Éclairant, sociétal, habile, « Pourquoi tant de politesse » est dévorant de contemporanéité. La résidence Bellevue dévoile ses habitus. L'idiosyncrasie sociologique en gros plan, sans laisser la moindre poussière sous le tapis. D'un réalisme fou, la trame coopère avec les protagonistes. La fiction s'évapore. La stupéfaction de saisir à bras le corps les appartements, chapitre après chapitre où transitent les blessures des vies chaotiques. Harcèlement moral, violences conjugales, emprises d'une masculinité jusqu'au paroxysme. Les murs tremblent. L'écriture lucide n'ignore rien de ce fléau , coups et blessures, regards baissés, pas feutrés dans l'appartement. Ne pas déranger le roi qui dort. Mère solo avec un enfant, père au double langage. le travail, serpent de mer qui se mord la queue. Abattre les cartes, ce n'est pas toi l'élue, c'est moi, je suis un homme. Ne croyez pas aux clichés, ici c'est tellement actif, tellement démonstratif et psychologiquement possible que le livre s'évapore et laisse pénétrer les diktats d'une société abreuvée aux injustices.
Dans un appartement, côté ville, un homme, un vétérinaire, le soir violent, aigri, arrogant, violent avec les siens et un dealer caché, jusqu'au jour où. Ne pensez pas à un roman ordinaire. Ici, nous ne sommes pas dans le voyeurisme, dans l'affolement des meurtrissures.
Hélène Lahille est douée. Intuitive, attentive, elle est dans le tremblant de cette résidence Bellevue, celle qui observe, démontre et dénonce. Ce récit est son ombre qui abat les fragilités, les fissures des murs dévorés de méprises, de trahisons et de faux-semblants. Il y a des bouquets d'altruisme, des regards qui protègent. Les combats vifs et les résistances loyales et cruciales. Les surveillances douces qui détournent les spectres de l'irrévocable. Ce roman sociologique est une mise en abîme implacable d'un espace de vie semblable à tant d'autres. Et c'est bien là le problème. La normalité derrière les cloisons endormies. Les vives et cruelles vérités. « Apprendre à toujours se méfier » comme le disait
Prosper Mérimée.
Hélène Lahille délivre ici, un récit d'utilité publique. Une urgence de lecture. Ce passage en pages finales qui est tout aussi important :
Hélène Lahille dit ne pas avoir les codes pour intégrer la voie royale de l'édition. Si, je peux vous dire que si. Ce roman a toute sa place dans les librairies. Une question me taraude combien d'auteurs (es) ainsi ? À méditer.
Publié par BookEdition.com