Créativité

Cet essai est entouré d'un certain mystère. Pas de quatrième de couverture, petite maison d'édition, absence d'informations sur l'auteur (probablement un Roumain exilé en France pendant le régime communiste). Toutefois, sa lecture n'est pas déplaisante, bien au contraire.
L'idée de base (lire aussi l'extrait de la préface dans le résumé éditeur) est simple : la créativité humaine serait au service du bien-être recherché constamment, dans tous les domaines sociaux et économiques.
Daté du 30 juin 1969, cet ouvrage semble encore d'actualité par la plupart de ses affirmations plus ou moins péremptoires :

« Conçues il y a deux siècles sur des bases économiques et sociales différentes, les institutions politiques ne correspondent plus aux données actuelles. Parlementaires, partis politiques, réformateurs et jusqu'à l'opinion publique, sont manipulés de manière analogue dans tous les pays parce qu'ils peuvent cautionner aussi bien un régime libéral que despotique ». (p. 57)

« La démocratie directe implique un nouvel équilibre entre les forces sociales. Pour libérer la créativité et permettre à chaque individu de parfaire ses capacités suivant ses aspirations, il faut que le milieu social soit régi par des principes différents de ceux que la hiérarchie des classes, fonctions et institutions impliquent actuellement ». (p. 87)

« En Europe centrale et de l'Est, chacun a trop souffert pour ne pas savoir que la haine est mauvaise conseillère et que venger les outrages passés en suscite de nouveaux. Parmi ces peuples qui ont subi les contraintes du stalinisme, ce terme sert avant tout à désigner une terrible épreuve et non à mettre au pilori des hommes comme cela se fait avec délectation dans les pays qui ne l'ont jamais connu. L'Europe centrale et de l'Est a appris les dangers de l'intolérance. Aussi, est-ce par l'estime ou le mépris que l'on sanctionne la conduite des gens et non par la vindicte.
Le Printemps de Prague [1968] a connu de hauts fonctionnaires qui se sont pendus lorsque leurs méfaits ont été découverts, mais aucun n'a fait l'objet de sanctions capitales. Quels qu'aient été ses crimes et au-delà de la conjoncture la tendance n'était pas à cela. Car il faut sortir du cycle infernal qui consiste à sanctionner, à punir, à venger et l'on ne peut le faire qu'en donnant à chacun la possibilité de se racheter, ou de se faire oublier.
Cette patiente détermination d'une force qui se sait croissante ne devrait cependant pas faire illusion. Qui donc pourrait croire que des êtres qui s'immolent volontairement hésiteraient à se battre pour faire triompher leur idéal. Si jamais toute autre voie reste bouchée, il ne faut pas s'étonner que ce mouvement, patient et pacifique se transforme en action violente. Car il n'y a aucune raison que la liberté se consomme en torche vivante dans les squares de Prague, alors que la contrainte triomphe dans chaque bureau, dans chaque usine, dans chaque foyer.
Réponse globale, l'autodafé de Prague exprime en flammes et en cendres, le rouge et le noir [clin d'oeil à la couverture?] qui sont l'alternative de l'être : créer ou mourir ». (p. 109-110)