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Très bonne intrigue et réflexion sur la séparation, liée à la mort, à la naissance, à la renaissance, et à la mort avant la naissance (avortement). Tous les aspects sont traités et s'imbriquent à la perfection par le jeu des histoires personnelles de chaque personnage. du grand art signé Kundera.
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La Plaisanterie lue il y a fort longtemps m'avait laissé perplexe voire mal à l'aise avec ses personnages ambigus aux attitudes désagréables. Il aura fallu la mort de l'auteur et quelques décennies pour me ramener à Kundera.
Si l'ouverture de cette valse sur une banale histoire d'adultère laisse craindre le pire, la suite s'avère être un miracle d'intelligence et de construction dramatique. Dans une ville d'eau où le docteur Skreta traite les femmes infertiles va se dérouler un incroyable ballet mêlant des personnages en mal d'amour qui vont se croiser, se frôler, se toucher au rythme d'une valse de plus en plus endiablée jusqu'au drame final.

On pourrait se croire chez Feydeau dans cette station balnéaire d'un autre âge avec des quiproquo, des portes qui claquent, des maris qui trompent leur femme dans une mécanique dramatique d'une précision parfaite. Mais c'est un Feydeau sombre, pessimiste, qui ne fait pas rire même si quelques scènes finissent par être drôles à force de noirceur ou d'absurdité.

Deux sujets hantent le livre l'amour et la procréation. L'amour mais l'amour prison qui fait souffrir qui enferme dans la jalousie, qui est fait de domination et de concessions qui empêchent l'épanouissement. La procréation avec le docteur Skreta qui soigne les femmes stériles à sa manière, Ruzena qui hésite à garder l'enfant qu'elle attend de sa liaison avec Klima. Jakub qui refuse la paternité et qui voudrait que les hommes arrêtent de se reproduire.

Le roman écrit en 1972 n'aborde pas directement la société totalitaire de la Tchécoslovaquie mais elle apparait en creux avec Jakub qui fut emprisonné, Olga dont le père fut « épuré », avec tous ces personnages qui sont prêts à devenir bourreaux si leur besoin d'amour l'exige. le comble étant une incroyable milice de petits vieux qui décident, telle une police politique, de vider la station balnéaire des chiens errants faisant preuve d'une haine qui prête à rire et terrifie en même temps.

Au rythme d'une intrigue frénétique que l'on peut lire avec plaisir au premier degré, Kundera ouvre des abîmes de réflexions sur la condition humaine. Les évènements bousculant tous les personnages, les font changer de point de vue, d'attitude et le lecteur avec. Impossible d'attribuer une étiquette aux protagonistes, ils ne rentrent définitivement dans aucune case, comme dans une valse les couples changent de direction brutalement et offrent un tableau mouvant.
Pour honorer Kudera, la télévision a rediffusé son passage à Apostrophes en 1984, on y voit un Bernard Pivot tenter de classer Kundera dans une catégorie littéraire et celui-ci refuser habilement de se laisser enfermer. La Valse des Adieux est à son image intelligente et inclassable.
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Retrouvailles avec Kundera que je n'avais pas lu depuis quelques années. Et dès les premières pages, j'ai pu me rappeler avec acuité pourquoi j'avais tant aimé les trois livres que j'avais déjà lus de lui. Je me suis tout de suite retrouvé embarqué dans cette petite comédie philosophique, ironique, amère et sans la moindre concession. Kundera, c'est l'étincelle d'une intelligence toujours aux aguets, qui vous berce comme avec une petite musique (il est d'ailleurs question de musique dans le livre), vous enrobe dans le discours un peu philosophe de ses personnages désabusés, traînant leur existence terne dans le décor d'une ville d'eaux d'un pays totalitaire, puis vous ramène à la réalité en démasquant les jeux et manipulations que chacun met en place.
Car chaque personnage du livre, désespérément en quête de sa liberté, est englué dans l'idée que sa survie se joue contre les autres, et tous vont mener leurs petites manigances : que ce soit l'infirmière Ruzena, qui tente de se faire épouser par un homme dont elle a décidé qu'il serait le père de son enfant, sans en avoir véritablement la preuve, Klima ; ce dernier essayant par tous les enjôlements et séductions de se soustraire à ce statut paternel qu'il n'a pas envie d'endosser. Il y a encore le docteur Skreta, gynécologue qui rend fertiles les femmes venues en cure dans la station thermale à la fois miraculeusement et diaboliquement, car tous les enfants qui leur naissent sont très énigmatiquement ressemblants avec le docteur, qui en même temps cherche à se faire adopter par un riche américain, Bertlef, pour pouvoir quitter le pays ; ou encore le couple Jacob-Olga, le premier prisonnier d'une culpabilité vis-à-vis du père de la seconde, ce qui le pousse à avoir une relation protectrice avec elle, jusqu'au moment où celle qu'il croit être une ingénue va révéler un autre visage… Bref, une galerie de personnages à la fois pathétiques et émouvants, toujours ambivalents.
Comédie de moeurs, satire amère, le roman de Kundera est presque une toile d'araignée. Tous essaient d'échapper à un destin qui les broie comme un rouleau compresseur, se débattant avec plus ou moins de réussite. Pas de temps mort, même si les personnages passent pas mal de temps à « philosopher » sur la dérive de leurs existences, le tout secoué de péripéties parfois surprenantes, pour se conclure par une espèce de non-dénouement, car tous ou presque voient leurs espoirs leur échapper, à l'exception peut-être d'un personnage, je ne dirai pas lequel, qui est peut-être le plus fou de tous et qui voit son désir, sans doute le plus incongru, s'accomplir, concluant le livre comme pour dire que la vie n'est qu'une farce grotesque où s'en tirent le mieux ceux qui sont à la fois les moins scrupuleux et les plus fous, et dont le caractère illuminé rejoint presque une forme de sagesse.
Un petit chef d'oeuvre d'ironie !
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Alors, on danse

Dans un village où l'élément aquatique domine, tous les personnages semblent s'être donnés rendez-vous pour une dernière ronde avant que le destin les immerge ailleurs

Kundera me tire toujours entre deux côtés : d'une part, de la page gauche à la page droite pour découvrir la suite à travers un enchaînement orchestré de pas ; d'autre part, via des thèmes récurrents dans son Oeuvre avec le sacré et le profane, la vie et la mort,...

Ajouter à ceci un second rôle de pharmacien, une pilule bleue mystérieuse qui pourrait être la cause de ces reflets mystiques et mythiques de la chambre d'un de nos danseurs, ainsi que des rebonds (vaudevillesques ; à placer dans vos critiques Babelio, vos soirées dansantes et votre fanfare cantonale). Tout ceci donne le roman que j'aime, sans pour autant avoir vraiment de raison rationnelle !

De plus, l'encre coule toujours aussi facilement, comme si elle jaillissait d'une source chaude sacrée de notre fameux village d'eaux en faisant valser tous nos soucis
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La valse aux adieux se déroule sur cinq jours dans une petite ville d'eaux réputée pour traiter les femmes qui n'arrivent pas à enfanter. Paradoxalement, l'infirmière Ruzena tombe enceinte sans le prévoir. Parmi deux pères potentiels, elle choisit d'office le plus convenable à ses yeux, au grand dam du désigné, Klima, un trompettiste de passage, marié par ailleurs. Se mêlent à la danse du couple impromptu, un mécanicien (le petit ami jaloux de Ruzena), une très belle épouse (celle de Klima, aussi très jalouse), un gynécologue, un dissident politique, un riche patient d'origine américaine et une jeune fille soignée dans la même clinique.

Kundera adopte un ton tragicomique qui m'a fait enfiler les pages avec avidité. Alors oui, le traitement des femmes est terrible, mais les personnages masculins rivalisent d'égoïsme et de lâcheté. La manipulation et l'incommunicabilité règnent. Chaque personnage dissimule ses intentions et aucun n'interprète correctement les gestes et les paroles d'autrui, coincé dans ses oeillères.

Des retrouvailles réjouissantes avec un auteur mythique que j'avais délaissé depuis trop longtemps.
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Une intrigue criminelle compliquée qui semble cousue de fil bleu sur fond de vaudeville et se déroule en Tchécoslovaquie, dans un contexte historique qui permet à l'écrivain de dénoncer en filigrane les modalités d'un néo-stalinisme ambiant qui, bon gré mal gré, déteint sur les personnages.
Dans une ville d'eau où l'on soigne les femmes stériles, Ruzena, une jolie jeune femme blonde, se retrouve soi-disant enceinte d'un trompettiste célèbre, Klima, avec qui elle a eu un rapport occasionnel au cours d'une soirée arrosée. Elle espère avant tout profiter de cette faveur du destin pour en changer le cours. Mais Klima, très amoureux de sa femme Kamilla, ne veut surtout pas que l'affaire s'ébruite : il n'aura de cesse de la faire avorter en employant tous les stratagèmes possibles.

La lettre K renvoie certainement à Kafka, car Klima et Kamilla sont pris dans une situation absurde, le premier par sa lâcheté et un amour inconditionnel en inadéquation avec ces actes (il trompe sa femme pour mieux la retrouver) l'autre par une jalousie maladive et excessive qui ne recouvre en fait que du vide.

S'ensuivra un crime que rien ne laissait présager et que la justice humaine aura bien du mal à démasquer.
Est-ce le docteur Skreta, un drôle de médecin qui soigne la stérilité en injectant son sperme à ces patientes à leur insu? Ou un certain Jakub, dissident, qui vient le remercier avant de quitter son pays, car il lui a fourni un moyen efficace (un comprimé bleu) pour tenir face à un régime dictatorial qui n'hésitait pas à recourir à la torture pendant les purges? Ou ce riche américain en fin de vie, Bertlef, vieux beau et séducteur impénitent aux allures de saint, ou encore Klima, le trompettiste qui tremble de frayeur à l'idée de perdre sa femme d'une beauté incomparable ? Beaucoup ne rêvent que de faire leurs adieux à un pays qui les oppresse.
C'est l'éternelle contingence qui surplombe les événements, les actes et les choix des différents protagonistes tout au long de ce livre. Mais dans le même tempo, ses êtres agissent comme des marionnettes, victimes de leur propre et effrayante logique, sous l'effet de ce qu'ils croient être l'amour, ou sous l'effet de passions tristes comme la jalousie, le ressentiment ou encore d'impulsions parfois inexplicables, sans compter le contexte historique qui détient son pesant d'aliénation. La cruauté côtoie l'amour le plus fou avec une parfaite désinvolture.
Et ce qui semble relever d'un polar invraisemblable n'est peut-être en fait que le tragique grinçant de la vie contemporaine.
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A lire, peut-être un peu trop rapidement, ce roman de Milan Kundera, on pourrait croire à un roman noir. Dans une petite ville de province, ville d'eaux, aux confins de la République Tchèque, un drame en huis-clos est à l'oeuvre. La destinée de plusieurs personnages s'y entrechoque dans une relation tendue par la promesse d'un drame à venir et qui survient. Et, comme dans tout roman noir, le drame ultime, c'est-à-dire la mort violente de l'un des personnages, n'est qu'un prétexte à une analyse plus profonde ; ici, derrière la mort promise, et quelque part assez banale, Kundera explore les thématiques de l'illusion, de la jalousie et de la tromperie - qui ne doit pas seulement être comprise au sens de l'adultère -, de la bassesse de l'homme et de sa constante insatisfaction.

Toute l'action se passe, comme une pièce de théâtre classique, dans une unité de temps et de lieu. Cinq jours seulement suffisent à nouer et à dénouer les fils de l'intrigue, et tous les événements se déroulent dans cette ville dont on ne sait presque rien, sinon qu'elle est entourée de forêts qui ont pris les couleurs enflammées de l'automne : couleurs des feux de l'enfer, saison symbole d'une décrépitude. Ruzenna, employée d'un établissement thermal, informe le trompettiste Klima qu'elle est enceinte de lui. Klima, qui est une célébrité et qui n'a passé qu'une seule soirée dans la petite ville, est bouleversé par la nouvelle. Sur place, il demande les conseils d'un riche Américain, Bertlef, et s'assure du soutien du docteur Skreta pour procéder à l'avortement. Cette semaine est aussi celle choisie par Jakub pour faire ses adieux à son pays et à Skreta, son ami. Ancien prisonnier politique, Jakub retrouve Olga, la fille d'un de ses anciens amis, laquelle cherchera, en conquérant ce deuxième père, à se faire tout à fait femme.

Tout le roman semble être placé sous le signe de la tromperie, du mensonge, de la manipulation. Mensonge vis-à-vis des autres, mensonge vis-à-vis de soi-même. Dès les premières pages, Klima tente de convaincre Ruzenna d'avorter de cet enfant qu'elle porte. le sujet de la paternité est vite évacué : d'une part parce que Ruzenna en a décidé ainsi - et l'on apprendra que le père serait plutôt un mécanicien, nommé Frantisek, fou - littéralement - amoureux de Ruzenna -, d'autre part parce que Klima sait que les infidélités qu'il commet peuvent le mettre en pareille situation. Cet homme, qui affirme ne tromper sa femme que pour mieux l'aimer ensuite, accepte donc ce fardeau de la paternité - l'idée d'être le père, pas de le devenir - comme le gage de son amour infini pour Kamila, sa femme. Si Ruzenna manipule Klima, celui-ci la manipule à son tour, veut la persuader qu'il est amoureux d'elle, et compte donc sur cet amour pour qu'elle renonce, d'elle-même, à ce qui blesserait Klima. Cette tromperie mutuelle est pourtant bien banale à côté de celle que met en oeuvre Skreta. Celui-ci, gynécologue de son état, a mis au point une méthode révolutionnaire pour que les femmes qui viennent le consulter tombent enceinte. Car là est l'un des grands paradoxes du roman : c'est précisément dans cette ville d'eaux, réputée pour donner la fertilité aux femmes, que Ruzenna demande à avorter. Quant à la méthode de Skreta, elle n'a rien de révolutionnaire, mais tout du sordide, car le gynécologue féconde ses patientes avec son propre sperme. Démiurge de campagne, le docteur est l'immonde géniteur de dizaines d'enfants qui portent sa marque, comme autrefois d'aucuns portaient celle du Malin : qui un grain de beauté, qui un gros nez. Mentir aux autres, ou à soi-même, pour continuer de croire que l'on est sur le droit chemin, pour ne pas voir sa propre vilenie, ou ne pas voir celle des autres. Il y a quelque chose de malsain, par exemple, dans la non dénonciation, par Olga, de la probable culpabilité de Jakub dans la mort de Ruzenna. Tous les personnages de cette Valse aux adieux mentent, trompent ou manipulent pour leur seul bénéfice, qu'il soit matériel (ainsi Skreta qui use de sa position dominante pour obtenir de Klima de jouer avec lui dans un jazz-band) ou immatériel (Ruzenna fait croire à Klima qu'elle hésite encore à avorter pour le maintenir en son pouvoir ; Jakub consent à passer des moments intimes avec Olga pour se donner bonne conscience).

L'homme de Kundera est insatisfait par nature, mais pas que cela : pleutre et vaniteux, aussi. Bertlef le dit très clairement à Skreta et surtout à Jakub, que le plus grand plaisir de la vie est d'être admiré (ce qui explique la sainteté de certains hommes, prêts à toutes les peines pour que leur nom rayonne de par le monde). Cette vanité, ajoute-t-il, est encouragée par la Bible elle-même, puisque l'enseignement majeur de l'Évangile est qu'il faut jouir de la vie. Et si ses interlocuteurs semblent perplexes quant à l'affirmation de ce paradoxe - la Bible paraissant, de prime abord, plutôt être un appel à l'humilité et à l'amour d'autrui -, eux-mêmes adhèrent à cette thèse par leurs comportements. Skreta, par sa réputation de docteur miracle, s'attire les bonnes grâces de tous ses patients crédules, des plus anonymes à Bertlef. Jakub, auréolé de son passé de victime du système politique, croit aussi en sa vertu individuelle avant que son inaction vis-à-vis de Ruzenna, à laquelle il a accidentellement donné une pilule de poison, ne le range du côté de ceux qu'il dénonçait, les assassins. La mort, la vie : qui l'autorise, qui la donne ? Dans le monde désenchanté de Kundera, ce pouvoir revient aux hommes, et nullement à Dieu, qui est évacué, et même pas invoqué par les membres outragées de la commission des avortements. Mort physique, donnée par lâcheté par Jakub à Ruzenna ; mort sociale, donnée par le père d'Olga à Jakub pour contenter le parti, et l'idéologie. Qui a tort, qui a raison ? Et comment le déterminer avec assurance, car du petit bout de sa lorgnette, chacun des personnes ne voit que ce qu'il peut voir. Les personnages s'enferment sur eux-mêmes, comme des îles qui seraient séparées des autres îles par un océan d'incompréhension. Ainsi Ruzenna, qui trouve dans le foetus qu'elle porte un secours immédiat contre les moqueries des unes et les indécences des autres (au bar, avec l'équipe de tournage). L'isolement prend parfois le nom de jalousie, qui porte les atours de l'amour, mais qui contient surtout l'essence de la peur. Ainsi Kamila, jalouse des escapades amoureuses de Klima, et dont le séjour dans la petite ville thermale lui révélera son aveuglement, comme un bateau dans la brume qui se guidait à la seule lumière d'une lune blafarde, et découvre, lorsque la brume se dissipe, des beautés insoupçonnées. Ainsi Frantisek, jaloux des amours supposées de Klima et Ruzenna, pour qui l'amour confine à une douleur aiguë, pareille à un couteau qui remue dans une plaie ouverte.

Les personnages de la valse aux adieux vivent dans une illusion commune : l'image positive qu'ils ont d'eux-mêmes. Les évènements qui se déroulent dans cette station thermale, qui passent de la banalité - un adultère qui engage une grossesse - à la tragédie, font ressortir de chacun des personnages cette vérité double qu'ils portaient. Chacun est comme isolé des autres par sa propre perception, ses envies, l'image qu'il ou elle a de soi : lorsque Jakub aperçoit Klima et Ruzenna discuter vivement dans le café, il imagine que Klima implore Ruzenna de sauver une vie, et que celle-ci refuse ; or, c'est l'inverse. Certains de ces personnages parviennent à sortir de ces illusions omnipotentes : alors un phare s'allume pour eux, à la lumière duquel ils peuvent prendre une autre direction : ainsi de Jakub et de Kamila, qui se rencontrent furtivement, apprennent des mots prononcés par l'un, de la révélation provoquée par une autre. Mis à nus, les personnages de Kundera ne sont ni héroïques (Jakub) ni géniaux (Klima) ; ils ne sont ni porteurs de miracle (Skreta), ni serviles (Kamila ou Frantisek), ni au-dessus de leurs semblables (Bertlef). Ils sont banalement humains. Aucun ne connaît de grande destinée, ni celle des individus broyés par une société inhumaine (Jakub), ni celle du sauveur (Skreta). La symbolique des évènements est toute relative, contenue en un individu seulement (ainsi Jakub pour qui chacun des événements du cinquième jour revêt une symbolique particulière). Rien n'est tout à fait grand, ni tout à fait absurde. Dans nos univers, nous sommes absolument et certainement seuls.
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«LA VALSE AUX ADIEUX» Milan Kundera (Nouvelle traduction de François Kérel, 300 pages, folio)
Cinq journées délirantes dans une ville de cure thermale pour femmes en mal de grossesse, dans la Tchécoslovaquie des années soixante-dix, en plein étouffoir stalino post soixante-huit. Une jeune infirmière s'accroche désespérément à un trompettiste célèbre avec qui elle a couché deux mois plus tôt et dont elle a décidé que c'est de lui qu'elle est enceinte ; quelle belle porte de sortie de ce monde étriqué et étouffant cela lui ouvrirait ! L'instrumentiste réputé, très angoissé par la nouvelle, craint par-dessus tout de perdre sa femme qui, elle, s'enferme dans le soupçon et la jalousie. le musicien cherche donc l'appui d'un ami médecin, batteur très amateur qui rêve d'accompagner le trompettiste pour un unique concert ; un médecin par ailleurs fort excentrique qui aimerait bien se faire adopter par un riche touriste américain, ce qui lui permettrait de voyager à l'étranger. On n'oublie pas le jeune amant épris de la belle infirmière, mais trop ringard au goût de celle-ci, l'ancien détenu politique lui aussi en mal d'exil, et celle que ce dernier considère comme sa pupille, mais qui le guigne d'un tout autre regard. Tout cela en résumé, en oubliant quelques épisodes croustillants ou grandguignolesques.
Ce n'est pas tant la crédibilité de l'histoire qui importe ici, mais le tableau de cette petite société étriquée, de ses membres qui étouffent, de leurs petits mensonges et de leurs lâchetés. Sous un masque de drôlerie, d'insignifiance et de second degré, c'est un regard assez désespéré sur l'humanité que nous propose Kundera ; « - Jakub savait que si tout homme avait la possibilité de tuer en secret et à distance, l'humanité disparaîtrait en quelques minutes. » L'auteur décortique les comportements, les raisonnements et les ressorts de ses personnages, sans animosité particulière mais sans aucune indulgence, tel un entomologiste froid qui dissèque son animal de laboratoire. Et ses réflexions font mouche le plus souvent, on rit jaune à cette petite comédie humaine, si loin et si proche de nous parfois. D'autant que Kundera, dans une écriture simple et rigoureuse, a une manière bien particulière de s'adresser directement au lecteur dans de nombreuses parenthèses, ou des précisions qui scandent le récit (« il va faire ainsi les cent pas jusqu'au lendemain, jusqu'au début du chapitre suivant »). Rien n'est magnifié ici, ni les désirs, ni la maternité, ni l'amour, mais l'égocentrisme est sans doute le personnage central de ce roman.
On pourrait penser que ce livre est daté, inscrit dans un contexte très particulier ? Que nenni ! Par exemple : «- Qu'est-ce qui poussait ces gens-là à leur sinistre activité ? La méchanceté ? Certes, mais aussi le désir d'ordre. Parce que le désir d'ordre veut transformer le monde humain en un règne inorganique où tout marche, tout fonctionne, tout est assujetti à une impersonnelle volonté. Le désir d'ordre est le prétexte vertueux par lequel la haine de l'homme pour l'homme justifie ses forfaits. » Ces phrases, rédigées en 1973, ne nous parlent-elles pas de tous ceux qui aujourd'hui s'apprêtent à voter pour l'ordre ?
Un roman très fort. Bref, un Kundera.
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La Valse aux adieux, est un roman écrit en tchèque en 1973 par cet auteur qui ensuite a écrit ses oeuvres en français et qui a cette année-là quitté définitivement son pays. Il a lui-même revu cette édition en folio Gallimard.

L'histoire se déroule dans une station thermale, à l'automne, en cinq jours. Les huit personnages apparaissent à tour se rôle et se croisent immanquablement dans l'espace réduit de la station. L'histoire initiale se réduit à la situation de Ruzena, jeune infirmière qui se morfond dans cette ville où vu ce qu'on y traite (stérilité et problèmes de coeur), elle désespère de rencontrer quelqu'un d'autre que des vieillards ou des femmes stériles ! Mais deux mois plus tôt elle a couché avec un musicien de passage venu de la capitale. Elle est enceinte et aimerait bien que ce célèbre artiste reconnaisse la paternité. Celui-ci, Klima, marié à une femme très jalouse dont il est très amoureux n'est pas facile à convaincre... Sur cette trame se greffent divers épisodes au cours desquels les six autres personnages jouent un rôle plus ou moins volontaire dans l'histoire de Ruzena, une histoire resserrée, sans les digressions habituelles.

Plus que l'intrigue, ce sont surtout les personnages eux-mêmes qui retiennent l'attention : l'Américain Bertlef, riche et prodigue, peint des saints aux auréoles bleues et se trouve parfois lui même entouré d'un intrigant halo bleu. le solitaire Jakub, quant à lui, a dû subir la prison à cause d'un faux ami qui ensuite à été exécuté mais Jakub avait une petite pilule bleue offerte par son ami le docteur Skreta pour en dernier recours échapper aux bourreaux en se suicidant. Cette pilule bleue ressemble à s'y méprendre aux pilules bleues tranquillisantes que prend l'infirmière Ruzena, Jakub va devenir coupable par accident ! Quant au fantasque docteur Skreta, ils soigne les femmes infertiles en sélectionnant les femmes auxquelles il injecte sa propre semence de sorte de Jakub est frappé par le nombre d'enfants qui ressemblent à Skreta dans la région! Ce sont les trois personnages les plus fascinants mais les cinq autres sont également de très beaux personnages.
Lien : http://www.lirelire.net/2016..
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Voilà longtemps que je voulais lire Kundera, et pour une première je ne suis pas déçue. Avant tout, le titre est magnifique et c'est d'abord ça qui m'a amené à choisir ce livre parmi tant d'autres dans ma bibliothèque.
On y rit noir (ou jaune). On y découvre un univers particulier où chacun des personnage manipule l'un ou l'autre. le ton est léger, l'histoire est loufoque mais les "vraies" questions sont posées... Amour, trahison, jalousie, persecution, culpabilité, religion...
A découvrir sans hésiter.
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