Déjà enfant, j'étais fan des Minipouss et des Voyages de Gulliver qui passaient à la télévision, alors forcément quand je sais que ces créatures font partie des histoires d'un manga qui doit sortir, je ne peux que m'y intéresser. Ajoutez à ceci que l'autrice n'est autre que celle de Kids on the slope, ce josei sur le jazz que j'ai adoré il y a quelques années, j'étais obligée de l'acheter !
Chiisako Garden se présente un peu comme un titre pour enfants, du moins en apparence, mais quand on commence à lire les 5 histoires qui le compose, on se rend compte que
Yuki Kodama s'adresse en fait aux adultes et tente de leur rappeler combien l'imagination est importante et qu'il ne faut jamais se moquer de ceux qui en ont. C'est ainsi une très belle ode au travail que font les auteurs en mettant les mondes qu'ils ont imaginés à notre disposition.
Pour ma part, j'ai aimé de bout en bout, d'abord parce qu'on y retrouve le trait simple mais évocateur de l'autrice, mais également ses ambiances un peu hors du temps et empreintes de mélancolie, qui m'avaient tant charmée autrefois et dans lesquelles je me retrouve. Chaque histoire est l'occasion d'aller au devant d'un personnage qui rencontre un Chiisako, ces créatures qui ressemblent à des Lilliputiens. Mais chaque héros est également quelqu'un qui détonne un peu dans le paysage, soit par son imagination fertile, soit par son inadaptation aux normes de ceux qui l'entourent. Et les aventures qu'il ou elle va vivre sera un moyen de découvrir que ce n'est pas grave d'être différent et qu'il faut au contraire le cultiver. J'ai beaucoup aimé ce message.
Dans la première histoire, nous faisons la connaissance d'une charmante petite fille, qui comme dans Arrietty va emménager dans une nouvelle maison et y faire la connaissance d'un Chiisako répondant au nom de Ten, mais elle est la seule à le voir et personne ne la croit. Sa mère a beau être autrice (oui AUTRICE et non "auteure" qui ne respecte pas la règle de construction des noms au féminin... et qui m'a agacé tout au long de ma lecture...), elle ne parvient pas à faire preuve d'imagination face à ce que lui raconte sa fille et la rabroue inutilement. La mangaka fait ici une belle critique du fossé entre enfants et adultes et des incompréhensions et frustrations qui peuvent en naitre. C'est une belle histoire émouvante où une mère qui va apprendre à écouter sa fille, lui faire confiance.
Dans la deuxième histoire, on retrouve ce monde de l'écriture, puisque ceux qui vont rencontrer un nouveau Chiisako sont autrice et éditeur. En effet, au détour d'une sortie à la montagne pour un repérage afin d'écrire un roman, le binôme va tomber sur une de ces créatures. On va découvrir avec eux de façon assez amusante qu'il y a des règles pour pouvoir voir les Chiisako : seuls les enfants et gens qui n'ont jamais été amoureux le peuvent. C'est l'occasion de faire une incursion dans le processus créatif d'une autrice ainsi que dans le genre de relation qu'elle peut entretenir avec son éditeur, j'ai trouvé ça fort intéressant. Il y a aussi un joli discours sur son travail et la place qu'y tient l'imagination une fois de plus. Et pour finir, j'ai beaucoup aimé le choix par la mangaka d'une héroïne enrobée. Elle en fait un très beau portrait avec cette femme enjouée, pleine d'énergie, à l'aise dans son corps et dans sa tête. C'est une histoire adorable lors de laquelle on voit en direct un personnage tomber amoureux de façon fort cocasse.
Dans la troisième histoire,
Yuki Kodama ose parler avec beaucoup de douceur et de bienveillance d'un phénomène terrible : les hikkikomori, grâce à son héros qui est un jeune garçon qui vit enfermé chez lui, n'ose plus sortir et ne va donc plus en classe. Sa rencontre avec une Chiisako va l'aider à s'en sortir, à s'ouvrir de nouveau et à oser affronter le monde. Même si elle m'a plu, c'est l'histoire que j'ai trouvée la plus faible. La relation entre les deux personnages, la belle amitié et plus, qui se noue entre eux va trop vite et aurait mérité qu'on prenne plus le temps. Mais j'ai trouvé la fin très belle, pleine de douceur, de sensibilité et de subtilité. On y découvre également encore de nouveaux petits détails sur les créatures au centre de ce recueil.
J'ai été surprise de retrouver Ten, le Chiisako des débuts, dans la quatrième histoire. On découvre son passé, quand il cohabitait avec d'autres humains dans la maison où on le rencontre. Ces derniers sont un mari et une femme un peu particuliers, ce que nous allons découvrir au fil des pages. La jeune femme est la seule à voir Ten et à entretenir une relation directe avec lui, mais son mari et au courant et la croit, faisant preuve d'une belle ouverture d'esprit. Toute l'histoire repose sur la relation de ce couple et ne voulant pas vous gâcher le plaisir, je dirai juste que j'ai été très émue par la fin. C'était une belle histoire en costumes.
Enfin, la dernière histoire prête à sourire puisqu'on y fait la connaissance, sur son lit de mort, de l'autrice des livres pour enfants racontant les aventures des Chiisako. Elle nous explique d'où lui sont venues toutes ces idées et c'est l'occasion de revivre un moment charnière de son passé. C'est une charmante histoire, qui met des étoiles dans les yeux du lecteur et en même temps où la mangaka fait preuve de beaucoup d'humour et de second degré. Elle livre à nouveau un beau message sur le processus de création des auteurs et ce à quoi ils peuvent aspirer dans leur travail. J'ai trouvé la fin parfaite !
Pour conclure, au cours des 5 histoires de ce recueil, j'ai adoré trouver une légère ambiance fantastique à la japonaise avec de nombreuses incursion dans leur folklore et leurs traditions. La nature y tient une grande place tout comme le travail des auteurs, pourvoyeurs d'imagination et d'évasion pour les lecteurs. C'est un très beau titre où l'on sent bien la patte de l'autrice et cela va au-delà de ces dessins typiquement josei que j'adore de part leur simplicité si expressive. Ce titre est un coup de coeur comme le fut Kids on the slope, on aimerait voir d'autres titres de cette autrice en France !
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