Citations sur L'Identité (139)
Ce n'est pas un échec de renoncer à des études, ce à quoi j'ai renoncé alors c'étaient les ambitions. J'ai soudain été un homme sans ambitions. Et ayant perdu mes ambitions, je me suis retrouvé d'emblée en marge du monde. Et, pis encore : je n'avais aucune envie de me trouver ailleurs. J'en avais d'autant moins envie qu'aucune misère ne me menaçait. Mais si tu n'as pas d'ambitions, si tu n'es pas avide de réussir, d'être reconnu, tu t'installes au bord de la chute. Je m'y suis installé, il est vrai, en toute commodité.
Mais en ce cas, où est la grandeur de la vie ? Si nous sommes condamnés à la bouffe, au coït, au papier hyginéque, qui sommes nous ? Et si nous ne somme capables que de cela, quelle fierté pouvons nous tirer du fait que nous soyons, comme on le dit, des êtres libres ? [..]
Le conformisme, n'est-ce pas ce grand lieu de rencontres où tous convergent, où la vie est le plus dense, le plus ardente?
Comment peut-on souffrir de l'absence de celui qui est présent?
Les hommes se sont papaïsés. Ils ne sont pas des pères mais juste des papas, ce qui signifie : pères sans autorité de père.
Pourquoi les enfants sont-ils casqués ? Certainement, ce sport est dangereux. Pourtant, se dit Jean-Marc, ce sont surtout les promeneurs que les engins dirigés par des enfants mettent en danger ; pourquoi ne leur propose-t-on pas un casque, à eux ? Parce que ceux qui boudent les loisirs organisés sont les déserteurs de la grande lutte commune contre l’ennui et ne méritent ni attention ni casque.
Tout a changé quand je t'ai connue. Non pas que mes petits travaux sont devenus plus passionnants. Mais parce que je transforme tout ce qui se passe autour de moi en matière de nos conversations.
Car elle tient passionnément à son présent que, pour rien au monde, elle n'échangerait ni avec le passé ni avec l'avenir. C'est pour cela qu'elle n'aime pas les rêves : ils imposent une inacceptable égalité des différentes époques d'une même vie, une contemporanéité nivelante de tout ce que l'homme a jamais vécu; ils déconsidèrent le présent en lui déniant sa position privilégiée.
Tu te rappelles, ça me choquait toujours qu’un beau corps soit une machine à sécrétions; je t’ai dit que je supportais mal de voir une jeune fille se moucher. Et je te revois; tu t’es arrêté, tu m’as dévisagé et tu m’as dit d’un ton curieusement expérimenté, sincère, ferme : se moucher? moi, il me suffit de voir comment son œil clignote, de voir ce mouvement de la paupière sur la cornée, pour que je ressente un dégoût que je peux à peine surmonter. Tu te rappelles?
Leroy interrompit les fantaisies de Chantal : "La liberté ? En vivant votre misère, vous pouvez être malheureuse ou heureuse. C'est dans ce choix que consiste votre liberté. Vous êtes libre de fonre votre individualité dans la marmite de la multitude avec un sentiment de défaite, ou bien avec euphorie. Notre choix ma chère dame, c'est l'euphorie."
Chantal sentit sur son visage se dessiner un sourire. Elle retint bien ce que Leroy venait de dire : notre seule liberté est de choisir entre l'amertume et le plaisir.