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Citations sur Les limites de la pensée (5)

La tradition et la vérité

D. B. : Toute tradition, bonne ou mauvaise, nous incite à accepter un certain type d'organisation du réel, et ce, de manière très subtile, sans même qu’on s’en aperçoive : cela passe par l’imitation ou par l’exemple, ou par les mots, par de simples déclarations. C’est ainsi que l’enfant se forge très progressivement un type d’approche qui fait que le cerveau rend responsable la réalité — indépendante de la tradition — de choses qui sont en fait imputables aux traditions. Et cela en renforce énormément l’impact. Je crois que ce phénomène est commun à toutes les cultures. La tradition a toutes sortes d’effets tangibles, dont certains, en un sens, sont peut-être même valables. Mais en même temps elle conditionne l'esprit, lui inculquant une certaine vision, rigide et figée, de la réalité.
Dans notre culture. on nous inculque la notion de ce qui doit être considéré comme authentique et nécessaire, la notion de ce qu’il faut faire de sa vie ...
(p. 169)
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Au-delà de l'attention et de la vigilance

D. B. : Il me semble que la meilleure démarche consiste à prendre en compte les faits tels qu’ils sont. Car, ainsi que nous l'avons mentionné dès le début, la réalité a beau être réelle à nos yeux, ce n’est qu’une fausse réalité. La vérité ne peut donc opérer dans le cadre du faux.
K. : En effet, la vérité ne peut agir dans le cadre du faux. Pourtant, ce faux, il est là, tout autour de moi, et en moi-même. Vous suivez ? Je suis moi-même faux, puisque, sur le plan psychologique, tout ce qu’a créé la pensée est faux. Comment la vérité peut-elle agir dans le plan du faux ?
D. B. : Elle n’y agit pas.
K. : En effet, elle ne le peut pas. Mais l'ordre peut-il exister dans l’univers du faux ? Car c’est cela dont nous avons besoin.
D. B. : Oui, nous pouvons jouir d’un ordre relatif.
K. : Vous dites donc que l’ordre est relatif.
D. B. : Ce que je veux dire, c’est que nous ne pouvons pas en décider.
K. : L’ordre est relatif, mais il y a aussi un ordre lié à la vérité, qui est l’ordre suprême.
D. B. : Oui, mais, d’après ce que vous dites, ce dernier ne peut être présent au niveau de la réalité. Nous pourrions cependant instaurer dans nos vies un ordre relatif, dans le cadre de la réalité.
K. : C’est ce que font aujourd’hui les hommes politiques. Et c’est notoirement insuffisant ! Voilà pourquoi les êtres humains font entrer en jeu un élément d’ordre divin, de vérité et d’espoir, voilà pourquoi ils prient afin de recevoir la grâce de cet ordre divin censé faire régner dans nos vies un ordre plus que relatif. On ne peut se contenter de cela, c’est si illogique que même d’un point de vue strictement verbal c’est totalement inacceptable. Il y a donc un double problème. D’une part j’ai besoin d’ordre ici même, dans le monde du réel, car l’ordre rassure, il est synonyme de sécurité, de protection. Je veux que tout le monde y ait droit, or cet ordre n’est pas du ressort de la pensée, car c’est elle qui a engendré le désordre, étant elle-même parcellisée. D’autre part, la pensée ne peut donc pas apporter aux hommes l’ordre qui leur est indispensable. Certes, les hommes peuvent inventer Dieu, créer de toutes pièces l’idée d’une source d’énergie qui soit la vérité, qui va aider l’homme à instaurer l'ordre.
(p. 124/123)
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Préface

Les Limites de la pensée

... De même, nous pouvons prendre conscience des structures et des fonctions réelles de notre processus de pensée, et pas seulement de son contenu.
Comment cette prise de conscience s’effectue-t-elle ? Krishnamurti explique que cela suppose une démarche qu’il nomme « méditation ». Ce terme s’est vu attribuer un large éventail de sens aussi divers que contradictoires, couvrant le plus souvent des formes assez superficielles de mysticisme. Or, lorsqu’il l'emploie, c’est une notion très claire et très précise que Krishnamurti a en tête. On peut s’en faire une idée en examinant les sens dérivés du mot « méditation ». (La racine des mots, si on la rapproche de l’acception généralement admise aujourd’hui, ouvre d’étonnantes perspectives sur des sens plus profonds.) Méditation vient de la racine latine med, c'est-à-dire mesurer. Le sens actuel est « réfléchir », « peser », « soupeser » et aussi « prêter attention à ». De même, le terme dhyana, qui désigne en sanscrit la méditation, est proche de dhyati, qui veut dire réfléchir, refléter. Tout bien considéré, méditer signifierait donc « peser les choses, réfléchir, tout en prêtant une attention soutenue à ce qui se passe réellement tandis qu’on se livre à cette activité ».
Voilà sans doute ce qu’est le commencement de la méditation selon Krishnamurti. Autrement dit, cela suppose que l’on soit extrêmement attentif à tout ce qui est lié à l’activité réelle de la pensée, qui est la source sous-jacente du désordre général. Cette observation exclut toute notion de choix, de critique, d’acceptation ou de rejet face à ce qui se passe. Et elle se double d’une réflexion à propos du sens de ce que nous apprenons sur l’activité de la pensée. (On pourrait comparer cela à la lecture d’un livre dont les pages auraient été mélangées : mieux vaut prendre acte de ce désordre plutôt que d’accepter cette pagination incongrue et de vouloir que ce contenu décousu « fasse sens ».)
Krishnamurti a constaté que l’acte même de méditer remettait automatiquement de l’ordre dans l’activité de la pensée, et ce, sans intervention d’un vouloir, d’un choix, d’une décision ou de toute tout autre action de la part du « penseur ».
(p. 12)

David J. Bohm
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Le désir et le bien
...
D. B. : Je crois que la vraie question, c’est de comprendre ce processus du désir, car, faute de le comprendre, je pense que la confusion qui règne autour de la pensée n’aura jamais de fin. On a d’un côté le désir, et de l’autre ce dont nous venons de parler — la vérité, la réalité, etc. Le désir se situe du côté du ressenti. Dès lors que la confusion s’immisce dans le désir, tout notre esprit se met à fonctionner de travers, et l'on finit par s'imaginer que toute chose coïncide, ou peut coïncider avec notre désir.
(p. 76)
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Au-delà de l'attention et de la vigilance
...
K. : Nous disons que la vérité ne peut commettre aucune prétendue « erreur » — j’insiste sur les guillemets.
D. B. : Elle peut faire des choses erronées imputables à des données fausses. À l’image d’un bon ordinateur : si on lui transmet des données fausses, il fournira forcément un résultat faux.
K. : Oui, c’est exact, la comparaison est tout à fait pertinente. Vous constatez que les religions instituées ne sont pas détentrices de la vérité. Vous en prenez totalement conscience — vous vous détournez d’elles, et ne créez pas d’institutions à visée religieuse —, tout cela, c’est terminé pour vous. Et votre action sera parfaitement logique, ne sera jamais contradictoire.
D. B. : Oui. Mais, voyez-vous, on a le sentiment que pareille perfection n’est guère à la portée de nous autres humains.
K. : Il ne s’agit pas de perfection. En tout cas, pas à mon sens. Je dirai plutôt qu’il faut être vigilant, sensitif, attentif, capable de voir le danger — et donc de l’éviter.
D. B. : J’ai parlé avec quelques scientifiques, plus particulièrement avec l’un d’entre eux, qui a, je crois, une assez bonne notion de ce que vous voulez dire. Mais il doute quelque peu qu’un être humain puisse vraiment être sensible à ce point et soit prêt à renoncer à tous ses attachements.
K. : Je ne vois pas ce qu’une telle attitude aurait d’« inhumain » — si l’on peut risquer ce terme.
(p. 107)
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