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sur 1050 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Milan Kundera a cherché à bâtir un " roman " comme on composerait une oeuvre musicale ; la structure y est fondamentale. Mais si l'on comprend aisément la mécanique de la composition musicale classique, un petit côté mathématique, des thèmes qui se répondent ou qui disparaissent puis reviennent avec une légère transformation, ou qui se superposent après s'être juxtaposés, etc. (je vous passe les secrets et les formules de la composition musicale à laquelle d'ailleurs je ne pige pas grand-chose).

Bref, si l'on voit à peu près comment cela peut fonctionner et s'articuler en musique et concourir à une homogénéité d'ensemble, il en va tout autrement d'un " roman " selon moi. J'ai pris la peine d'apposer des guillemets autour du mot roman car, lorsqu'on le tronçonne en " thèmes " différents, faisant intervenir des personnages, des lieux, des époques ou des tons différents, il est difficile de ne pas y voir autre chose que des nouvelles indépendantes et non plus un roman, stricto sensu.

Alors, il y a deux solutions : soit vous choisissez la méthode Faulkner, apparue relativement tardivement dans l'histoire du roman, qui consiste à mélanger des tronçons d'histoires parallèles ayant pour but de converger et de nous faire saisir le lien et la cohérence de l'ensemble à la fin. C'est un peu la stratégie narrative d'un film comme 21 grammes du réalisateur mexicain Alejandro González Iñárritu. (Le fait qu'il soit mexicain n'est peut-être pas totalement un hasard car on sait combien Juan Rulfo est admiré en son pays et combien ce dernier a rendu digeste la technique narrative de Faulkner, chose qui ne l'est pas forcément sinon.)

La deuxième solution est, quant à elle, très ancienne, car elle est même apparue avant le roman moderne (imputable à François Rabelais) sous la plume de l'inévitable Giovanni Boccaccio (Boccace pour les francophones) et de son recueil de nouvelles fondateur : le Décaméron. C'est plutôt vers cette solution que semble s'être tourné Milan Kundera : accoler des nouvelles a priori dissemblables dans le but que leur combinaison produise un effet supérieur à la somme de leurs individualités.

Le projet est beau, bon d'après moi, mais, toujours d'après moi, pas extrêmement bien réussi ici. Il y a des différences de ton, de style, de posture narrative qui font que l'ensemble m'apparaît hétéroclite et inégal. Certaines des variations m'ont paru inutiles ou désolidarisées de l'ensemble (d'où leur inutilité selon mes critères).

Le livre comporte sept parties, avec deux séries de deux nouvelles ayant le même titre et revenant comme dans les règles de la composition musicale à laquelle on sait que l'auteur est à la fois sensible et expert. Personnellement, j'ai particulièrement aimé la première, intitulée Les Lettres perdues dont le style m'a semblé net et épuré à l'extrême, quasi cristallin. J'ai également été sensible à la deuxième, intitulée Maman puis à la cinquième intitulée Litost. Toutefois, cette cinquième partie est d'un style tout à fait différent, proche du symbolisme et/ou de l'essai.

En revanche, j'ai totalement perdu pied dans les troisième et sixième parties, intitulées toutes deux Les Anges : je ne voyais plus du tout où l'auteur voulait m'emmener ni à quoi il faisait référence. L'histoire de Tamina, supposément censée être la colonne vertébrale de l'ouvrage, ne m'a pas du tout intéressée. D'autre part, les longues et pesantes digressions, tout au long du livre sur les ébats et les réalisations sexuelles des protagonistes m'ont semblé gratuites et ennuyeuses. Cela m'apparaît même être une sorte de fixation chez l'auteur, tant cela revient souvent dans son oeuvre.

Sur le fond, qu'en est-il ? Difficile à dire. On y voit de criantes résonances avec le vécu de l'auteur, à savoir le musellement dont il fut la victime dans la Tchécoslovaquie communiste (en gros de 1948 à 1968, date de l'invasion soviétique de Prague dans le but de lui couper toute velléité d'émancipation de la grande soeur U.R.S.S.), puis son exil en France et son questionnement sur les pieds de nez de l'histoire, sur l'insignifiance de l'être (on sent déjà poindre l'interrogation majeure de son futur et magistral roman suivant, L'Insoutenable légèreté de l'être).

Mais sortie de ces très grossières constatations ce n'est pas très clair pour moi et les digressions nous emmènent sur des terrains brumeux. Tout semble être contenu dans le titre. Je vais même vous faire un petit aveu : je crois qu'une bonne somme des interrogations et des cheminements personnels de Kundera apparaissent dans ses titres de livres si on prend la peine de les ordonner chronologiquement.

Il y eu tout d'abord La Plaisanterie, celle qui lui vaudra de se faire éjecter du parti communiste tchèque et qui lui assurera ultérieurement pas mal d'ennuis. Le refuge ensuite dans de futiles aventures, focalisation et canalisation de la libido débordante de l'auteur, les fameux Risibles Amours, puis, après 1968, quand la situation devint réellement intenable pour lui dans son pays, La Vie est ailleurs et les promesses d'un exil à l'étranger.

Mais une fois arrivé en France, le questionnement existentiel, politique et historique le reprend et finalement, tout ce qu'il a vécu, mieux vaut en rire et l'oublier, d'où ce titre, le Livre du rire et de l'oubli. Mais là ne s'arrête pas les questions existentielles. Finalement qu'est-on ? quand on est rayé des listes de son pays, victime d'un rototo de l'histoire mondiale, dérisoire à l'échelle des siècles mais énorme à l'échelle individuelle ? D'où L'Insoutenable légèreté de l'être.

Viendront ensuite des questionnements logiques sur l'identité et sur l'immortalité, questionnements typiques d'un écrivain et/ou d'un exilé… Bon j'arrête là mes divagations sur un livre qui, comme c'est tout de même du Kundera, ne m'a pas totalement déçue, mais comme c'est du Kundera et qu'on sait de quoi il est capable dans ses meilleurs crus m'a forcément un peu déçue quand même. Toutefois, souvenez-vous que ceci n'est qu'un risible avis, et qu'il vaut peut-être mieux l'oublier car, dans le fond, il est insoutenablement léger, c'est-à-dire, pas beaucoup plus qu'une plaisanterie.
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Décidément, les écrivains anti totalitaristes des pays de l'Est ne correspondent pas à mon tempérament. J'en vois les qualités, certes, des pointes acerbes et justes contre la modernité, des parallèles hardis et intéressants avec des oeuvres européennes, une dénonciation de l'horreur des régimes totalitaires, mais j'ai toujours une sensation de froideur, de distance, d'impersonnalité, qui me rebute beaucoup : aucune description des personnages, comme si la réalité s'était émoussée. C'est probablement le but de l'auteur, mais cela perd en passion. J'ai le même sentiment avec Kafka.
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Voici une critique bien difficile à faire. Parce qu'un Kundera, c'est tellement de variations (précisément le but de cet ouvrage), dans tous les sens qu'on peut très bien adorer une partie et ressentir un ennui sans fin dans une autre.
Je le dit parce que je l'ai vécu ! Quelque chose a du m'échapper dans cette vision onirique de l'île aux enfants (non non, ce n'est pas Casimir) où ces derniers provoquent, battent, violent l'héroïne qui finit par se noyer.
Oui, bien sûr, c'est une vision, un rêve (enfin un cauchemar) mais ça m'a un peu gâché mon plaisir.
Par contre, l'histoire des lettres oubliées est un chef d'oeuvre, tous les passages où l'auteur parle de son pays (que j'aime énormément) et du communisme sont émouvants et profonds.
C'est une oeuvre bien étrange, merveilleusement écrite mais qui m'a parfois laissé à" la frontière".

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Il s'agit moins « d'un roman en forme de variations » selon les termes de l'auteur que d'un simple recueil de nouvelles disparates sur des thèmes bigarrés de la vie en Tchécoslovaquie peu après le Printemps de Prague, révolution réprimée férocement par les blindés soviétiques. Les récits se suivent, avec leurs différences, autant dans la forme, dans le style que dans la nature surréaliste ; la narration reste parfois incertaine, manquant de liant, les nouvelles se succèdent sans retenir le lecteur, les thèmes et les héros se dispersent, car la trame est absente, même si les personnages des quatre premiers chapitres sont attachants et plongent le lecteur dans l'absurdité de cette période sous occupation soviétique. Une salade davantage qu'une soupe, devrais-je dire un peu trivialement. L'auteur nous rend bien en revanche la solitude des intellectuels, ennemis du peuple et décimés par le système politique. En filigrane, on retrouve dans certains des personnages les déboires de l'écrivain condamné à l'exil, traqué par la répression, condamné à écrire des horoscopes anonymement pour faire entendre sa voix. C'est un livre sur l'insignifiance, l'absurde, la désuétude de l'existence et l'oubli, thème central de ce recueil, qui peu à peu entraînent la résistance intellectuelle à sa perte, qui déstructure le peuple tchèque.
À tort ou à raison, j'ai tout de même eu le sentiment que l'auteur avait, à défaut d'un récit d'une série de compositions faisant un tout, assemblé pour mettre bout à bout des divagations de sa plume sur quelques thèmes centraux - l'absurde, la désuétude, l'oubli bien sûr, le sort scellé des intellectuels sous la domination soviétique, l'âme de son pays à son époque et surtout la mélancolie anxieuse de la société qui l'aura mené à l'exil en France - comme l'on assemble un puzzle avec des pièces manquantes ou, plutôt, que l'image qui sous-tend le puzzle est formée de représentations anachroniques et hétéroclites. Je reste un peu déçue, forcément, surtout s'il s'agit d'un grand écrivain.
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Dès la couverture (un diable de Picasso) on se trouve transporté sur une planète où de brillants artistes se disputent en attendant d'être mis au ban de la société. Kundera excelle aussi à faire des relations amoureuses une sorte de farce assez grinçante.
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