Dans la nouvelle d'ouverture de ce recueil, suite à un accord entre le Maroc en mal de médecins, et la Pologne à la recherche de devises, des immigrés polonais arrivent à Khourigba, sur les lieux d'une gigantesque mine de phosphates. Les nouveaux venus ne se mélangent pas à la population locale, ils restent entre eux. Sauf Matchek, un dentiste, très curieux des us et coutumes locaux. Un jour il fait part à une de ses connaissances du cru de son désir de participer à un mariage traditionnel. Qu'à cela ne tienne, flairant le gogo, Moussa se charge de tout organiser. le dentiste sera aux premières loges puisque c'est à son propre mariage fictif que Matchek va assister. Un mariage pas si fictif que ça et qui sera lourd de conséquences.
La nouvelle qui ouvre le recueil donne le ton il sera question du mensonge et des situations absurdes qui en découlent. On y verra comment un catcheur doit "tuer" le père pour pouvoir exister, on y verra la tentative de mise en équation de l'amour, on y suivra les aventures rocambolesques d'un menteur patenté, racontées à la table d'un café.
On est pris dès le début par le style plein de poésie et d'humour de l'auteur, par son imagination débordante. La plume est pleine de verve, jubilatoire, les digressions (parenthèses et parenthèses à l'intérieur des parenthèses sont savoureuses ainsi que les notes de bas de page. Un univers qui m'a fait parfois pensé à celui de
Pagnol notamment dans la nouvelle qui nous raconte les fanfaronnades du menteur à la terrasse d'un café. L'humour et la fantaisie de
Fouad Laroui sont tendres quand il s'agit de raconter les petits mensonges du peuple mais beaucoup plus féroce quand il s'agit de dénoncer le mensonge institutionnalisé , le mensonge d' Etat.
Ce recueil de nouvelles est un pur bonheur de lecture. Cette lecture est une découverte pour moi qui ne connaissait pas du tout cet auteur. Une lacune que je vais combler rapidement tant j'ai aimé ce livre et la plume de son auteur.
"Après son départ (il avait rendez-vous avec l'archevêque de Casablanca), nous restâmes silencieux, méditant ce qui venait de se passer.
Tout de même, c'était extraordinaire.
de deux choses l'une, ou bien Driss Basri (ministre de l'intérieur marocain, exécuteur des basses oeuvres du régime) avait réellement mis en place un univers parallèle où le temps et l'espace étaient devenus des catégories a priori de la police. Oui bien Torrès était le plus fieffé menteur de l'univers. Dans un cas comme dans l'autre, nous étions fiers d'être les compatriotes d'hommes de cet acabit.
Bien sûr, s'ils avaient employé leur génie à résoudre quelques problèmes majeurs de notre pays, comme la pénurie chronique d'eau potable, les épidémies de choléra ou la scolarisation des petites filles, au lieu de l'investir dans la police ou l'élucubration, c'eût été encore mieux. Mais on ne peut pas demander la lune. Avoir eu autrefois l'immense Basri, avoir aujourd'hui de minuscules Torrès (car il y en avait dans tous les recoins), voilà qui suffit à nous rendre heureux."
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