Invincible, volume 2 : Eight is enough

Ce tome fait suite à Invincible Volume 1: Family Matters (épisodes 1 à 4) qu'il faut avoir lu avant. Il comprend les épisodes 5 à 8, initialement parus en 2003, écrits par Robert Kirkman, dessinés et encrés par Cory Walker (épisodes 5 à 7) et Ryan Ottley (épisode 8), avec une mise en couleurs réalisée par Bill Crabtree.

Épisode 5 - Mark Grayson est en train de faire ses devoirs dans sa chambre. le téléphone sonne : il s'agit de son père qui lui indique qu'il a besoin de son aide. Il est en pleine mission avec les Gardiens du Globe, et un extraterrestre belliqueux s'approche de la Terre. Mark doit sortir de l'atmosphère de la Terre et empêcher l'extraterrestre en question d'atteindre la Terre. Nolan Grayson précise à son fils qu'il peut retenir sa respiration pendant 2 semaines, et que Mark devrait réussir à le faire pendant 2 heures. Mark revêt son costume d'Invincible et s'élance dans l'espace. Il n'attend pas longtemps avant qu'Allen lui assène un grand coup dans le dos. le combat peut commencer.

Après avoir neutralisé son premier supercriminel dans le premier tome, le champ des possibles est infini pour ce nouveau superhéros. Robert Kirkman continue d'avancer à grand pas, à la fois conformément aux conventions des récits de superhéros, à la fois de manière originale. Un extraterrestre attaquant la Terre constitue un point de départ aussi éculé qu'une attaque de robots. Ça ne rate pas : dès qu'Allen et Invincible sont en présence l'un de l'autre, ils se tapent dessus. Côté dessins, Cory Walker bénéficie d'un combat dans l'espace : il utilise un fond noir avec plein de petits points blancs comme tout décor (sans rapport avec la réalité du nombre d'étoiles), sauf quelques cases sur la Lune. Il n'a donc qu'à dessiner les personnages.

D'un autre côté, l'extraterrestre s'avère assez bavard et communique sans problème par télépathie. Les coups échangés sont dépourvus de trace de sang ou de blessures. Il semble que l'enjeu soit de réussir à ce que l'un estourbisse son adversaire, sans impression de sadisme ou de douleur. Les prémices de l'aventure détonnent également par rapport à un récit de superhéros traditionnel. Mark Grayson n'est pas livré à lui-même puisque ses 2 parents sont bien vivants, et en plus il bénéficie de la tutelle de son père, lui-même superhéros sous le nom d'Omni-Man. En outre, ce dernier confie une mission à son fils, sans surveillance, en lui faisant pleinement confiance. C'est assez inédit dans le monde des superhéros, que ce soit dans la relation Batman-Robin, ou Superman-Superboy, indépendamment de leur incarnation. La résolution du conflit s'avère tout aussi étonnante, ainsi que la mission d'Allen qui est un agent chargé de l'évaluation des champions, missionné par la Coalition des Planètes. 5 étoiles.

Épisodes 6 à 8 - Omni-Man est en train d'expliquer quelques petites choses à Invincible, tout en l'entraînant à lancer et à rattraper une balle de Baseball qui fait le tour de la Terre. En particulier, il lui demande de faire attention à ne pas l'appeler papa quand ils combattent côte à côte. Mark rentre à la maison pour se changer afin d'être à l'heure quand William vient le chercher. Il se fait disputer par sa mère qui lui rappelle qu'il est interdit de voler dans la maison. Il répond à temps à la sonnette, et se souvient même d'aller rattraper la balle. Une fois leur fils parti, Nolan Grayson et sa femme Deborah comptent bien en profiter. Au quartier général de la Teen Team, Robot explique à Atom Eve (Samantha Eve Wilkins), Rex Splode (Rex Sloan) et Dupli-Kate (Kate Cha) qu'il a été appelé pour faire un essai dans l'équipe des Gardiens du Globe. Ses équipiers sont ravis pour lui. Dans son manoir, Markus Grimshaw (Back Samson) appelle Arthur Rosebaum pour savoir où en est sa nouvelle armure de superhéros. À l'université d'Upstate, William et Mark sont d'abord accueillis par madame Thatcher, la conseillère d'orientation, puis par David son assistant. Mais un robot zombie attaque alors qu'ils font le tour du campus.

Robert Kirkman continue de s'en donner à coeur joie. Il s'amuse avec les éléments attendus : Mark doit continuer d'étudier et il va partager une chambre avec un autre étudiant, il existe d'autres superhéros dont une équipe officielle et connue, des supercriminels peuvent surgir à tout moment, n'importe qui peut découvrir une identité secrète. Il continue également de prendre son lecteur par surprise en jouant habilement avec les conventions de superhéros. Il est entendu que les membres d'une équipe de jeunes superhéros sont pour toujours condamnés à rester dans cette équipe, sans jamais pouvoir accéder à l'équipe des grands, ou alors juste le temps de quelques aventures. Robot accède à l'équipe des Gardiens du Globe, comme ça du jour au lendemain, alors que ça fait moins de 4 épisodes que le lecteur l'a vu pour la première fois. le sens commun veut qu'on ne tue pas des superhéros qui viennent tout juste d'apparaître. C'est mal connaître Robert Kirkman ! Il faut bien compter plusieurs dizaines d'épisodes avant qu'un couple durable ne se forme. Pas de ça dans Invincible ! On dirait que le scénariste est convaincu que sa série ne va pas durer longtemps et qu'il faut qu'il avance rapidement tant qu'elle paraît encore. Il est plus habituel de voir apparaître des superhéros plus connus pour doper les ventes. Effectivement, à l'occasion de la cérémonie d'enterrement de l'épisode 8, le lecteur reconnaît dans la foule : Savage Dragon, Mighty Man, Jennifer Dragon, Battle Tank, SuperPatriot (des créations d'Erik Larsen), Jack Staff (Paul Grist), Shadow Hawk (Jim Valentino) et d'autres. C'était une époque où il était possible de croiser des superhéros d'autres créateurs d'Image Comics, comme s'il y avait une forme de porosité entre leurs différents univers. le temps d'une page, le lecteur a même l'impression que Rorschach (personnage des Watchmen) est de la partie mais il s'agit d'un simple clin d'oeil reposant sur un imperméable et la police de caractère.

Le lecteur constate également que Cory Walker a cédé la place à un nouveau dessinateur : Ryan Ottley. Walker n'était pas spécialement impressionnant dans les formes qu'il détoure, mais il faisait preuve d'un sens du découpage simple et efficace et d'une bonne mise en scène. le lecteur remarque immédiatement que le contour des personnages a perdu en simplicité, et que le dessinateur semble parfois se chercher, passant d'une page évoquant fortement Mike Mignola et ses aplats de noir massifs dans l'épisode 7, à un mélange de Keith Giffen et d'Erik Larsen dans l'épisode suivant pour les 3 pages consacrées à War Woman. Il observe également que la mise en page est moins simple. L'artiste appuie les expressions de visage, avec parfois un effet comique pas toujours bienvenu (la rivière de larmes sur le visage d'Atom Eve). L'affrontement dans l'épisode 8 est d'une rare platitude, dépourvu de sensation spectaculaire. Les moments comiques manquent de rythme et de naturel, à commencer par le teeshirt à l'envers de Deborah, aboutissant au fait que son fils comprend à quelle activité elle se livrait avec son époux (une idée pourtant bien transgressive de la part de Kirkman). Pour autant, Ryan Ottley conserve la clarté des pages de Cory Walker, ainsi que leur aspect simple, comme si la réalité était vue par les yeux de Mark Grayson, d'une manière claire, dépourvue de cynisme et d'arrière-pensées calculatrices.

À nouveau, le lecteur suit l'inspiration du scénariste, lui faisant confiance, et constatant que le rythme ne faiblit pas. le premier épisode permet de comprendre que Mark Grayson ne va pas tarder à quitter le nid familial, qu'il continue de s'investir dans ses études, et que ses activités de superhéros nécessitent qu'il puisse récupérer du sommeil de temps à autre (les 2 premières pages de l'épisode 7). La situation de Samantha Wilkins fait comprendre qu'il y aura bien une fibre de comédie de situation comme il est d'usage dans les comics avec des superhéros adolescents ou très jeunes adultes. La découverte des membres des Gardiens du Globe fait sourire le lecteur habitué des superhéros car il identifie immédiatement qu'il s'agit de variations sur les superhéros DC, à commencer par Batman pour Darkwing. le massacre à la fin de l'épisode 7 le prend totalement au dépourvu et la révélation de l'identité du meurtrier le laisse dans le doute, ne sachant pas s'il doit la prendre au premier degré, ou s'il est en droit de supposer qu'il s'agit d'une imposture, d'un subterfuge de la part du scénariste, utilisant un artifice très basique des comics de superhéros. La fin de l'épisode 8 laisse augurer de nombreuses aventures à venir.

Ce deuxième tome confirme l'entrain des auteurs à faire progresser rapidement leur série, avec un personnage principal de bonne composition, constructif et plein de confiance dans l'avenir. Il est impossible de bouder son plaisir avec un récit aussi entraînant et amusant. Par contre, le lecteur ressent une petite déception avec le départ de Cory Walker parce qu'il était le cocréateur de la série et qu'il lui a donné son identité graphique, mais aussi parce que Ryan Ottley ne semble pas aussi compétent.