Collecte, mise en ordre, par chapitres, et par échos à l'intérieur de chacun d'eux, des légendes, dits, manières, entourant la mort dans la Basse-Bretagne de la fin du 19ème. Préceptes généraux, récits, avec l'identité de conteurs, références à d'autres collectages, comparaisons avec d'autres traditions.
Je suis la première surprise du goût (faible mot) que j'ai pris à cette lecture. Plaisir du petit frisson des histoires horrifiantes ? Plaisir de cette campagne des temps anciens, et de cette vie à parfum d'âge d'or, même quand on insiste sur la misère et la dureté des conditions (mais il y a aussi bonne bourgeoisie), de cette civilisation non sans raffinement ? Plaisir des noms ?bien entendu... Plaisir des descriptions esquisses et pourtant parlante ? Plaisir surtout de l'écriture, entre regard érudit, avec bonhomie, et tradition orale subtilement retravaillée. Certainement évasion... le fait est que deux soirées ont suffi largement pour ces 579 pages.
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C’est ce que nous allons savoir ! s’écria Jozon Briand. Il enjamba le cercueil, ouvrit la porte. Mais, à peine entré, il trébucha, en poussant un long soupir. Quand on le releva, tout son sang lui était sorti par le nez. Il eut encore le loisir, cependant, de raconter son aventure et de faire connaître ses dernières volontés, mais non de fumer sa dernière « pipée. » On prétend qu’il la réclame chaque fois que la cheminée fume, à Kermarquer.
Il en est d’autres, parmi les âmes, qui accomplissent leur pénitence sous la forme d’une vache ou celle d’un taureau, suivant le sexe qu’elles avaient de leur vivant. Les âmes de riches sont parquées dans des champs stériles où ne poussent que des cailloux et quelques herbes maigres. Les âmes de pauvres trouvent à brouter abondamment dans des pâtures opulentes où il ne manque ni trèfle, ni luzerne.
Ne parlez de ceci à personne de l’équipage. Ce que vous m’annoncez n’est pas nouveau pour moi. C’est probablement l’âme de quelqu’un de nos anciens camarades, péris en mer, qui fait sa pénitence autour de la Jeune-Mathilde. Ne vous occupez pas d’elle ; gardez-vous de la troubler. Surtout ne vous penchez plus au-dessus du bordage. Le mort vous attirerait.
On dépeint l’Ankou, tantôt comme un homme très grand et très maigre, les cheveux longs et blancs,
la figure ombragée d’un large feutre ; tantôt sous la forme d’un squelette drapé d’un linceul, et dont la tête vire sans cesse au haut de la colonne vertébrale, ainsi qu’une girouette autour de sa tige de fer, afin qu’il puisse embrasser d’un seul coup d’œil toute la région qu’il a mission de parcourir.
Mais il ne l’eut pas plus tôt prononcée qu’il vit se dresser près de lui un homme immense, immense, d’une stature si démesurée que sa tête semblait se perdre dans les nuages. Cet homme se penchait vers Noël, et Noël vit que sa bouche était toute grimaçante comme celle d’un poupon qui pleure ; il vit aussi qu’elle était garnie de quenottes menues, menues, et blanches comme neige.