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EAN : 9782070402106
540 pages
Gallimard (03/06/1997)
3.88/5   213 notes
Résumé :
"Que reste-t-il des émotions, des rêves, des désirs quand on disparaît ? L'homme d'Aden, l'empoisonneur de Harrar sont-ils les mêmes que l'adolescent furieux qui poussa une nuit la porte du café de la rue Madame, son regard sombre passant sur un enfant de neuf ans qui était mon grand-père ? Je marche dans toutes ces rues, j'entends le bruit de mes talons qui résonne dans la nuit, rue Victor-Cousin, rue Serpente, place Maubert, dans les rues de la Contrescarpe. Celui... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (15) Voir plus Ajouter une critique
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J'aime Le Clézio : la beauté et l'universalité de ses mots me touchent, m'enchantent, me ravissent. M ‘émeuvent et m'emportent le plus souvent. J'aime aussi l'homme, forcément. Un humaniste, un humble et un sage qui se fait discret pour mieux nous parler du monde qui nous entoure et nous en décrire toute la beauté. Toute la violence aussi. L'actualité littéraire du moment nous reparle de cet écrivain si rare dans ses apparitions. « Alma », son dernier roman encensé par la critique, nous permet d'entrevoir cet homme au détour d'une émission ou d'entendre sa voix chaude et grave sur les ondes. Et là, en l ‘écoutant, j'ai réalisé que trop de temps était passé depuis ma dernière lecture de le Clézio. le manque était là. A défaut de me procurer « Alma » tout de suite, je me suis donc rabattue – si j'ose dire – sur son roman « La Quarantaine » publié en 1995. J'ai ouvert ce roman… et je suis partie dans l'espace et dans le temps. Très loin.

Poète du voyage, conteur de l'exil, JMG le Clézio nous raconte l'ailleurs. Cet ailleurs, la plupart du temps, est peuplé des lieux qui ont un lien avec son enfance, sa jeunesse, ses rencontres, ses racines : une ville, un pays, un quartier, un désert ou une île…. Maurice, l'île où ses ancêtres bretons ont émigré au XVIIIe siècle pour fuir la famine et la pauvreté. Ce sont ces derniers justement qui sont mis à l'honneur dans « La Quarantaine », bien avant que l'auteur ne songe à l'écriture d' « Alma ». L'auteur s'inspire directement alors d'un épisode bien réel du roman familial.

Le narrateur, double de l'auteur, qui débute le récit nous parle de ses grands-parents, Jacques Archambau (double fictif d'Alexis, le propre grand-père de Le Clézio) et sa femme Suzanne, accompagné de Léon, le jeune frère du premier. Nous sommes en 1891 et les deux frères s'en vont reconquérir un domaine familial (déjà Alma) et une maison, Anna, dont ils ont été chassés avec leurs parents vingt ans auparavant par le patriarche, Alexandre, leur oncle. Bébé lorsqu'il a quitté l'île, Léon ne connaît rien de Maurice si ce n'est à travers les souvenirs de Jacques, 12 ans à l ‘époque. Maurice, la promise… Sa verdure et ses rondeurs, les champs de canne à sucre, l'odeur des sucreries, son sable noir et ses coraux, l'eau transparente et fraîche des cascades. Mais sur le bateau qui fait route vers leur paradis, la variole se déclare. Passagers de première classe et immigrants indiens sont obligés de débarquer sur Plate, une île située à quelques milles de Maurice. Sur cette île formée de rochers de basalte et envahie par les oiseaux, tous vont devoir cohabiter durant la quarantaine obligatoire. C'est la découverte d'un nouveau monde et le début d'un huis-clos angoissant.

On s'extirpe difficilement de cette lecture, étourdi par la beauté des mots et la richesse de cette histoire où l'on retrouve les thèmes chers à Le Clézio.
C'est tout d'abord un fait, quand on lit Le Clézio, on part avec ses personnages. le trio formé par Jacques, Suzanne et Léon est terriblement attachant et émouvant. Suzanne, femme-mère-soeur, est le bloc qui cimente leur union. Unis par un même rêve, les jeunes gens voient en Maurice la promesse d'une vie meilleure et d'une revanche sur la vie. Entre leur histoire et celle du narrateur surgit en filigrane le thème essentiel de la mémoire des siens. Retour aux origines et quête identitaire, chercher et trouver les traces de ceux qui nous ont précédés. Cette histoire originelle, c'est aussi celle de Suryavati, l'immigrante, la paria, et de sa mère Ananta. Ananta ou le destin exceptionnel d'une jeune anglaise/indienne perdue dans la guerre, l'exil et les camps avant de trouver refuge sur Plate.

Plate justement. Sous la plume de le Clézio, l'île prend vie et devient le personnage principal du roman. Au côté de Léon, nous parcourons l'île de nuit comme de jour, des maisons de la Quarantaine au village des coolies dans la baie de Palissade. Rochers noirs et coupants de basalte, sable éclatant, le sel partout sur le corps, fleurs de batatrans, barrière de corail et eau tiède du lagon… Plate offre à ses occupants le monde de la mer. Tantôt paradis et tantôt purgatoire quand la maladie se propage, que la folie guette et que la mort arrive. Alors vient le temps de Gabriel, dernier lieu de retranchement, l'îlot situé à l'extrémité de la terre, là où commence le monde des oiseaux avec le cri rauque des pailles-en-queue.

Les mots de le Clézio sont magiques au sens où ils nous enivrent avec des descriptions magnifiques tout en nous révélant la réalité de ceux qui peuplent ces lieux. Et ceux dont Le Clézio aime le plus parler, ce sont les exclus.

Comme toujours chez l'écrivain, nous retrouvons la défense des opprimés et une dénonciation des abus et violences faits sur les plus faibles. Lorsque son narrateur reprend le cours du récit, c'est avant tout pour livrer un vibrant hommage à ces hommes, femmes et enfants capturés sur les côtes du Mozambique, à Zanzibar, à Madagascar, et enchaînés à fond de cale sur les négriers. C'est pour nous parler des coolies indiens, attirés sur les bateaux à Calcutta et à Madras, enfermés dans des camps avant d'aller trimer comme des esclaves pour les compagnies sucrières. Et ceux-là, ces immigrants partis de Calcutta en 1856 pour fuir la famine et la guerre, et abandonnés pendant cinq mois sur les rochers nus de Plate et Gabriel, ne laissant derrière eux que des os et les cendres des corps que l'on brûlait.
Voilà, Le Clézio n'a nul autre pareil pour décrire la beauté d'un pays et l'envers du décor, sa violence. Dans cet hommage à la mémoire des siens, l'auteur ravive aussi celle de ces inconnus, de ces exclus dont les fantômes peuplent Maurice.

Cette critique ne rendra sûrement pas honneur à cette lecture absolument envoûtante qui m'a menée hors du temps et hors du monde. Un roman tout simplement magnifique.
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N° 1483 - Juillet 2020.

La quarantaineJ.M.G. le Clézio - Éditions Gallimard.

L'île Plate est un îlot volcanique peuplé de coolies indiens, au large de l'île Maurice où Alexis, le grand-père maternel de le Clézio dut faire une escale forcée, une quarantaine, à cause d'un cas de variole déclaré sur le navire qui le ramenait vers cette terre où ses ancêtres bretons, fuyant la misère, s'étaient installés au XVIII° siècle. L'auteur s'inspire de cet épisode familial bien réel pour créer ce roman où il met en scène, en 1891, Jacques Archambau qui est médecin, sa femme Suzanne et Léon, frère cadet de Jacques. Ils viennent reprendre possession sur l'île Maurice d'une maison, celle d'Anna, dont leurs parents ont été chassés vingt ans auparavant par Alexandre, l'oncle des deux frères. Un cas de variole détecté à bord du navire sur lequel ils voyageaient en compagnie d'autres passagers provoque un « confinement » sur Plate. Bien entendu ce débarquement d'étrangers, des européens mais aussi des immigrants indiens, bouscule la vie sur l'île peuplée par des coolies abandonnés ici il y a des années et des émeutes éclatent donnant aux voyageurs l'impression d'être abandonnés à leur sort par les autorités à la fièvre, à la famine, à l'insécurité. Il y a bien des tentatives d'évasion mais elles se soldent toutes par un échec, transformant de plus en plus cette île en prison. L'état de santé de certains passagers européens s'aggrave alors qu'ils attendent désespérément un bateau venant de Maurice qui mettra un terme à leur quarantaine.
Le Clézio met en scène deux Léon, l'un le frère de Jacques et l'autre son petit-fils pour évoquer, à près de cent années de différence, cette tranche de vie de la saga familiale exotique. On y rencontre la figure souffrante de Rimbaud, croisée à Aden en partance pour la France mais surtout il décrit avec plaisir les paysages de cette île et du petit îlot « Gabriel » qui rapidement sert d'annexe pour les malades comme Plate pour Maurice, la faune et surtout la flore. Pour eux et pour les nombreux autres passagers contraints à cette quarantaine qui menace de durer longtemps, la vie s'organise, faite surtout d'explorations et d'observations des pauvres gens qui ont été abandonnés sur cette île il y a bien longtemps, d'organisation du quotidien et de gestion de la maladie, de la mort aussi ... Léon tient une sorte de journal où il consigne leur quotidien fait de crainte de la maladie, du danger, de reconnaissances de cette petite île et surtout de la vision qu'il a d'une jeune fille qu'il baptise aussitôt « Suryavati » (force du soleil) et évidemment en tombe amoureux. A travers les différents personnages dont il dresse le portrait, il évoque le passé avec de nombreux analepses mais aussi le présent et ses origines familiales, cette maison dont il parle comme d'un paradis perdu. Ce roman est le reflet de l'oeuvre de le Clézio, évoque le voyage, l'intérêt qu'il porte à l'île Maurice et aux cultures oubliées. Il décrit avec passion la nature de cette île tropicale qui est aussi, sous sa plume, un véritable personnage. L'autre Léon, le plus jeune, revient à Maurice, à la rencontre des souvenirs de cette famille déchirée. Il retrouve une Anna vieillie, cassée, seule. C'est l'image émouvantes de ces parentèles qui se croisent, se détruisent et disparaissent c'est à dire le destin de la condition humaine.
J'ai surtout lu ce roman comme une allégorie de la vie où les humains sont précipités sur terre sans qu'on leur demande leur avis, avec mission de faire prévaloir la vie, se sauver eux- mêmes, malgré les souffrances, les combats, les échecs, les espoirs déçus, les moments d'éternité que prête l'amour, mais avec au bout la mort inévitable.
J'ai relu ce roman avec d'autant plus de plaisir que je suis resté longtemps, et à mon grand regret, incapable d'entrer dans l'univers créatif de le Clézio. Je salue en lui ce que devrait être tout écrivain, c'est à dire un serviteur de notre belle langue française. Son style fluide, poétique évoque cette île perdue dans l'océan indien et pour moi qui ait de la famille une notion très vague, je suis toujours étonné qu'un écrivain évoque ainsi, et avec talent, la mémoire des siens.

©Hervé Gautier mhttp:// hervegautier.e-monsite.comN° 1423 - Janvier 2020.
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Le livre s'ouvre sur une évocation de Rimbaud. Un souvenir, vague.
Jacques et Léon sont deux hommes, mus par une rancoeur familiale. Accompagnée de l'épouse de Jacques, Suzanne, ils décident de rentrer chez eux, la où ils sont nés. A Anna, sur l'île Maurice.
Mais avant d'atteindre leur destination, le bateau accoste sur l'île Plate, où ils sont mis en quarantaine. Longtemps.
Là-bas, Léon y rencontre Suryavati. Une jeune indienne aux bracelets cliquetants, à la mémoire fragile, déracinée comme lui.
Léon dont la silhouette évoque celle de Rimbaud. Encore.
Une écriture douce et poétique, musicale. C'est un long poème qui n'en finit pas de se lire, et les phrases sont tellement belles qu'on a envie de les dire à haute voix.
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Voilà un livre qui me fut offert pour mes quarante ans...
Et bien qu'il s'agisse de deux quarantaines bien différentes (la mienne et celle des passagers de l'Ava) ce texte restera pour moi un des textes majeurs de la littérature contemporaine.
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• Ce roman , au titre (et au sujet) d'actualité me fut offert pour mes 50 ans par mes collègues dans le but louable et vain de me rajeunir. On y trouve comme souvent chez Le Clezio des éléments autobiographiques (son grands père maternel ) , les horizons exotiques (ici une ile au large de Maurice où les protagonistes sont retenus en quarantaine) , un sentiment charnel et quasi érotique de la nature . Sans compter la qualité d'écriture … Un grand plaisir.
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Citations et extraits (23) Voir plus Ajouter une citation
Alors Giribala a montré à Ananta comment on danse avec les mains, le signe du Seigneur Krishna, les deux mains en face de la bouche, les doigts dréssés, comme celui qui joue de la flûte. Elle lui a montré tous les gestes qu'elle savait, le signe de l'oiseau Garuda, mains ouvertes comme des ailes, le signe de la roue, les deux paumes tournant l'une contre l'autre,le signe d'alapallava, la fleur de lotus, main ouverte devant la poitrine, le signe du bonheur, la main devant le front, l'amour et le coeur palpitant de l'oiseau, les deux mains ouvertes, attachées par les pouces, doigts qui tremblent.
L'enfant était émerveillée. Pour la première fois, elle a dansé devant sa mère, encore maladroite sur ses petites jambes, drapée dans un long tissu, ses poignets alourdis des bracelets de cuivre. Ce jour-là, Lil a donné à Ananta son bracelet de cinq perles de verre, portant la médaille de Yelamma la déesse de la danse, qu'elle avait reçu quand elle avait six ans. Pour sa mère et pour Lil, Ananta a dansé longtemps, martelant de ses pieds nus la terre sèche, dans l'odeur enivrante de la fumée de santal, et Giribala en la voyant pouvait oublier la peur, la guerre, la poitrine ensanglantée de l'ayah où elle avait trouvé l'enfant, et sa fuite à travers les champs jusqu'au fleuve où elle avait inventé le nom d'Ananta.
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En revenant vers le Diamant, vers la fin de l'après-midi, j'ai vu pour la première fois celle que j'ai appelée ensuite Suryavati, force du soleil. Est-ce vraiment son nom ? Ou est-ce le nom que je lui ai trouvé, à cause de la reine du Cachemire, à qui fut racontée l'histoire de Urvashi et Pururavas, dans le livre de Somedeva, traduit par Trelawney, que je lisais à Londres, l'été qui a précédé notre départ ? Elle avançait le long du rivage, un peu penchée en avant, comme si elle cherchait quelque chose, et de là où j'étais, sur l'embarcadère, en face de l'îlot Gabriel, j'avais l'impression qu'elle marchait sur l'eau. Je voyais sa silhouette mince, sa longue robe verte traversée par la lumière. Elle avançait lentement, avec précaution. J'ai compris qu'elle marchait sur l'arc des récifs qui unit Plate à Gabriel à marée basse. Elle tâtait du bout du pied, comme en équilibre au sommet d'un mur invisible. Devant elle, il y avait la profondeur sombre du lagon, er de l'autre côté, la mer ouverte qui déferlait, jetant des nuages d'embruns dans le ciel.
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C'est une nuit très longue et belle, une nuit sans fin. Nous sommes au bord de la terre, au bout du monde. Sur notre radeau de basalte, nous glissons lentement vers la vie nouvelle, vers notre mère. Nous sommes enfants du rêve. Nous sommes libres, enfin, nos chaînes sont tombées.
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Je me suis couché contre Surya, pour sentir la chaleur de son corps, son souffle dans le creux de mon épaule. Ensemble nous glissons sur la mer, vers l'autre bout du temps. Je n'ai jamais vécu d'autre nuit que cette nuit, elle dure plus que toute ma vie, et tout ce qui a été avant elle n'a été qu'un rêve.
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Il s’est passé tant de choses, tant de choses se sont défaites et recomposées autrement, nos sentiments, nos idées, jusqu’à la façon que nous avions de regarder, de parler, de marcher et de dormir. Quelques-uns sont morts, d’autres ont perdu la raison. Nous ne serons jamais plus les mêmes.
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Videos de J.M.G. Le Clézio (54) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de J.M.G. Le Clézio
Cette semaine, La Grande Librairie s'installe à Marseille et propose une émission exceptionnelle, en public, à l'occasion des Nuits de la lecture et des 10 ans du Mucem. Au coeur de ce musée dédié aux cultures de la Méditerranée, des écrivains, des librairies et des lecteurs pour une soirée dédiée aux mots, aux mille identités de l'espace méditerranéen, et à cette idée que la littérature est toujours un lieu de rencontres, de partage et de commun.
Augustin Trapenard est donc allé à la rencontre du lauréat du prix Nobel 2008 Jean-Marie Gustave le Clézio. Il est venu présenter son dernier ouvrage, "Identité nomade" (Robert Laffont), explorant son parcours d'écrivain, ses voyages et ses affiliations. L'auteur s'interroge également sur le pouvoir de la littérature dans le monde contemporain. Un récit introspectif captivant sur l'essence de l'écriture. le tout, durant une magnifique balade à Nice, ville qui l'a vu naître.
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