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sur 515 notes


On n'en finit jamais avec les grands livres.
Dans "Les Caractères ou les Moeurs de ce siècle", La Bruyère élabore opiniâtrement sa Comédie Humaine en 1120 remarques, classées en 16 chapitres ("Des ouvrages de l'esprit", "Des Femmes", "De la Cour", "De l'homme", "De la Mode", etc.)
Ces remarques constituent une forme souple, intégrant maximes, réflexions, tableaux et portraits. de longueur variable, la remarque s'adapte à n'importe quel propos.

Ouvrons au bistouri "Les Caractères". Qu'y trouve-t-on ?
Une Trinité bien sûr ! le Père Moraliste, le Fils Intellectuel et l'Esprit Critique Social.
Amen.

Le moraliste est la personne essentielle de cette Trinité :
"Il n'y a pour l'homme que trois évènements : naître, vivre et mourir. Il ne se sent pas naître, il souffre à mourir et il oublie de vivre."

"C'est trop contre un mari d'être coquette et dévote ; une femme devrait opter."

"Le commencement et le déclin de l'amour se font sentir par l'embarras où l'on est de se trouver seuls."

"Tant que les hommes pourront mourir et qu'ils aimeront à vivre, le médecin sera raillé et bien payé."

"La cour est comme un édifice de marbre ; je veux dire qu'elle est composée d'hommes fort durs, mais fort polis."

"Le peuple n'a guère d'esprit et les grands n'ont point d'âme : celui-là a un bon fonds et n'a point de dehors ; ceux-ci n'ont que des dehors et qu'une simple superficie. Faut-il opter ? Je ne balance pas, je veux être peuple."

L'intellectuel se présente comme le continuateur du philosophe grec Théophraste.
Vivant à la cour de Louis XIV comme précepteur du fils du duc de Condé, La Bruyère est un grand styliste. Mais il ne peut tout dire, doit contrôler sa critique, comme il l'avoue avec franchise : "Un homme né chrétien et français se trouve contraint dans la satire ; les grands sujets lui sont défendus : il les entame quelquefois, et se détourne ensuite sur de petites choses, qu'il relève par la beauté de son génie et de son style."

"Quand une lecture vous élève l'esprit et qu'elle vous inspire des sentiments nobles et courageux, ne cherchez pas une autre règle pour juger de l'ouvrage ; il est bon et fait de main d'ouvrier."

Malgré la censure pesante, les sujets à hauts risques (religion, personne du roi, la politique, les grands et les puissants...) La Bruyère critique social pousse la satire, notamment dans des portraits à charge. C'est la revanche du talent et de l'intelligence sur la naissance et la fortune.
"De tout temps les hommes, pour quelque morceau de terre de plus ou de moins, sont convenus entre eux de se dépouiller, se brûler, se tuer, s'égorger les uns les autres ; et pour le faire plus ingénieusement et avec plus de sûreté, ils ont inventé de belles règles qu'on appelle l'art militaire."

"L'on voit certains animaux farouches, des mâles et des femelles, répandus par la campagne, noirs, livides et tout brûlés du soleil, attachés à la terre qu'ils fouillent et qu'ils remuent avec une opiniâtreté invincible : ils ont comme une voix articulée et quand ils se lèvent sur leurs pieds, ils montrent une face humaine, et en effet, ils sont des hommes."

"Un dévot est celui qui sous un roi athée serait athée."

"Les grands de la nation s'assemblent tous les jours, à une certaine heure, dans un temple qu'ils nomment église ; il y a au fond de ce temple un autel consacré à leur Dieu, où un prêtre célèbre des mystères qu'ils appellent saints, sacrés et redoutables ; les grands forment un vaste cercle au pied de cet autel, et paraissent debout, le dos tourné directement au prêtre et aux saints mystères, et les faces élevées vers leur roi, que l'on voit à genoux sur une tribune, et à qui ils semblent avoir tout l'esprit et tout le coeur appliqués. On ne laisse pas de voir dans cet usage une espèce de subordination ; car ce peuple paraît adorer le prince, et le prince adorer Dieu."

"Il n'est pas absolument impossible qu'une personne qui se trouve dans une grande faveur perde un procès."

"Si le financier manque son coup, les courtisans disent de lui : "C'est un bourgeois, un homme de rien, un malotru" ; s'il réussit, ils lui demandent sa fille."
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Dans sa galerie de portraits, La Bruyère s'attache à brosser, tel un peintre flamand, les principaux traits de caractères de son entourage et de la société au XVII°, sans toutefois parvenir à en restituer les clairs obscurs. Son analyse manque de profondeur dialectique (le passage où l'auteur veut discuter de l'existence de Dieu expose des arguments faibles et très légers), comme il manque de nuance dans son approche des personnages.

A trop vouloir classer les êtres humains dans des cases, et à systématiser leurs comportements, La Bruyère manque la distanciation qui lui aurait permis de rendre des portraits plus complexes et plus réalistes. Aussi cette oeuvre est plus proche d'un travail fastidieux d'archiviste partial, plutôt que d'une réflexion sur la société et les individus qui la compose.
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En toute honnêteté ceci est sans doute la lecture imposée (lycée) qui m'a le plus barbé de toutes. Même le soporifique le rouge et le noir, j'ai réussi à le lire de la première à la dernière page - sans encombrer ma mémoire avec le contenu. Là je n'ai pu m'y résoudre pleinement, et comme il était divisé en petite section... j'avais tendance à survoler.

Que l'on soit bien clair: je ne suis pas du genre "le cancre pour qui classique = au secours. Nombre d'entre eux ont su me séduire. Mais l'rien, sauf une irrésistible envie selon le moment de la journée: 1) de dormir 2) de le jeter loin de moi.

Je l'ai trouvé compassé et lourd, "l'ironie" qu'il est censé véhiculé m'a laissée de marbre. Pour moi, le livre devait être parlant à l'époque mais de nos jours, il est... barbant.

Ceci est un avis, je peux comprendre que d'autre y ai trouvé leur compte mais moi... nada.
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Ce classique lu au cours de mes études supérieures me laisse un très bon souvenir.
"Les Caractères" de la Bruyère, qui s'inspire des « Caractères » de Théophraste, tient son originalité de l'alliance de deux genres, de deux modes d'écriture : la maxime et le portrait. Au travers de ces deux styles, l'auteur nous dresse un ensemble de portraits physiques et moraux des contemporains de son époque où il dénonce avant tout la bêtise et la vanité de l'homme.
A travers ces portraits des seigneurs du XVIIe, La Bruyère propose donc non seulement une réflexion sur la nature humaine mais aussi une satire de la haute société de l'époque. Ton ironique, descriptions truculentes, La Bruyère se pose bien sûr ici avant tout en moralisateur qui vise à dénoncer les défauts de chacun en insistant sur un comportement ridicule et insupportable.
Certains passages sont vraiment drôles et nous font réfléchir sur les travers des personnes que nous croisons tous les jours et bien entendu, et c'est sans doute l'essentiel, sur notre propre comportement. C'est un recueil qui ne prend pas une ride.
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Beaucoup de vérités sont énoncées dans cet ouvrage, magnifiquement mené par la plume de la Bruyère, qui dénonce ou énonce simplement les travers de l'Homme, dans ses petites et grandes actions ! J'ai pris énormément de plaisir tout au long de la lecture, et me suis sentie grandie en le refermant !
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Le XVIIe siècle est dépeint comme régi par la métrique et la rigidité, comme une époque où tout serait réglé et calibré. C'est exagérer que de le réduire à cette tendance et d'y voir une machine trop bien huilée et vide d'humanité.


Je ne remercierai jamais assez deux de mes profs de français de l'époque désormais lointaine de mes années de collège de s'être efforcés de nous donner l'envie de découvrir ces grands classiques de notre littérature. C'est une pièce inestimable de notre patrimoine littéraire.


En entrant dans ce livre, j'ai ressenti la peur d'un enfant qui approche un colosse. Puis, plus j'ai avancé dans cette lecture, plus j'ai senti une chaleur proprement authentique et qui attendrirait un pessimiste invétéré, tant La Bruyère décrit, en utilisant les mots appropriés et sans fioritures, des sentiments que j'ai éprouvés et dont j'ignorais jusqu'alors qu'on pût les verbaliser si habilement et efficacement.


Ce livre est un diamant taillé à la perfection. Comme disait son contemporain Boileau :
« Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement
Et les mots pour le dire arrivent aisément. »
Le bon goût existe, ainsi que La Bruyère l'a lui-même écrit. Il réside dans la juste mesure, sans défaut ni exagération.


Il est bon de lire et relire ces écrits salutaires tellement rafraîchissants. Ils sont pour moi comme les cartes et les instruments qui permettent au capitaine de navire de trouver et maintenir son cap au milieu des immensités d'incertitude et des tempêtes.


Plus je lis ce livre, plus je me sens proche de cet homme qui de loin paraît grand et imposant mais n'était pas un misanthrope vivant dans une tour d'ivoire. Simplement, la portée de son oeuvre abreuve de lumière et de chaleur quiconque veut bien se donner la peine d'en franchir le seuil. C'est un livre dans lequel je me replonge régulièrement lorsque j'ai besoin de me recentrer et de mettre de l'ordre dans mes idées. C'est, d'une certaine manière, un livre qui infuse, sans le dire, des méthodes pour penser juste. Lire et méditer Les Caractères m'a aidé à penser et à bien exprimer mes pensées. Il a enrichi ma palette. Il m'a fait entrer profondément en moi pour mieux en ressortir.


À travers les portraits qu'il brosse de la société, il montre avec une grande acuité dans quelle mesure les hommes et les femmes, au contact de leurs semblables, se transforment ; combien leur tempérament et leurs attitudes fluctuent ; combien la vie en société corrompt nombre de ses membres par diverses émulations et l'appât du gain ; que l'individu en société n'est plus vraiment soi-même.


Avec des descriptions fines et précises, développées lorsque cela est nécessaire, il donne le ton et la juste mesure de ce qui fait les qualités et la vertu et dépeint d'autre part les excès et défauts qui font les vices. Il nous donne à voir le théâtre intemporel de l'Humanité.
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En quelques phrases, tout au plus un texte bref, l'auteur dessine à la pointe sèche un individu, un groupe social, une opinion, et fait rire ou sourire à la fois de sa victime et de lui-même en moraliste ronchon. Parfois il s'élève au sublime, ou aux hauteurs de la colère, parfois il se promène et fait voir ce qu'il voit. A d'autres moments, il va prêcher dans le grand style de l'époque, mais il n'ennuie jamais. Son livre est une sorte de Versailles portatif, et qui serait encore peuplé de la foule de ses habitants.
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Très bonne critique de la société de l'époque.
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Acuité du regard, concision du portrait, perfection de la forme.

La Bruyère est un maître à voir, à penser,et à écrire.
Je dirais même à écrire par-dessus tout. .Voyons plutôt comment il aborde le portrait d'Acis, le "diseur de phébus":

Que dites-vous ? Comment ? Je n'y suis pas ; vous plairait-il de recommencer ? J'y suis encore moins. Je devine enfin : vous voulez, Acis, me dire qu'il fait froid : que ne disiez-vous : "Il fait froid" ? Vous voulez m'apprendre qu'il pleut ou qu'il neige ; dites : "Il pleut, il neige". Vous me trouvez bon visage, et vous désirez de m'en féliciter ; dites : "Je vous trouve bon visage." — Mais répondez-vous cela est bien uni et bien clair ; et d'ailleurs, qui ne pourrait pas en dire autant ?" Qu'importe, Acis ? Est-ce un si grand mal d'être entendu quand on parle, et de parler comme tout le monde ? Une chose vous manque, Acis, à vous et à vos semblables, les diseurs de phébus; vous ne vous en défiez point, et je vais vous jeter dans l'étonnement : une chose vous manque, c'est l'esprit. Ce n'est pas tout : il y a en vous une chose de trop, qui est l'opinion d'en avoir plus que les autres ; voilà la source de votre pompeux galimatias, de vos phrases embrouillées, et de vos grands mots qui ne signifient rien. Vous abordez cet homme, ou vous entrez dans cette chambre ; je vous tire par votre habit et vous dis à l'oreille : "Ne songez point à avoir de l'esprit, n'en ayez point, c'est votre rôle ; ayez, si vous pouvez, un langage simple, et tel que l'ont ceux en qui vous ne trouvez aucun esprit : peut-être alors croira-t-on que vous en avez."

On rit impitoyablement de ce phraseur prétentieux dont n'on a pourtant pas entendu la voix!


On frémit aussi: ainsi quand il dresse ce tableau terrible des paysans affamés par les guerres, écrasés d'impôts.

"L'on voit certains animaux farouches, des mâles et des femelles, répandus par la campagne, noirs, livides et tout brûlés du soleil, attachés à la terre qu'ils fouillent et qu'ils remuent avec une opiniâtreté invincible ; ils ont comme une voix articulée, et quand ils se lèvent sur leurs pieds, ils montrent une face humaine, et en effet ils sont des hommes.

Ils se retirent la nuit dans des tanières, où ils vivent de pain noir, d'eau et de racines ; ils épargnent aux autres hommes la peine de semer, de labourer et de recueillir pour vivre, et méritent ainsi de ne pas manquer de ce pain qu'ils ont semé."

Tableau terrible d'une existence machinale qui nous renvoie honteusement à notre propre animalité de prédateurs...
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L'on n'aime bien qu'une seule fois: c'est la première; les amours qui suivent sont moins involontaires.
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