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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
C'est l'histoire d'une ado qui grandit dans les années 90 et qui pourrait mener une existence banale, celle des banlieues pavillonnaires à la lisière de Paris, celle d'une enfant de la classe moyenne, celle d'une enfant de divorcés.

Mais la société de consommation aura raison d'elle et son rêve d'authenticité (comprenez : des vraies AIR MAX, une trousse DIDDL et un blouson SCHOTT) la mènera tout droit et et sans détours vers un réseau de prostitution de mineures.

Je ne spoile que très peu car dès les premières pages, le ton est donné.
Il n'y aura pas de détours, il y aura des scènes crues, du déterminisme social, peu de place aux bons sentiments mais beaucoup d'humour.
Alors, non, je n'ai pas ri aux éclats, mais j'ai particulièrement adoré le regard que l'ado porte sur ce qu'elle vit, endure et envisage. Il y a là une forme d'autodérision qui nous fait hésiter entre "je ris avec elle de la situation" et "ce recul qu'elle a me fait encore plus déprimer".
C'est très ambivalent et c'est ce qui m'a plu.
Il y a un tel fossé entre la situation telle qu'elle est décrite et la façon dont elle le vit. Sa rencontre avec Renaud en sera un exemple parfait.

Bref, on est loin de tout manichéisme, il n'y a pas de jugement sur ce qu'elle décide de faire ou vivre, c'est un roman qui raconte la trajectoire de cette jeune fille, sans fioritures.

Bref, c'est un premier roman osé et assumé.
J'ai accroché !

Coup de ❤️ mais aussi coup de poing !
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Je ne me souviens pas de quelle ado j'étais.
J'étais sans doute une ado adorable, qui n'a pas fait de crise, n'est-ce pas papa et maman ?

En revanche, je me souviens d'une chose.
Je voulais à tout prix rentrer dans le moule.
Avoir un sac Eastpak - mais maman et papa, c'est garanti à vie, je vous dis !!! (garantie que - ho surprise - je n'ai jamais utilisée).
Je buvais du Danao.
Et je mangeais des Trésors au petit déjeuner.

L'héroïne de ce livre, qui vit en banlieue parisienne à la fin des années 1990, n'a pas le droit à toutes ses marques comme certaines de ses copines.
Pourtant, elle en rêve.
Et dans sa banlieue, on n'obtient pas vraiment de l'argent poche en faisant du baby-sitting.
Elle choisira d'autres méthodes - un peu moins conventionnelles.
Chahutée par la vie et des parents parfois démissionnaires, elle ne perdra jamais son humour qui rend ce livre diablement drôle par moments.

« J'admirais Amanda parce qu'elle avait des vêtements de marque, des produits de beauté de marque et des goûters de marque ».

J'ai rigolé en lisant cette phrase.
Aaaaah qu'on peut être bête quand on est adolescent !
Ça fait belle lurette que le marketing ne fonctionne plus sur moi !

Et puis je me suis regardée.
J'écris cette chronique depuis un iPhone, que je viens de sortir de mon short en jean Levi's (acheté sur Vinted, s'il vous plaît) et j'ai à mes pieds des Birkenstock (c'est confort que voulez-vous).

Sans commentaire.
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La narratrice est une très jeune ado de banlieue. On ne connaît pas son nom, parce qu'elle pourrait être n'importe laquelle d'entre elles.
A peine sortie de l'enfance, elle rejoint un réseau de prostitution. Elle peut s'acheter ce qui lui manque pendant que sa mère s'enfonce dans la dépression et que sa famille vole en éclats.
Perdue entre une mère qui déraille, des petits frères à porter et aucun repère auquel s'accrocher, les passes, l'alcool et d'autres dérives deviendront ses seuls exécutoires…

J'ai dévoré ce livre qui a été un gros coup de poing! Écrit de manière très mature, avec un langage de rue adapté à la narratrice, l'auteure maîtrise la métaphore et la comparaison à la quasi perfection.
Incisif et sans détour, elle nous happe et nous rend témoin invisible d'une vie d'ado qui se noie petit à petit.

Les sujets sont durs: prostitution, désillusion, violences, dépression, difficultés de l'adolescence en sont certains.

La narratrice est bouleversante, perdue mais toujours avec l'espoir d'un « mieux un jour ». Elle suscite empathie et compassion, avec intensité.

Ce sont ses rêves qui l'aident à tenir dans cette vie si sombre, ces mêmes rêves qui contestent avec son quotidien et dans lesquels elle nous emmène tout au long de cette lecture difficile, poignante et nécessaire!
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Grande couronne est le premier roman de l'autrice, Salomé Kiner. Elle signe là une oeuvre magistralement maîtrisée, forte, percutante et incisive qui ne peut laisser de marbre.

Les affres de l'adolescence, vécus de l'intérieur par une jeune fille paumée, au coeur d'une banlieue lugubre, sont saisissantes de réalité. Gratter d'un bout d'ongle le vernis et en dessous la réalité est effroyable.

Cru est le qualificatif qui me semble le plus approprié pour décrire ce texte. Cru mais juste. Cru mais authentique. Cru mais troublant. Dérangeant et addictif à la fois.

L'héroïne est sublime dans ses failles, ses doutes, sa fraîcheur et sa grande maturité à la fois.

Combien de fois j'ai tendu la main vers elle, pour la soutenir, l'épauler, la guider. Tant de fois elle m'a surpris dans ses réactions sans filtres.

Coup de coeur pour cette histoire forte, crue et si tendre à la fois.
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"Maupassant était venu sur terre pour me mettre un coup de pression. Il avait écrit La Parure pour me dire que j'avais eu tort de me lancer dans la prostitution dans le seul but de m'acheter des baskets, du maquillage et des CD."

Grande Couronne, c'est un peu le chant du cygne d'une jeune adolescente propulsée dans le monde adulte, ses responsabilités et ses désillusions. C'est ce moment charnière où avec la psychologie naïve d'un enfant, on doit se battre comme un adulte. On est désarmé, on hiérarchise mal les priorités : des broutilles deviennent de véritables tragédies tandis que les évènements les plus terrifiants ou dramatiques sont relégués à de simples anecdotes qu'on glorifiera devant les potes.

C'est le temps des balbutiements, des premiers amours, le temps des clopes fumées en cachettes ; le temps où l'on délaisse le livre de Saint-Exupéry pour ne plus chercher le Petit Prince que sur les billets de 50 francs, que l'on hésitera à claquer en couilles de mammouth à la boulangerie ou dans le nouveau single de Larusso au centre commercial. L'époque où pour se sentir libre il suffisait d'escalader la grille du collège pour sécher le cours de musique à mourir d'ennui, et filer sec chez sa copine pour boire du Danao ou du Yop et se gaver de clip sur M6. C'est aussi l'époque de la société de consommation à outrance et de ses diktats : et pour ne pas être une galérienne, il faut absolument se payer l'ensemble Sergio Tacchini et frôler les bitume avec des Reebok Classics aux pieds, pour enfin être vu.e et reconnu.e des autres. Enfin être quelqu'un ! Chose bien compliquée quand on n'a que 14 ans.

Chronique sociale douce-amère passionnante, ce premier roman à l'écriture explosive et rythmée comme un sample d'IAM est une lettre d'amour à la France banlieusarde de la fin des années 90, à sa culture populaire, à son langage et ses codes, à ses adolescent.es paumé.es - et à la crainte du bug de l'an 2000.

Salomé Kiner signe là un premier roman à la fois décapant et nostalgique. Une réussite.
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Sous la plume de Salomé Kiner, se dessine le portrait d'une jeune fille de 14 ans vivant en périphérie de Paris. Pensées vagabondes et expériences troublantes alimentent son quotidien au sein d'un cocon familial accidenté. C'est une adolescente au ton cru mais réconfortant de réalisme qui n'a qu'une seule urgence : pouvoir s'offrir ce qu'elle ne connaît que portés par d'autres, des vêtements de marque.
Entre considérations socio-économiques et géographiques, ce premier roman nous parle de construction identitaire. A l'aide d'une narration impudique, il aborde des situations parfois graves avec une justesse étonnante. le passage entre l'enfance et l'âge adulte est raconté avec un humour rebelle. Une traversée parfois cruelle vers un symbole encore inconnu, un entre deux mondes où tout semble plus puissant.
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Avec Grande Couronne, Salomé Kiner nous livre une chronique de la fin des années 1990 empreinte d'un sentiment picaresque. On suit avec la jeune héroïne la traversée de la banlieue parisienne, ses premières très grosses bêtises, ces hommes complètement dépourvus de sens pratique et ces femmes fatiguées : « Ils appellent ça le surmenage, c'est quand à force d'assumer le ménage des autres on finit par se noyer dedans, faire des ulcères, et c'est là qu'on rajoute des préfixes à débordement. »

Ce premier roman commence assez fort. Honteuse de n'avoir pas de vêtements de marques (avec un namedroping qui émaillent beaucoup les premières pages, ça se calme heureusement ensuite), pour pouvoir s'acheter des Nike et du Tacchini, l'héroïne se prostitue. Elle commence par se faire agresser sexuellement, évidemment. Sauf qu'il s'agit d'une collégienne et que ce basculement n'est que le premier d'une longue série. L'adolescente va connaître également le divorce de ses parents, le premier amour et les premières drogues...
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Lien : https://lesmonstres.org/2021..
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Lorsque je cherchais des romans de la rentrée de septembre 2021 à lire pour une intervention en bibliothèque, je me suis tournée vers ma super copine Mélanie, chroniqueuse sur Radio Béton avec moi, mais surtout passionnée de livres et libraire à Saint-Malo – d'ailleurs si vous êtes dans le coin, passez voir la librairie qu'elle tient avec son mari Patrick, La Droguerie. parce qu'ils sont géniaux et que cette librairie vaut vraiment le détour, je vous l'assure. Et si je vous dis qu'ils ont récemment reçu Tanguy Viel, Philippe Jaenada et Maud Ventura, vous savez que je regrette un peu d'habiter si loin de Saint-Malo.

Mais Bref. Mélanie m'a parlé des romans qu'elle avait déjà lus, ceux qu'elle attendait avec impatience – une façon de démarrer avec un chemin bien balisé pour moi. Parmi ceux qu'elle avait retenus, Grande Couronne de Salomé Kiner, un premier roman bien ancré dans les années quatre-vingt-dix. Après avoir refermé Grande couronne, je sais ce qui a plu à Mélanie. La ressemblance avec Leurs enfants après eux de Nicolas Mathieu (Goncourt 2018). Une ambiance vraie, des familles aux revenus moyens, des vies banales, ordinaires. Des personnages qui font ce qu'ils peuvent, même si cela ne nous semble pas les bons choix à nous. Mais nous ne vivons pas leur vie, n'est-ce pas ?

Donc, voilà, les années quatre-vingt-dix. Une ado de quatorze ans, sans prénom – cette mode devrait me simplifier la tâche, étant donné que je ne les retiens pas, mais en fait non, parce que je me demande toujours si je suis passé à côté ou si vraiment c'est volontaire – une famille qui part en vrille. Un père parti, une mère qui s'enfonce dans la dépression, des frères et soeurs aussi perdus que notre héroïne. Bref, on est loin de l'insouciance de l'adolescence. Elle, ce dont elle rêve, c'est porter les mêmes fringues de marque que ses copines. Et ce moyen, c'est le groupe Magritte. Elle va « passer un entretien » sur un parking et elle va rentrer chez elle sans culotte et sans pantalon après avoir été sodomisée entre deux voitures. C'est cru ? C'est choquant ? Il faut savoir que Grande Couronne est comme ça. Et que cette histoire ne fait que commencer pour notre héroïne. Désormais, elle va pouvoir s'acheter ce quelle veut contre des fellations et des branlettes dans des voitures (je ne pensais pas qu'un jour j'écrirais ces mots sur le blog). Et elle va sympathiser avec Chanelle, une autre fille, qui fait la même chose qu'elle. Un genre de copine.

Grande Couronne, c'est un roman un peu sordide. C'est aussi un roman sur une famille qui ne va pas bien. Des rôles mal distribués. Une histoire qui m'a laissée un petit goût de malaise. Se prostituer pour s'acheter des marques semble extrême, pathétique voire incompréhensible. On ne peut que se dire que la vie de cette gamine bascule dans le glauque, à l'âge où elle devrait fantasmer sur les mecs de son âge, envoyer des petits mots, calculer le pourcentage de compatibilité avec son crush.

Grande Couronne nous invite à toucher du doigt la vie d'une gamine qui a basculé. Sans jugement. Personnellement, ça m'a secouée et je n'ai pas passé le meilleur moment de ma vie. J'ai prêté ce livre, en même temps que le parfum des cendres de Marie Mangez à une collègue qui trouvait qu'elle ne lisait que des romans déprimants. Si elle n'a pas aimé le premier, elle est sortie enchantée de sa lecture de Grande Couronne, qui m'a semblé pourtant carrément déprimant. Comme quoi…
Lien : http://mademoisellemaeve.wor..
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Salomé Kiner écrit un premier roman avec une langue que l'on n'oublie pas. L'autrice donne une voix à une adolescente qui grandit en région parisienne. Une ado qui doit faire face au départ de son père et à l'humeur triste de sa mère tout en s'occupant de ses frères. La jeune narratrice a un ton bien à elle et un regard souvent très juste sur les événements qu'elle traverse. Un mélange de lucidité et de fatalisme qui donne un personnage particulièrement bien construit dans ce récit qui n'épargne rien à une jeunesse en marge. Les références des années 90 sont savoureuses (alimentation, jeux, etc.) et permettent une plus grande immersion. L'orientation scolaire de certains jeunes en difficulté, la justice des mineurs, le traitement de la maternité, tous ces thèmes sont très bien traités et même si le récit se déroule dans les années 90, ils peuvent facilement être transposables aujourd'hui. « Grande couronne » est une réussite du début à la fin.
Lien : https://lesmafieuses.wordpre..
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C'est par l'envie que commence l'histoire à priori banale de Grande couronne de Salomé Kiner. L'envie d'une adolescente de quatrième d'avoir les mêmes fringues et les mêmes chaussures de marques que les autres dans la cour de récré et lors des sorties entre filles.
Alors au lieu de se faire payer pour rédiger le devoir des autres, notre narratrice — que l'on ne connaîtra que par son nom d'emprunt, Tennessy — va faire un choix plus radical, celui d'une prostitution qui ne dit pas son nom.
Avec ce premier roman aussi cru que éminemment humain, la primo-romancière nous place dans les baskets d'une ado de la fin du siècle dernière, à la veille du bug de l'an 2000 et d'une certaine ambiance de fin du monde aujourd'hui ridicule et douce-amère.
Pour notre jeune héroïne de banlieue pavillonnaire, sa famille de classe moyenne ne suffit plus et la consommation autour d'elle prend des allures d'obligation sociale, préfigurant déjà un XXIème siècle où les marques ont gagné la guerre.

Mais revenons d'abord à ce virage vers l'abject. Sans apitoiement et sans voyeurisme, Salomé Kiner dit l'impensable, ce qu'une gamine pourtant intelligente (mais naïve) est prête à faire pour s'intégrer parmi les autres, par conformisme et par mimétisme.
En adoptant le surnom de Tennessy, la jeune fille intègre le groupe Magritte après un « entretien » d'embauche avec un mac, Miguel, qui la viole au passage tant qu'à faire. Mais elle, tragiquement, ne se rend pas compte de la gravité de l'acte, cette sodomie sur un parking qui la fait rentrer chez elle sans culotte et sans pantalon, plus honteuse à l'idée que sa mère la retrouve dans cet état que véritablement préoccupée par cette perte brutale d'innocence qui est la sienne en cet instant.
Tennessy va donc faire des fellations à des inconnus, des zguègues, contre de l'argent et l'assurance de pouvoir se payer ce qu'elle veut comme elle veut.
De l'éjaculateur précoce à la brute dominatrice et fétichiste, la jeune fille va devenir une femme sous les coups de boutoir d'une réalité sordide et honteuse où la femme est un instrument pour des (jeunes) hommes au fond tout aussi misérables qu'elle.
Quelque chose va mal dans la société dans laquelle vit Tennessy, et ce n'est pas seulement lié au sexe.

Derrière la plongée de Tennessy dans ce milieu perfide et écoeurant, on trouve toute la difficulté d'être une femme dans les années 90. La famille de l'héroïne n'est pas une famille pauvre à proprement parler, c'est une famille moyenne, banale avec son père démissionnaire qui finit par quitter la maison en laissant en plan sa femme et ses quatre enfants. Dès lors, par les yeux de Tennessy, on assiste à la lente destruction d'une mère de famille qui perd pied et qui se raccroche à une dernière illusion : faire en sorte que sa fille trouve quelque chose de mieux qu'elle pour l'avenir. Notre narratrice, elle, grandit à marche forcée, pas seulement en branlant des hommes dans des voitures au milieu de nul part, sur des parkings ou dans la forêt, mais aussi en devenant mère de substitution pour un frère avec un retard psychomoteur, pour un autre qui passe sa crise d'adolescence à travers des jeux/films de guerres. Un mère de substitution qui regardera partir sa soeur aînée vers un mirage lointain et absurde, condamnée à se noyer dans une médiocrité déjà écrite par avance pour elle.
Grande couronne, c'est aussi l'effondrement d'une cellule familiale qui essaye de tenir grâce à la ténacité d'une gamine et les dernières forces d'une mère à bout que plus rien ne retient. C'est la démission des obligations parentales et le début des emmerdes pour des gamins laissés à la merci de problèmes d'adultes.
Salomé Kiner mêle tous ces sentiments forts et terribles avec une plume ample, déliée, souvent crue qui explique les évènements en face et regarde les pires choses dans les yeux pour en dénouer toute la complexité. Ainsi, Tennessy rencontre Chanelle, une autre jeune fille qui suce et branle des mecs pour exister/consommer. La situation pour Chanelle n'est pas la même mais le destination finale ne change pas : ferrer un type pour sortir du cauchemar. Mais est-ce la vraie réponse au problème qui les ronge ?
La roman ne cesse de s'interroger sur l'avenir de Tennessy, sur ce qui s'offre à elle, sur ce que la société peut pour elle et ce qu'elle peut espérer pour le futur quand elle-même ne voit aucune porte de sortie se profiler au loin.
Ses rêves finissent par être à l'aune de la médiocrité de son existence.
Elle fantasme sur un livreur de pizza fumeur de joints et éprouvera sa première nuit d'amour sans comprendre le sens même de ce mot.
Le tragique dans Grande couronne réside surtout dans ce constat terrible d'une gamine qui découvre l'amour et le sexe par la perversité et la brutalité, et qui n'arrive même pas à comprendre qu'elle mérite mieux, qu'elle aurait du avoir mieux que ça, que tout va terriblement de travers là-dedans.
C'est la révolte qui anime souvent le lecteur en parcourant les pages du roman, saisit par la rudesse impitoyable de la vie de Tennessy et son passage à l'âge adulte dans une société égoïste, dégoûtante et humiliante où l'argent est roi, où la marque fait de vous une fille populaire et où l'on jette la personne après usage.
Avec une ironie mordante, les grandes figures de l'art francophone deviennent les observateurs silencieux d'une descente aux enfers inéluctable, de Magritte à Delacroix en passant par Saint-Exupéry, plaquées sur des billets qui asservissent et avilissent ou prêtant leur nom à des groupes abjects d'où le beau est absent. Finalement, les promesses technologiques de l'époque, Tam-Tam et autres Minitels, ne sont que des illusions passagères à la mesure de cette prostitution-consommation qui ne résout rien et aggrave tout.
La vie de Tennessy, en forme d'apprentissage terrible, est une grande désillusion, une grande capitulation, sur l'amour et sur la famille mais aussi sur cette société qui voyait le XXième siècle comme la fin d'un cycle alors qu'il n'annonçait que les pires travers du prochain. Grande couronne regarde la fin de l'innocence sans complaisance, l'affronte et l'expose dans sa nudité adolescente et s'interroge : Quel avenir pour les Tennessy d'hier et de demain ? Quel avenir pour ceux qui n'en ont jamais eu ?

Grande couronne impressionne par sa justesse et son ton à la fois cru et émouvant, où l'on grandit trop vite et trop brutalement avec une gamine de quatorze ans qui se retrouve projeté dans des problématiques d'adultes qui la dépassent et la dépècent.
Salomé Kiner signe un premier roman dur et bouleversant qui se lit d'une traite entre nostalgie, tristesse et fascination.
Lien : https://justaword.fr/grande-..
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