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Citations sur Quelque chose à te dire (52)

Mon fonds de commerce, c’est les secrets : on me paie pour les garder. Les secrets du désir, ce que les gens veulent réellement, ce qui leur fait le plus peur. Les secrets qui disent les difficultés de l’amour, de la sexualité, la douleur de la vie, la proximité de la mort, pourtant si éloignée. Pourquoi plaisir et châtiment sont-ils aussi étroitement liés ? Comment nos corps parlent-ils ? Pourquoi se rend-on malade ? Pourquoi veut-on échouer ? Pourquoi le plaisir est-il si dur à supporter ?
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Je suis psychanalyste ; ou, pour le dire autrement, je suis un décrypteur d’esprits et de signes. Il arrive également qu’on m’appelle dépanneur, guérisseur, enquêteur, serrurier, fouille-merde ou, carrément, charlatan, voire imposteur. Tel un mécanicien allongé sous une voiture, je m’occupe de tout ce qui se trouve sous le capot, sous l’histoire officielle : fantasmes, souhaits, mensonges, rêves, cauchemars – le monde qui se cache sous le monde, le vrai sous le faux. Je prends donc au sérieux les trucs les plus bizarres, les plus insaisissables; je vais là où le langage n’a pas accès, là où il s’arrête, aux limites de l’«indicible» – et tôt le matin, qui plus est.
Tout en mettant d’autres mots sur la souffrance, j’apprends comment le désir et la culpabilité perturbent et terrorisent les gens, je découvre les mystères qui consument l’esprit, déforment le corps ou, parfois, le mutilent, j’observe les blessures de l’expérience, rouvertes pour le bien d’une âme en pleine refonte.
Au plus profond d’eux-mêmes, les gens sont plus fous qu’ils ne veulent bien le croire. Vous constatez qu’ils ont peur d’être dévorés et que leur propre envie de dévorer les autres les inquiète. Dans les cas les plus courants,ils imaginent aussi qu’ils vont exploser ou imploser, se dissoudre ou se faire posséder. Leur vie quotidienne est hantée par la peur que leur relation amoureuse puisse impliquer, entre autres choses, des échanges d’urine et d’excréments.
Bien avant tout cela, j’adorais déjà les ragots – qualité indispensable pour ce genre d’activité. Aujourd’hui, j’en ai pour mon compte. C’est un fleuve d’immondices qui se déverse en moi, jour après jour, année après année. Comme beaucoup de modernistes, Freud s’intéressait tout particulièrement aux détritus : on pourrait dire qu’il est le premier artiste du «reste», dans la mesure où il trouvait du sens à ce qui est habituellement laissé de côté. Sale boulot que de plonger au cœur de l’humain.
En ce moment, il y a quelque chose de nouveau dans ma vie. C’est une sorte d’inceste, mais qui aurait pu penser que cela arriverait un jour ? Ma grande sœur, Miriam, et mon meilleur ami, Henry, sont tombés fous amoureux. Et chacune de nos existences se trouve perturbée, bouleversée même, par cette invraisemblable liaison.
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Dans un premier temps, j’ai envoyé des histoires à des magazines bas de gamme. Quand elles ont été publiées, les rédacteurs en chef ont commencé à m’en demander d’autres. Au début, je m’amusais bien. Je m’appliquais à organiser l’histoire autour d’une dynamique qui suivait le rythme du coït. J’appris à les écrire sans perdre trop de temps.

(…) En fait, ce sont les mêmes mots qui reviennent inlassablement. Je m’étais constitué une liste des ingrédients de base du glossaire porno, bien relevés, particulièrement sonores – plus fort, plus fort, allez jouis, jouis ! et je savais que je pouvais en saupoudrer mes récits comme bon me semblait.

(…) Je réussissais à pondre un livre porno en un week-end. Je ne tins pas longtemps la cadence. On dit que la pornographie est la malbouffe de l’amour : bientôt, je ne pouvais plus avaler un seul morceau de cette infâme nourriture. Etant encore jeune, j’étais tenté d’ajouter des éléments, de digresser, d’insérer des passages plus personnels. Que font les couples une fois le coït terminé ? Trouvent-ils la situation pénible, embarrassante, ennuyeuse ? (…) Notre carrière pornographique s’effondra le jour où j’écrivis un roman dont les deux personnages principaux, mariés par ailleurs, ne se voyaient que pour parler.
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C’est à cette époque que je me suis vraiment mis à lire. C’était comme rencontrer un amant extraordinaire, qu’on ne quittera jamais.
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Les gens parlent pour ne pas entendre certaines choses et ils écoutent pour éviter d’en dire trop.
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J'étais un anorexique de la culture. Je ne retenais rien de solide. C'est mon père qui m'a donné le goût de la lecture et de l'écriture. Pour lui, écrire était un acte de foi qu'il pratiquait avec une assiduité religieuse.
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e suis psychanalyste ; ou, pour le dire autrement, je suis un décrypteur d’esprits et de signes. Il arrive également qu’on m’appelle dépanneur, guérisseur, enquêteur, serrurier, fouille-merde ou, carrément, charlatan, voire imposteur. Tel un médecin allongé sous une voiture, je m’occupe de tout ce qui se trouve sous la capot, sous l’histoire officielle : fantasmes, souhaits, mensonges, rêves, cauchemars – le monde qui se cache sous le monde, le vrai sous le faux. Je prends donc au sérieux les trucs les plus bizarres, les plus insaisissables ; je vais là où le langage n’a pas accès, là où il s’arrête, aux limites de “l’indicible” – et tôt le matin, qui plus est.
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« Contre la mort et l'autoritarisme, il n'y a qu'une seule chose, m'avait-il dit un jour.
- L'amour ?
- Je dirais plutôt la culture. Bien plus important. N'importe quel imbécile est capable de tomber amoureux ou de faire l'amour. Mais écrire une pièce, peindre un Rothko ou découvrir l'inconscient : est-ce que ce ne sont pas là d'incroyables prouesses de l'imagination et la seule façon de nier notre désir de meurtre ? »
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En tant que thérapeute, de quel type de savoir suis-je détenteur? Ce que je fais est démodé, un peu décalé comparé à ce qu'offre désormais la médecine d'un point de vue technologique et scientifique. Bien que je ne fasse aucun examen et ne prescrive aucun médicament, je suis comme un médecin traditionnel dans la mesure où je soigne la personne dans son ensemble plus que la seule maladie. Au fond c'est moi qui suis le médicament et je constitue une partie intégrante de la cure. Non pas que les gens souhaitent réellement guérir. La maladie leur apporte plus de satisfactions qu'ils ne peuvent en supporter. Les patients sont des artistes inconscients de leur propre malheur. En fait, ce qu'ils appellent leur symptôme n'est autre que leur vie. Et ils ont intérêt à l'aimer!

Il y a des gens qui préféreraient se faire tuer plutôt que de parler. Mon rôle se limite à laisser le sujet parler pendant un long moment. Chacun de nous deux prend ce qui se dit au sérieux, sachant que même quand les gens disent la vérité, ils mentent et que, quand ils parlent de quelqu'un d'autre, ils parlent d'eux.
Je pose des questions concernant la famille, en remontant jusqu’aux grands-parents. De nos jours, vers quoi les gens qui souffrent peuvent-ils se tourner pour endiguer les désordres de leur désir?
Quand on y réfléchit bien, qu'est-ce qui déclenche l'entrée en analyse? Une chose éminemment humaine: la reconnaissance d'une douleur inexplicable et une certaine forme de curiosité pour sa vie intérieure. Comment une analyse pourrait-elle ne pas être difficile ? Avoir vécu de telle manière pendant des années, des décennies même, et puis essayer de tout défaire par la parole, ce n’est pas une mince affaire. D’autant que ça ne réussit pas à tous les coups. Il n’y a aucune garantie de quoique ce soit, et c’est bien ainsi. Il y a toujours un risque.
Malheureusement, et cela en surprend plus d’un, faire une analyse n’aide pas nécessairement à mieux se comporter, ni à être meilleur. A l’inverse on peut devenir plus empoisonnant, pus polémique, plus exigeant, plus conscient de ses désirs et moins susceptible de subir l’emprise des autres. En ce sens, la psychanalyse est subversive et libératrice. De fait il y a peu de gens qui, une fois vieux, se disent qu’ils auraient voulu vivre une vie plus vertueuse. D’après ce que j’entends dans mon cabinet, la plupart de mes patients regrettent de ne pas avoir commis davantage de péchés.
Plus tard au cours de ma promenade, je me suis demandé pourquoi je sentais qu’il fallait que je me méfie de la « normalité ». Ce qu’il y a de frappant dans la normalité, c’est qu’elle n’a rien de normal. La normalité n’est pas autre chose que la dénomination bourgeoise de la folie ordinaire. En analyse, la plupart du temps, « l’enfant normal » désigne l’enfant sage et obéissant, celui qui veut surtout faire plaisir à ses parents et qui se crée ce que Winnicott a appelé un « faux self ». D’après Henry, l’obéissance est un des problèmes de ce monde, elle n’en est pas la solution, comme beaucoup ont pu le penser. Mais se peut-il qu’il existe une définition du normal qui ne soit pas synonyme d’ordinaire ou de terne ? Ou qui ne soit pas normative, ou ridiculement guindée ?

Je me rappelais une histoire à propos de Proust qui, à la fin de sa vie, tournait désespérément les pages de la Recherche et constatait combien tous ses personnages étaient excentriques, voire anormaux. Comme si on pouvait écrire un roman, ou même fonder une société, à partir d’éléments fades et strictement conventionnels. Et puis il y a ceux qui couchent à droite à gauche, les frigides, les paniqués, les abusifs et les abusés, ceux qui ont le vertige, ceux qui se tailladent, ceux qui s’affament, ceux qui se font vomir, ceux qui se sentent pris au piège et ceux qui se sentent trop libres, les épuisés et les hyperactifs, et les enchainés à vie à leurs bêtises. J’entends les récits de tous. Je suis l’assistant de l’autobiographe, la sage-femme des fantasmes, je rouvre les anciennes plaies, je libère la parole et la transforme en art érotique, je démasque les vérités illusoires. L’analyse rend le familier étrange, elle nous conduit à nous demander où s’arrêtent les rêves et où commencent la réalité – si tant est que la réalité commence jamais.
J’ai rencontré mon premier analyste, un Pakistanais du nom de Tahir Hussein, quelques mois après avoir quitté l’université, alors qu’avec Ajita, les choses avaient pris une tournure plus que singulière. Ajita et moi nous étions quittés sans imaginer que nous ne nous reverrions pas. Nous n’étions pas brouillés. Notre amour ne s’était pas épuisé. Il avait été violemment interrompu.
Toutes ses déclarations d’adoration me manquaient. Ses baisers, ses éloges, ses encouragements et cette façon qu’elle avait de dire « merci, merci » quand elle jouissait. De toutes les femmes que j’ai connues, elle était le plus inoubliablement tendre, vulnérable, désinhibée, pareille à une beauté espagnole de Goya, ses longs cheveux noirs dissimulant son visage quand elle s’occupait de ma verge. Elle m’appelait son joli garçon, disait qu’elle aimait ma voix, qu’elle trouvait « bien timbré ».

Je l’avais attendue pendant des mois, pensant qu’un jour elle réapparaitrait. Je la voyais dans la rue, dans des trains en partance, dans mes rêves et mes cauchemars. J’entrai dans un bar et elle était là, à m’attendre. Je l’entendais qui m’appelait, avec son léger accent indien, de mon lever à mon coucher.
Cependant j’avais bien reçu le message qui était plus que clair, finalement : elle n’était plus intéressée. Elle m’avait dit qu’elle m’aimait mais, en définitive, elle ne voulait pas de moi. Ajita était partie. Je n’avais pas envie de guérir, mais il le faudrait bien un jour. En ce moment, elle devait être avec un autre homme, peut-être était-elle mariée. Pour elle, j’étais de l’histoire ancienne et j’imagine qu’elle m’avait plus ou moins oublié.
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Il y a des gens qui préféreraient se faire tuer plutôt que de parler. Mon rôle se limite à laisser parler le sujet pendant un long moment. Chacun de nous deux prend ce qui se dit au sérieux, sachant que même quand les gens disent la vérité, ils mentent et que, quand ils parlent de quelqu'un d'autre, ils parlent d'eux.
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