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'il faut lire ce livre car il nous en apprend tant sur une période qu'on voudrait à jamais voir bannie et fait réfléchir sur la langue du monde politique qui veut manipuler plus que convaincre. Rosa Montero dans « la folle du logis« en parlait et elle m'a rappelé que je voulais le lire depuis longtemps. À mon tour de venir conseiller cette lecture à toutes celles et tous ceux qui se posent des questions sur le nazisme en particulier sur l'antisémitisme des Allemands. Ce pays hautement civilisé qui en 1933 permit que l'on inscrive à l'entrée de l'université de Dresde où Victor Klemperer enseignait la philologie :

« Quand le Juif écrit en allemand, il ment. »
Comment cet homme qui se sent tellement plus allemand que juif peut-il comprendre alors, qu'aucun de ses chers confrères n'enlèvent immédiatement cette pancarte ? Cet homme qui a failli laisser sa vie pour sa patrie durant la guerre 14-18 ne peut accepter le terrible malheur qui s'abat sur lui. Pour ne pas devenir fou, il essaie d'analyser en bon philologue la langue de ses bourreaux. Il cachera le mieux qu'il peut ses écrits et leur donnera une forme définitive en 1947. Comment a-t-il survécu ? contrairement à son cousin Otto le chef d'orchestre, il est resté en Allemagne, marié à une non-juive ; il a survécu tout en subissant les lois concernant les Juifs alors qu'il était baptisé depuis de longues années. La veille des bombardements de Dresde, il devait être déporté avec sa femme, les conséquences tragiques du déluge de feu qui s'est abattu sur sa ville lui ont permis de fuir en dissimulant son identité.

Son essai montre de façon très précise comment on peut déformer l'esprit d'un peuple en jouant avec la langue et en créant une pseudo-science . Il semble parfois ergoter sur certains mots qui ne nous parlent plus guère, mais ce ne sont que des détails par rapport à la portée de ce livre. Il est évident que Victor Klemperer réussit à survivre grâce à l'amour de sa femme et le dévouement d'amis dont ils parlent peu. Il est tellement choqué par la trahison des intellectuels de son pays qu'il a tendance à ne rien leur pardonner et être plus attentif aux gens simples, qu'ils jugent plus victimes du régime que bourreaux . Pour ceux qui avaient la possibilité de réfléchir, il démontre avec exactitude qu'ils ont failli à leur mission d'intellectuels. Malheureusement dans un passage dont je cite un court extrait, on voit que sa clairvoyance s'est arrêtée au nazisme et qu'il est lui-même aveuglé par l'idéologie communiste. le livre se fait poignant lorsque Victor Klemperer se laisse aller à quelques plaintes des traitements qu'il subit quotidiennement. Que ce soit » le bon » qu'il reçoit pour aller chercher un pantalon usagé réservé aux juifs, puisqu'il ne peut plus acheter ni porter des vêtements neufs, ou le geste de violence qui le fait tomber de la plate-forme du bus, seul endroit que des juifs peuvent utiliser dans les transports en commun. Avec, au quotidien, la peur d'enfreindre une des multiples règles concernant les juifs et l'assurance, alors, d'être déporté : avoir un animal domestique, avoir des livres non réservés aux juifs, dire Mendelssohn au lieu du « juif Mendelssohn », sortir à des heures où les juifs n'ont pas le droit d'être dehors, ne pas laisser la place assez rapidement à des aryens, ne pas claironner assez fort « le juif Klemperer » en arrivant à la Gestapo où de toutes façon il sera battu plus ou moins fortement … un véritable casse-tête qui fait de vous un sous-homme que vous le vouliez ou non.

Lors de la réflexion sur le poids des mots et des slogans en politique, j'ai pensé que nous avions fait confiance à un parti qui s'appelle « En marche », et que ces mots creux ne dévoilaient pas assez, à travers cette appellation, les intentions de ceux qui allaient nous gouverner. En période troublée, les mots comme « République » ou « Démocratie » sont sans doute plus clairs mais engagent-ils davantage ceux qui s'y réfèrent ?
Lien : http://luocine.fr/?p=8478
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Victor Klemperer (1881-1960), était un Allemand, professeur de littérature française à l'université de Dresde, Juif marié à une "aryenne". L'arrivée au pouvoir des nazis entraîne pour lui une restriction croissante des libertés. Il perd son poste à l'université et doit travailler comme ouvrier. Il n'a plus le droit de posséder ou de lire que des "livres juifs" -puis bientôt plus aucun. Lui et sa femme sont astreints à vivre dans une "maison de Juifs" -dont je découvre l'existence- sorte de ghetto miniature, comme son nom l'indique. Il n'a plus le droit de verser à la SPA locale une cotisation pour les chats car les animaux qui vivent chez des Juifs sont considérés comme "perdus pour l'espèce". Plus tard ces animaux domestiques ont été pris et tués.

Face à toutes ces humiliations et violences, Victor Klemperer montre du courage et résiste à sa façon. Pendant douze ans il a tenu un journal dans lequel il a relaté, observé, étudié comment le nazisme avait réussi à attirer à lui une majorité d'Allemands, à leur imposer sa langue et ses concepts pour les empêcher de réfléchir. S'il arrive à comprendre que des gens peu instruits se soient laissé prendre, il ne pardonne pas aux intellectuels qui ont suivi les nazis : "Comment a-t-il été possible que des hommes cultivés commettent une telle trahison envers la culture, la civilisation, toute l'humanité ?"

Après la guerre les Klemperer font le choix de rester à Dresde, en RDA. En 1949, Victor publie, à partir de ses notes, LTI, Lingua Tertii Imperii, La langue du III° Reich.

Le titre est une allusion aux nombreux sigles et acronymes dont le nazisme a été friand pour se donner de l'importance : BDM (Ligue des filles allemandes), HJ (Jeunesses hitlériennes), DAF (Front du travail allemand)... Un même but est atteint par l'emploi de mots d'origine étrangère alors que, en parallèle, les noms de lieux à consonance serbe de l'est de l'Allemagne sont germanisés.

Des mots changent de valeur, du négatif au positif ou l'inverse. Ainsi le "fanatisme" devient une vertu. Un "fanatique" est un passionné. Göring est un "ami fanatique des animaux", les troupes allemandes "combattent fanatiquement".

Autre exemple de la mutation de la langue que j'ai relevé : l'emploi du superlatif, notamment dans les communiqués de la Wehrmacht. Les prises de guerre se comptent par milliers et dizaines de milliers. Les morts du camp ennemi sont "innombrables", d'un nombre "inimaginable". Il s'agit de masquer la vérité pour empêcher les gens de réfléchir. Victor Klemperer qualifie la LTI comme une "langue qui poétise et pense à ta place".

Cette étude de l'évolution de la langue sous le III° Reich est vivante. L'auteur s'appuie sur toutes sortes de documents qu'il a collectés et sur des anecdotes qui montrent aussi des aspects de la vie quotidienne à cette époque. Ainsi, en octobre 1933, on prélève sur les salaires des Allemands, une "contribution volontaire au secours d'hiver". Il s'agit en fait d'un nouvel impôt qui ne dit pas son nom. Les étudiants désertent les cours, pris par le "sport militaire" et autres manifestations analogues. C'est cet aspect de vie quotidienne que je recherchais dans LTI, cité dans la préface de Quand les lumières s'éteignent. J'en ai apprécié la lecture qui donne aussi à réfléchir sur l'utilisation qui peut être faite de la langue aujourd'hui. Les nazis se disaient anti-système...

J'en termine avec un hommage à Eva Klemperer, épouse de Victor, à qui est dédié cet ouvrage et c'est bien mérité. Cette femme courageuse a soutenu son mari dans l'épreuve, elle a pris des risques pour lui fournir livres et documents et pour cacher ses notes.
Lien : http://monbiblioblog.revolub..
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Je parle, tu parles, nous parlons....On communique, on s'exprime. Nous aime l'argot ou au contraire la belle langue élégante. On a son propre langage issu de son milieu, son quartier, son travail. On argumente car on a le vocabulaire. On imagine car on créée de nouveaux mots ou on introduit des mots étrangers. La langue c'est tout cela et bien au-delà encore. C'est ce que nous montre de façon glaçante V. Klemperer dans LTI. Pourquoi glaçante ? Car les régimes totalitaires et le régime nazi en l'occurence ont compris l'importance de la langue, du langage, de la communication etc...dans l'asservissement des masses, dans leur réduction à rien leur permettant du coup d'organiser le pire. En réduisant la langue, le langage, la communication, ils ôtent toute possibilité de réflexion, de prise de conscience de l'Homme et de la Femme sur ce qui se passe autour d'eux. V. Klemperer en étudiant ces aspects extrêmement négatifs, violents et anéantissant montre combien savoir parler sa langue, maîtriser le langage, savoir communiquer sont vitaux pour chacun d'entre nous, pour notre réalisation, pour notre avancement dans notre condition socio-économique, culturelle, sociale, philosophique etc...etc... D'autres après sont venus et ont confirmé ce que V. Klemperer a réussi à expliquer simplement dans LTI. Je pense notamment à George Orwell dans 1984. Comment ne pas penser à LTI et V. Klemperer quand on lit la douloureuse histoire de Winston ? Je pense aussi à orange mécanique d'Anthony Burgess et son travail sur la langue qu'il fait. Alex choisit librement l'ultra-violence notamment par le vecteur de la langue qu'il parle, qu'il maîtrise et qu'il pratique avec ses comparses. Cela ne l'empêche pas de réfléchir, d'assumer son choix et de se projeter mais cela révèle aussi ses limites.
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Lti est un chef d'oeuvre incontournable. Pendant la montée du nazisme, Victor Klemperer, philologue allemand consigne dans un petit carnet les évolutions de la langue allemande. Et dévoile l'émergence progressive de la discrimination, de l'idéologie nazie et de l'antisémitisme...au coeur même du langage. Profondément humain, inscrit dans la réalité, LTI est plus qu'un essai de linguistique, c'est une démonstration criante de la force des mots, de leur capacité à transformer le monde, pour le meilleur ou pour le pire.
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