ne l'a pas cru.
Ce sont ses amis historiens, des témoignages, des enquêtes, des archives, des preuves irréfutables qui l'ont convaincu et fait rencontrer l'homme en question... le docteur Felix Kersten.
L'homme naît en Estonie sous occupation russe en 1898, de parents allemands. Sa généalogie tribulée par les humeurs capricieuses de l'Histoire, a des racines hollandaises. Sa famille nomadera d'une guerre et d'une annexion à l'autre entre l'Empire russe puis Soviétique, la Hollande, la Finlande, l'Allemagne et la Suède.
Étudiant, peu motivé, en agronomie en Allemagne durant la Première Guerre mondiale, il est incorporé dans l'armée du Kaiser puis démobilisé sans avoir combattu.
Ayant rejoint la Finlande pour participer à la lutte contre l'Armée Rouge, il acquiert la nationalité finlandaise.
Hospitalisé à Helsinki à la suite d'un RAA contracté durant cette campagne militaire, il se découvre des dons, hérités de sa mère, pour traiter par les mains et les massages certaines pathologies.
Un médecin le repère, le prend sous son aile, le forme.
Après deux années d'études intensives, il obtient un diplôme de massage scientifique.
"Kersten se rend à Berlin en 1922 pour améliorer sa technique. Il étudie à la faculté de médecine et suit les enseignements pratiques du Pr Binswanger, du Dr Cornelius, spécialiste du massage des points névralgiques, et du Pr Bier, chirurgien vasculaire. Ce dernier lui présente le Dr Kô, lama tibétain « initié pendant quatorze ans au sciences médicales chinoises et tibétaines » puis diplômé de la faculté de médecine de Londres. Tout en poursuivant les cours à la faculté de médecine, Kersten devient le disciple du Dr Kô."
Le docteur Kô repart au Tibet et lui laisse sa clientèle.
S'ensuivent la notoriété, la fortune.
Kersten est un épicurien très porté sur la bonne chère, sur les femmes, sur une vie d'aisance... sans tourments.
Dans sa patientèle, on trouve des membres de la famille royale des Pays- Bas, des dignitaires du régime fasciste de Mussolini, dont le comte Ciano, ainsi que de riches industriels, dont August Diehn directeur du cartel de la potasse, lequel va le mettre en contact en 1939 avec le Reichsführer-SS Heinrich Himmler.
Commence alors la plus incroyable des "aventures" entre un jouisseur aux doigts de fée et le plus sadique des bourreaux nazis.
Himmler qui souffre de terribles maux de ventre que ne parvient pas à soulager la morphine, va trouver l'apaisement de ses douleurs auprès de cet homme jovial, tout en rondeurs... et en faire presque six années durant son médecin personnel.
Felix Kersten va peu à peu prendre conscience de son pouvoir sur un homme à l'origine des crimes les plus monstrueux commis contre ses semblables.
Tout en le soignant, il va, au péril de sa vie, sauver des dizaines de milliers d'êtres humains et devenir un Juste (en deux mots).
À la fin de la guerre, Kersten va traverser une période durant laquelle "le médecin du diable" ne va plus être en odeur de sainteté... avant que L Histoire apporte toutes les preuves établissant que cet homme a oeuvré pour le bien de l'humanité et grâce à son courage sauvé entre 100 et 800 000 hommes et femmes ( l'appréciation du décompte dépend du fait que l'on y intègre le fait d'avoir obtenu d'Himmler qu'il ne dynamite pas les camps de concentration).
C'est une histoire dingue... qui pourrait s'intituler "les aventures d'un bouddha joyeux au pays du roi des fous".
C'est une histoire difficile à croire et Kessel, en dépit de sa personnalité, de son aura, de son talent, n'est pas parvenu à me convaincre.
Après avoir passé plus de cinquante ans à essayer de comprendre comment le mal absolu était parvenu à s'emparer de la raison du peuple le plus lettré, le plus titré, le plus avancé de son époque, c'est une grande confusion que de se dire que le nazisme, c'est ou ce sont "les fous qui se sont emparés de l'asile".
Pourtant cette histoire est vraie. Kersten est un Juste auquel on a même voulu et insisté pour qu'il obtienne le Prix Nobel de la Paix... sans succès.
L'Histoire est là... aucun doute n'est permis. Mais alors pourquoi cet homme n'a-t-il pas dans nos rues, nos avenues, nos boulevards, nos places, nos squares, nos écoles, nos manuels scolaires, nos bibliothèques, son nom et la juste place qui devrait être la sienne ?
Peut-être parce qu'un ripailleur rabelaisien "tibetisé" aux mains d'or a fait plus pour l'humanité et contre le fanatisme et la cruauté nazis que tous les gouvernements de la planète qui, eux aussi, auraient pu faire davantage et plus vite, et ont laissé la terrible besogne entre les mains d'hommes au nez rouge ( le Père Noël ne vient-il pas de Finlande ? )
Un livre...comme la hotte de Santa Klaus... empli de surprises...
FELIX KERSTEN... un nom à connaître et à faire connaître !!!

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Je connaissais « le lion » de Kessel, roman lu plusieurs fois, mais je dois reconnaître que je ne connaissais pas "Les Mains du Miracle". C'est maintenant chose faite et je dois dire que c'est un grand roman, différent bien sûr du lion, mais très bien écrit et captivant, du début à la fin.
*
Ce roman est la biographie romancée du docteur Félix Kersten.
Cet homme a un don exceptionnel : formé au massage thérapeutique, il est capable de soulager de ses mains expertes, les douleurs les plus intenables de ses patients. Il se bâtit une solide réputation parmi les personnes les plus influentes d'Europe.
Quelques mois avant le début de la seconde guerre mondiale, Félix Kersten va être contacté pour soigner le Reichsführer Heinrich Himmler qui souffre de terribles maux de ventre.
*
Les évènements décrits sont tellement incroyables que l'on peut se demander si tout est vrai, mais j'aime à le penser. de plus, les preuves matérielles retrouvées sont indiscutables.

« Les mains du miracle » nous révèle l'histoire d'un héros de l'ombre, un homme qui, au péril de sa vie et des siens, se servira de son ascendant sur Himmler pour sauver de nombreuses vies humaines.

Comment un homme bon, pacifiste, épris de liberté a-t-il pu devenir le médecin personnel d'un homme aussi monstrueux ? Quel sang-froid, quelle audace a-t-il fallu pour réussir ces exploits ?
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Ce roman nous mène au coeur du nazisme, dans l'antre du loup Himmler, le bourreau et bras droit d'Hitler.
Seul capable d'atténuer ses douleurs, Félix Kersten va vite se retrouver indispensable et entrer dans l'intimité de l'homme le plus redouté d'Allemagne.
« … il vivait pour ainsi dire dans les entrailles mêmes de la pieuvre qui, de ses six tentacules, enveloppait, étouffait presque toute l'Europe. »
*

On explore la psychologie complexe d'Himmler, ses motivations, sa fidélité et son obéissance absolue au führer, son aveuglement face à l'extermination du peuple juif, son inhumanité face aux ordres d'exécutions, de tortures ou de déportations.

*
Ce récit est très intéressant, car en plus de m'avoir fait découvrir l'étonnant destin de Félix Kersten, il m'a aussi instruit sur les projets des dirigeants nazis pour créer une Europe nazie répondant à l'idéologie national-socialiste.
L'intrigue amène une tension, une angoisse qui devient pesante au fil de la lecture, même si l'on connaît les grandes lignes de la seconde guerre mondiale.
Le récit, détaillé et glaçant, est servi par une écriture sobre, un peu journalistique mais très agréable qui laisse voir tout un panel d'émotions. Les pensées les plus secrètes, les sentiments de Félix Kersten accompagnent le lecteur qui ressent sa méfiance, ses peurs, ses doutes, ses fragilités, sa détermination et sa force de caractère.
*
Joseph Kessel restitue à merveille l'atmosphère sombre et étouffante de l'époque pour nous dévoiler l'histoire passionnante de Félix Kersten, un homme profondément humain et courageux. Un héros lumineux dans toute la noirceur du nazisme.
Une lecture que je vous conseille, tant pour l'approche psychologique des personnages que pour cette belle aventure humaine qui nous fait découvrir ou redécouvrir L Histoire.
Un grand merci à Levant pour cette belle découverte.
*
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Je ne sais pas pourquoi cette histoire n'est pas arrivée totalement à me séduire. Peut-être, parce que je n'avais jamais entendu parler de Felix Kersten, à moins que ce ne soit que parce que Joseph Kessel a décrit deux personnalités à l'antipode l'une de l'autre, l'une représentant le mal absolu, à la limite du ridicule, et l'autre la bienveillance absolue. Une belle histoire, certes, mais qui manque de finesse et de justesse à mon goût.
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Joseph Kessel retrace dans ce roman une histoire vraie, celle du lien entre Félix Kersten et Heinrich Himmler de 1938 à 1945. Félix Kersten détient un "don" grâce à ses mains qui ont le pouvoir de faire des miracles mais également grâce à un enseignement reçu d'un médecin tibétain, Maître Kô. Sa réputation était immense et parvint aux oreilles du bras droit tout puissant d'Hitler, meurtrier en chef du IIIème Reich, Heinrich Himmler.

Himmler lui n'a pas un pouvoir mais tous les pouvoirs, avec entre autres ceux de vie et de mort sur des milliers (voire des millions de personnes), il dirige et ordonne et n'a qu'un seul maître, son idole Adolphe Hitler, mais il souffre de violentes douleurs nerveuses, du (ironie de sort) "sympathique". Kersten va accepter de le soulager parce qu'il va très vite se rendre compte que ses mains, au-delà des massages qu'il lui fait et le soulage, vont lui permettre de sauver des milliers de personnes, d'influer "parfois" sur les décisions ou orientations du bourreau fasciste.

Je ne connaissais pas du tout cet homme et son incroyable histoire. Cela paraît presque inimaginable qu'un homme tel qu'Himmler, avec tout ce qu'il représente de cruauté, de violence et je dirai presque de folie, se soit soumis à lui, à ses requêtes parfois téméraires ou mettant sa propre vie en danger et allant à l'encontre de la doctrine du parti nazi ou aux ordres reçus de Hitler. Il fut d'ailleurs mis dans la confidence par son malade de secrets comme la maladie dont souffrait Hitler :

"Il voyait la maladie de Hitler. Et, pensant au pouvoir de ce dément, il se sentait envahi par une épouvante où ce n'était pas lui, Kersten, qui était en cause, mais l'humanité entière. le roi des fous, au lieu de porter une camisole de force, disposait du sang des peuples, pour alimenter les jeux de ses démences. Et ce n'était encore rien, au regard de l'avenir. le mal n'avait pas atteint sa plénitude. (p224)"

La relation entre les deux hommes est parfois assez ambigüe  : médecin-patient, oppresseur-opprimé, bourreau-victime (les rôles s'inversant parfois) mais pour le médecin ayant toujours conscience de qui était son patient alors qu'inversement Himmler trouve et cherche parfois en Kersten un confident-ami. Ce dont il est question c'est le pouvoir que chacun des deux hommes possèdent : l'un de vie et de mort à l'échelle mondiale et l'autre de la "manipulation" à travers les massages qu'il prodigue sur un être dénué de tout sensibilité humaine, aveuglé par son devoir envers son Führer. Kersten, possédant une fortune personnelle mais également une nationalité finlandaise qui le protégera parfois, trouvera ce moyen de mener ainsi sa propre guerre, une guerre dans l'ombre.

Joseph Kessel restitue parfaitement cette relation dont il eut connaissance en rencontrant Félix Kersten qui, ayant soigneusement gardé ses journaux où il relatait tous ses échanges avec Himmler mais aussi des preuves de son action, pouvait fidèlement retracé son parcours. Il fait preuve de diplomatie, de psychologie, de rouerie, pesant les différentes options qui s'offrent, prenant parfois des risques considérables par le discours qu'il tient à son malade, en ne masquant pas toujours ses buts, usant parfois de la douleur que peut procurer également ses mains quand le malade se fait réticent,  que la situation devient urgente ou se faisant relai-espion auprès d'ambassades étrangères.

Les moyens dont il disposait et dont il usa frôlent parfois l'inconscience en particulier quand il utilise l'adresse postale d'Himmler pour recevoir les informations de ses correspondants étrangers ou bénéficiant de la ligne téléphonique privée du tortionnaire. Il va s'attirer parfois l'animosité d'autres chefs SS, comprenant l'influence dont il dispose et qui tenteront même de l'éliminer.

C'est un roman historique qui montre la complexité des rapports humains, les personnalités des deux hommes mais également les mécanismes internes de la hiérarchie nazie. J'ai souvent pensé pendant ma lecture à La liste de Schindler, au rôle joué également par Oskar Schindler, industriel, pour éviter les camps de concentration à 1200 juifs.

Une lecture fluide, passionnante, qui met en lumière l'action de personnes de l'ombre, qui agirent à leur niveau non pas pour changer l'histoire mais pour sauver des vies, pour donner à leur "pouvoir" un sens humanitaire.

Cela se lit comme un roman historique mais également presque comme un thriller tellement la tension est parfois palpable, les risques immenses et même si nous connaissons l'issue de cette période, pour ma part, j'ai été captivée grâce à une écriture vivante, au coeur de l'intimité d'un tortionnaire et nous plongeant dans un épisode peu connu des dessous de l'Histoire.

Quand littérature et histoire se mêlent pour donner un roman palpitant que j'ai beaucoup aimé.
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
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La lecture imposée du "Lion" il y a quelques années m'avait laissée une sensation lourde et poisseuse d'ennui, à tel point qu'à cause du fauve, j'ai bien failli manquer mon rendez-vous avec Joseph Kessel.
Et puis, il y a eu "Belle de Jour" et surtout "La Passante du Sans Souci" rencontrées au gré de mes errances dans la bibliothèque de mes parents, un jour où je croyais de ne plus rien avoir à lire.

J'ai oublié "Le Lion" et sa découverte cafardeuse pour ne garder que la force des personnages et des histoires de Kessel, pour n'en conserver que l'intensité, la puissance.
Je me suis repais jusqu'à plus faim de leur humanisme, de la clarté et de la lumière de leur écriture.

De "La Passante du Sans Souci" aux "Mains du Miracle", il n'y avait qu'un pas à franchir alors je l'ai franchi malgré la perspective de me trouver confrontée aux affres et à la violence de l'Histoire, dans ce qu'elle peut avoir d'abject et de barbare.

Le personnage principal des Mains du Miracle Felix Kersten a vraiment existé et Joseph Kessel nous livre son incroyable histoire en la romançant certes mais sans l'affadir.
Spécialiste des massages thérapeutiques, homme doux et débonnaire, le docteur Kersten est un praticien réputé qui partage son temps entre l'Allemagne et la Finlande.
Nous sommes en 1940 et l'Allemagne nazie étend peu-à-peu son emprise sur l'Europe tandis que les gens essaient de vivre tant bien que mal. Kersten aussi.
De fil en aiguilles et de relation en relation, Felix Kersten se retrouve à prodiguer ses soins à des personnages de plus en plus importants et hauts-placés, jusqu'à devenir le praticien attitré de Himmler.
Révulsé, révolté, dégouté même, le médecin finit par comprendre tout le parti qu'il peut tirer de sa situation. En effet, l'homme de l'art est le seul qui soit capable de soulager Himmler perclus d'insupportables douleurs, dès lors cela lui confère un certain pouvoir (un pouvoir certain?) sur son sinistre patient, pouvoir dont il va se servir, malgré sa terreur et les risques encourus, pour sauver des milliers de vies. Même si pour ce faire, il faut préserver celle du reichfürher.

Le roman est court, intense, haletant. Sa clarté et sa pureté formelle participent à l'installation de son rythme, d'une cadence qui laisse peu de répit au lecteur en proie à une angoisse grandissante au fil des chapitres.
Le huis-clos entre Kersten et Himmler est un tour de force, un sommet où la noirceur côtoie l'humanité dans un jeu de dupes et de masques hallucinant.
Pour autant, le roman n'est pas sans lumière et il est tout entier parcouru de ce qui ressemble à l'espoir et à la grâce. Celle des héros qui n'avaient rien pour en être mais qui n'ont jamais oublié ce que c'est que d'être humains.

Une lecture aussi belle que nécessaire, une leçon d'histoire qui réchauffe un peu le cœur et d'ultimes paragraphes quasi-parfaits qui l'enflamment.
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On dit souvent que l'oeuvre romanesque de Kessel se nourrit de l'aventure humaine dans laquelle il s'immerge à la recherche d'hommes exceptionnels.

C'est certainement le cas avec son livre: Les mains du miracleKessel relate après guerre, le destin de ce médecin masseur: Félix Kersten qui deviendra par un " hasard" le médecin d'Himmler. Il échangera contre ses honoraires Qu' Himmler ne peut payer la libération de milliers de personnes principalement internés dans des camps de concentration.

L'aventure de ce médecin interpellait certainement Josef Kessel dont le père, juif était médecin.
Que doit faire un médecin ? Soigner, guérir tout être humain même le plus inhumain ?

À mon sens, Kessel ne s'intéresse pas totalement qu'aux hommes exceptionnels. Dans: la passante du Sans souci ( que je n'ai vu qu'en film), ce sont des éditeurs allemands qui vont sauver et protéger des juifs.
Alors, Kessel s'inscrit-il dans ces hommes exceptionnels qui par leur action et courage sont des sauveurs de l'humanité ?

Oui, c'est ce que je sens, nonobstant le propre passé de Kessel comme résistant.
D'un homme à un autre, j'associe Romain Gary à l'oeuvre humaine et grandiose de Kessel.
Deux hommes dont la vie et l'oeuvre nous laissent dans de profondes réflexions sur le sens de LA VIE.
Et, la vie tout court qui palpite dans les coeurs.
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Ces mains magiques sont celles de Félix Kersten, médecin finlandais spécialisé dans des massages thérapeutiques capables de soulager les douleurs les plus atroces . Doté de pouvoirs innés mais également formé aux méthodes tibétaines, il jouit d'une solide réputation en Europe et va être amené, contre son gré à soigner le tout puissant Heinrich Himmler, bras droit d'Adolf Hitler et responsable des pires horreurs dont la déportation et la mort de milliers d'hommes. Il va devenir son médecin personnel et sera contraint de le suivre dans ses déplacements car lui seul a le pouvoir, grâce à ses manipulations et palpations expertes de calmer les maux de ventre insupportables dont souffre régulièrement le Reichsführer.

Felix Kersten était un homme simple, aimant la vie et ses plaisirs, et ne s'occupant pas du tout de politique. Il était animé du sens du devoir et doué d'une très grande intelligence. Il va ainsi profiter de la relation privilégiée qui s'est créée avec son patient et de la confiance qu'Himmler lui a accordée, pour le manipuler subtilement et obtenir la libération de milliers de personnes vouées à une mort certaine : opposants au régime nazi, juifs, … Il va utiliser des stratagèmes et prendre des risques démesurés pour sauver des vies, au péril de la sienne.

Cette biographie romancée a été écrite en 1960 par Joseph Kessel après avoir rencontré et interviewé Félix Kersten quelques années après la fin de la seconde guerre mondiale. Elle est captivante, parfaitement documentée grâce à des témoignages et de nombreuses recherches aux archives. L'auteur, avec un style d'écriture fluide et riche, nous conte le destin incroyable mais bien réel de ce médecin que rien ne prédestinait à devenir le héros qu'il fut. Un héros, hélas trop peu connu, qui pourtant devrait être intégré parmi les Justes. On a beaucoup parlé de la Liste de Schindler mais qui connait celle de Kersten ? Elle est malheureusement restée méconnue et il est grand temps de la sortir de l'oubli. Justement, l'historien François Kersaudy a récemment publié La liste de Kersten - Un juste parmi les démons, qui fait d'ailleurs de nombreuses références au livre de Kessel
et qui s'inscrit tout naturellement dans ma PAL.
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