Confession.
Je n'avais jamais entendu parler de
Manu Larcenet avant de le voir lors de son passage dans La Grande Librairie pour y présenter son adaptation de "
La Route" de McCarthy.
Et, à parcourir sa bio, il n'en est pas à son coup d'essai ce bon monsieur.
Par contre, le roman, je le connais bien. Et l'adaptation cinématographique qu'en a fait John Hillcoat, aussi.
Voici les premiers mots que prononce
Viggo Mortensen dans le film.
« Les horloges se sont arrêtées à 1h17 ; il y a eu comme un éclair suivi de plusieurs secousses. On doit être en octobre, mais je n'en suis pas sûr après toutes ces années. Chaque jour est plus gris que le précédent. Il fait froid, de plus en plus froid, alors que le monde se meurt. Aucun animal n'a survécu et il n'y a plus de récoltes. Bientôt tous les arbres tomberont. Les routes voient des gens tirant des chariots et des bandes armées en quête de carburant et de nourriture. En une année, il y a eu des feux sur les crêtes et des chants étranges. Il y a eu le cannibalisme. C'est la plus grande des peurs. La nourriture est mon souci premier. Toujours. La nourriture, le froid et les chaussures. Je lui raconte parfois des histoires de courage et de justice, bien que je m'en souvienne mal. Cet enfant m'assure de mon existence. Et s'il n'est pas la parole de Dieu, c'est qu'Il n'a jamais parlé."
Et l'ambiance que propose
Manu Larcenet dans ouvrage, c'est exactement ça.
Le roman est dépouillé dans sa narration; il en est de même dans la mise en scène du film et dans l'approche de
Larcenet. En aucune façon, il ne trahit l'oeuvre de McCarthy, bien au contraire.
Les trois propositions sont d'une tristesse infinie avec peu de dialogues mais, de par leur rareté, les dialogues font mouche à chaque fois. Ils sont percutants et d'une puissance rares.
"Il me reste trois balles..." chantait
Jean-Louis Aubert et Téléphone dans Flipper...
Parce que, oui...
Juste quelques mois après le début de l'apocalypse. La femme de l'homme, alors enceinte, perd les eaux et fait part à celui-ci de son inquiétude concernant la mise au monde de son enfant dans ce contexte. Elle finit par accoucher. Lorsque l'homme tire sur un intrus en utilisant l'une des trois balles qu'ils ont économisées pour leur famille en dernier recours, elle l'accuse de gaspiller délibérément la balle pour empêcher son suicide.
(Vous apprécierez je pense à la planche 47...)
De nombreuses planches sont dépourvues de phylactères mais là encore, le travail de
Larcenet m'aura impressionné par la force de son dessin. Bien sûr, c'est un roman noir, très noir, sans aucun espoir mais l'auteur fait le choix de rehausser ses noirs et blancs d'un lavis allant du jaune ocre au vieux rose en passant d'un vert olive à un bleu glacier.
C'est juste magnifique, du grand art!
J'ai donc plutôt "regardé" "
La Route" de
Manu Larcenet et j'y ai trouvé une qualité graphique vraiment époustouflante.
Une belle façon d'honorer
Cormac McCarthy disparu il y a quelques mois.