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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Quel plaisir de lire un roman d'Ed Lady dans une traduction qui ne fut pas massacrée par la Série Noire. Les Editions du Canoë proposent Traquenoir , anciennement À corps et à crimes-Room to swing, avec une préface!- , publié en 1957, par le très singulier Léonard Zinberg (1911-1968), romancier juif, communiste, militant des Droits civiques, marié à une afro-américaine, vivant à Harlem, victime du maccarthysme, qui fut contraint de changer de nom pour signer ses oeuvres.

La particularité de Zinberg/Lacy est d'écrire des romans noirs avec des personnages afro-américains qui ne soient ni des stéréotypes, ni des caricatures. Dans Traquenoir, Toussaint Marcus Moore (prénom choisi par son père en hommage à Louverture), est un vétéran de la seconde guerre mondiale (comme Lacy), qui roule en Jaguar de 1948, est détective privé à Harlem, mais qui a défaut d'enquêtes passionnantes verse plutôt dans le recouvrement de dettes contractées par de pauvres gens, Il est amoureux de Sybil, une ravissante jeune femme si claire « qu'elle aurait pu facilement passer ».
Engagé pour retrouver la trace d'un redneck dans le cadre d'un projet d'émission de télé-réalité "C'est vous le détective !"qui propose aux spectateurs de devenir des indics, il tombe dans un traquenard, est injustement soupçonné de meurtre et doit partir pour Bingston, un petit village à la frontière du Kentucky, où les rares noirs rasent les murs.

Roman policier de facture classique, Traquenoir mêle habilement suspens et critique sociale. J'avais déjà grandement apprécié à la lecture de Blanc et Noir (Série Noire mettant en scène Lee Hayes), le fait que Lacy ne donne pas dans certains travers de la Blacksploitation, ou de polars mettant en scène des privés, avec hyper virilité/ sexualité / violence du héros, et que sa prose soit si juste. Lacy est un homme d'une grande lucidité, qui par petites touches dresse un tableau réaliste, déplaisant et tout en nuance de la société américaine de la fin des années 50, à travers les afro-américains et les blancs pauvres des villes et des champs, ou de l'intelligentsia blanche de Manhattan.

Lacy est un visionnaire qui en 57 déjà a une idée très claire de la télévision poubelle : « On a mis sur pied une participation de spectateurs: deux boites de produits achetées donnent droit à un insigne et quelques babioles. Si un détenteur de l'insigne envoie une information qui permet d'aboutir à une arrestation, on la transmet à la police, il double sa récompense. ». Il excelle aussi dans la description du quotidien compliqué de Moore, harcelé par sa petite amie qui souhaite le voir devenir postier, un vrai travail!, (comme Lacy pendant quelques années), et qui est, lorsqu'il enquête, immédiatement considéré comme suspect à cause de son attitude et de son gabarit (1,88 mètre et 120 kilos). Pour lui, le fait de quitter Harlem pour un autre quartier ou une autre ville est une aventure pas toujours plaisante.
On a qu'une envie, lire l'ouvrage qu'a consacré le traducteur Roger Martin à ce romancier pionnier, Ed Lacy : Un inconnu nommé Len Zinberg, et de trouver le deuxième roman qui met en scène Toussaint Marcus Moore, Moment of Untruth.
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La réédition d'un polar américain écrit dans les années 1950 ? J'achète !
Par une maison d'édition que je n'ai jamais lu ? J'achète doublement !

C'est sous le pseudonyme de Ed Lacy que Leonard Zinberg publie en 1957 cette enquête du détective privé Toussaint Marcus Moore. Un détective particulier à plus d'un titre. D'abord parce qu'il est considéré comme le premier détective de fiction noir. Ensuite parce que ce job, il ne l'a pas choisi par vocation mais simplement parce que en tant qu'afro-américain (bien que diplômé, ancien combattant et décoré) les possibilités de job sont très limitées. Il tente donc, tant bien que mal, de gagner sa vie au service de clients noirs dans son Harlem natal.
Pourtant un jour c'est une femme blanche qui vient lui proposer une mission. Elle travaille pour une émission de téléréalité et le charge de suivre un homme qui va rapidement être assassiné. Moore est le premier à trouver le corps et fait évidemment un suspect idéal. Afin de prouver son innocence et identifier le véritable coupable, il va devoir fuir New York et se rendre dans une bourgade paumée de l'Ohio où les Noirs ont leur quartier et leurs commerces réservés, car « la loi ne prime pas sur la coutume ».

L'intrigue est simple et éprouvée dans de nombreux romans policiers : un détective privé solitaire, un innocent en fuite et une énigme à résoudre pour se sortir de ce traquenard. Mais l'auteur combine magistralement des tropes classiques avec les problèmes raciaux des années 1950. Il contraste son voyage aux confins de l'Amérique de Jim Crow avec le milieu hypocrite des intellectuels new-yorkais qui veulent désespérément être considérés comme des esprits ouverts. Il critique également le manque de moralité de l'industrie de la télévision et du divertissement, prête à laisser un criminel endurci en liberté pour attendre le moment opportun de le dénoncer, pour faire un coup de pub. En résumé, d'un Etat à l'autre, d'un milieu social à l'autre, Ed Lacy flingue ses contemporains avec une grande acuité sociale.

Couronné en 1958 par le prix Edgar Allan Poe, ce roman noir « vintage » m'a, sans surprise, beaucoup plu mais sa seconde qualité c'est qu'il me donne furieusement envie d'en savoir plus sur l'auteur. Juif, communiste, marié à une noire, collaborateur du New Yorker, victime du maccarthysme, sa vie m'a tout l'air d'être un roman.
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Voici un roman noir, dans la grande tradition des Hammett, Himes ou Chandler. Traquenoir (Room to swing) est paru en 1957, et les éditions 10-18 nous en offrent une nouvelle traduction, signée Roger Martin, qui fait l'honneur d'expliquer au lecteur certains de ses choix et d'ajouter de bien judicieuses notes.
Traquenoir c'est l'histoire d'un privé assez minable, noir, qui se laisse embarquer dans une sombre histoire qui le prend au piège. Nous sommes à New York dans les années 1950. le style est incisif, direct, sans ce gras psychologique ou émotionnel qu'on retrouve trop souvent dans les textes contemporains. L'auteur fait monter la tension, sans s'étendre sur l'inutile, c'est le moins que l'on puisse dire.
Par ailleurs Ed Lacy (pseudonyme de Leonard Zinberg), écrivain blanc qui avait épousé une femme noire est un fin connaisseur du problème racial américain. Il restitue une ambiance d'autant plus glaçante qu'elle n'est pas manichéenne et qui donne un éclairage complémentaire sur le racisme systémique au USA, l'un des sujets les plus féconds de la littérature américaine.


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Dans ma liste "les grands prix littéraires de l'année de ma naissance"

Prix Edgar Allan Poe du meilleur roman policier

C'est une pépite, "un récit âpre et dur à la puissance exceptionnelle, doublé d'un plaidoyer vibrant pour l'intégration [des noirs]" comme l'ont écrit les critiques de l'époque.
Ce roman policier vient d'être rééditer en 2023 avec une nouvelle traduction.
On est loin des polars nordiques gonflés au duvet d'oie, des polars français avec leur lot de policiers torturés du bulbe, des polars remplis de sexe, de violence, de fausses pistes et d'intrigues multiples. C'est un roman court, presque une longue nouvelle, écrite à l'os, sans fioritures mais non sans humour. Un privé, noir, tente d'échapper au piège qu'on lui a tendu pour être accusé de meurtre à la place d'un autre dans l'Amérique des années 50, raciste et peu encline à faire une place aux noirs.
Je vous conseille de lire la préface rédigée par le traducteur (également biographe de l'auteur), pour découvrir le contexte du roman. Et de la relire une fois terminée la lecture.
Un super moment de lecture qui nous plonge dans le Harlem des années 50. On y est, on touche tout du doigt.
Vous avez compris que j'ai bien apprécié ce livre, découvert grâce à ma liste, elle-même constituée grâce à Babelio et sa liste des prix littéraires disponible sur son site (et non sur l'application).
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Les Etats-Unis est un pays communautariste. Des villes blacks, hispaniques, des quartiers coréens ou des ghettos de riches, telles sont les compositions sociologiques des villes de ce pays à multiples facettes. Est-ce l'héritage ségrégationniste pour ce pays qui a connu les banquettes pour les gens de couleurs dans les bus, les restaurants interdits aux noirs avec des affichettes excluant explicitement tout un pan de la population américaine? Cette situation légale favorisant une vision négative des gens de couleur, chargée de mauvaises représentations comme le montre Ed Lacy dans Traquenoir, un roman de 1957 avec une nouvelle traduction de Roger Martin et paru aux éditions du canoë.

Toussaint Moore est un détective afro-américain qui tente de vivre, de survivre de son métier alors que Sybil, sa moitié, veut le voir postier. Un jour, une dame au nom de Kay le contacte pour lui demander de filer un "blanc" qui fera l'objet à son insu d'une émission de télé-réalité. Toussaint retrouve assez vite sa trace et le file mais les choses ne vont pas se passer comme prévues et le filoché passe de vie à trépas. Cerise sur le gâteau, les circonstances et les préjugés vont faire de Toussaint le principal suspect de ce meurtre. Seule solution pour s'en tirer : trouver le vrai coupable avant que la police ne considère le détective noir comme le coupable idéal.

Ed Lacy est le nom de plume de Léonard Zinberg, auteur qui cassait les codes de l'époque : juif non pratiquant,marié à une femme noire et père adoptif d'une petite fille noire, tout cela dans les années 50. Il a écrit quatre romans sous le nom Ed Lacy dont Traquenoir, originellement titré "Room to swing". Ici, l'auteur choisit de mettre en avant un héros afro américain avec Toussaint Moore qui roule en voiture anglaise dans le pays où la bagnole est reine. C'est par ces petits détails que se bâtit l'intérêt du roman , un peu moins sur l'intrigue qui n'est pas des plus trépidantes. Il réside plutôt dans la découverte de Toussaint en cavale à Bingston , petite ville US qui réunit toutes les horreurs que devait subit la population afro-américaine dans les années 50. C'est précis, stylé, blindé de références habilement expliquées par Roger Martin, le traducteur. Traquenoir est un bonheur de lecture qui permet de plonger dans un polar US vintage, intelligent, de la trempe d'un Chester Himes pour ne citer que lui. Mention spéciale aussi à la course au sensationnel pour un show Tv, idée plus que prémonitoire, en avance sur son temps.
Lien : http://www.rcv99fm.org
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