Fenêtre sur la peur

Jane aimait autant affronter un sbire quelconque armé d’un fusil Taser plutôt qu’un adversaire transformé en robot. L’idée d’affronter une telle machine lui faisait froid dans le dos, pas nécessairement de façon rationnelle. Un tel combat était annonciateur à ses yeux d’une ère nouvelle qui verrait les individus épargnés par les nanomachines cérébrales être mis au pas par des humanoïdes incapables de la moindre émotion.

Certaines drogues, par exemple. Imaginons un instant que les éléments de nos nanomachines soient conçus pour franchir cette barrière et s’assembler à l’intérieur du cerveau.

Franchir une porte ouverte était toujours risqué en pareil cas, mais elle n’avait pas le choix.
Le cou tendu et l’arme en avant, elle franchit le seuil d’un bond, courbée en deux. Elle se colla contre la cloison à droite de la porte et balaya la pièce des yeux.

Elle savait avec quel mépris ils considéraient tous ceux qui ne partageaient pas leur misanthropie et ne souscrivaient pas à leur vision narcissique de l’humanité. Ils prendraient le plus grand plaisir à se venger de tout ce qu’elle leur avait fait subir, de tous ceux qu’ils avaient envoyés à ses trousses et dont elle avait dû se débarrasser.

Son cœur battait fort sans s’emballer pour autant, elle ressentait de la crainte sans sombrer dans la panique. Si ses poursuivants étaient des Arcadiens (qui d’autre, après tout ?), ils n’avaient pas l’intention de l’abattre. Ils chercheraient à l’acculer dans un coin, à la maîtriser à l’aide d’un taser, à la chloroformer et à l’emporter dans un lieu sûr où elle pourrait hurler à s’en rendre aphone sans que personne ne l’entende.

Le scénario repose donc sur le concept de libre arbitre. Les auteurs de cette conspiration ont décidé d’asservir l’humanité entière, ce qui signe l’arrêt de mort de la liberté. Une sorte de servitude technologique.

Supposons que nos Techno Arcadiens aient mis au point une nanomachine, un mécanisme de contrôle implanté dans le cerveau qui transforme les sujets concernés en marionnettes. Des marionnettes qui n’ont pas conscience d’avoir été transformées en esclaves puisqu’elles ne savent pas ce qu’on leur a fait.

Certains y voient l’avenir de l’humanité grâce aux applications médicales et industrielles qu’on pourrait en tirer.

Les personnes concernées seraient des individus stables et équilibrés, bien dans leur vie et leur couple, à l’image de son mari.

Que cet enregistrement soit conçu comme une arme psychologique susceptible d’ébranler les nerfs de Tom, ou qu’il soit le signe du narcissisme et de la cruauté de Hollister, ce dernier apportait la preuve qu’il était l’un des architectes du complot arcadien. Loin de miner le moral de Tom, le discours du milliardaire alluma une lueur d’espoir dans son cœur en lui montrant que Hollister n’était pas aussi prudent ou malin qu’il y paraissait dans le décor somptueux de sa résidence, sous la garde de ses zombies.