Enceinte je suis en permanence dans une espèce d’état second, ce qui confère une aura d’irréalité à la situation. Les hormones, je suppose. Et je reste sceptique. Cette « entreprise », pour le moins ambitieuse, arrivera-t-elle à terme? Et dans l’affirmative, quel sera le résultat? Le travail accompli dans l’ombre par le corps me fascine, m’intrigue, me jette dans une forme d’effroi. Le fait d’imaginer la multiplication et la division des milliards de cellules dans un ordre préétabli qui s’enclenche tout seul et aboutit à un bébé, toute cette activité qui se déroule dans mes entrailles me donne le vertige.
Quand on voit les résultats, on se rend compte que j’avais raison de douter. Pendant la multiplication des cellules, il y a parfois ce qu’on appelle des ratés.
Est-ce que je viens de traiter mes enfants de ratés? Non. Presque, mais non. Ils sont un peu tarés, oui, ratés, non. Ils sont parfaits comme ils sont, en fait. Question de perspective.