Comment sortir du cadre
Alain Delambre qui approche la soixantaine, est un ex-DRH. Licencié, au chômage depuis 4 ans, il est tombé au plus bas de l'échelle, contraint d'accepter petits boulots et humiliations diverses. Alors que sa vie professionnelle est dans une impasse, il retrouve soudain l'espoir après avoir répondu à une petite annonce d'un cabinet de consultants. Sa candidature, retenue, reste une ultime épreuve : son test d'embauche sera combiné à une sélection de cadres...à virer, au cours d'un jeu de rôles sous forme de fausse prise d'otages. Pour avoir du boulot, Delambre devra le faire perdre à d'autres. Obsédé par cette opportunité, Delambre va se donner à fond et au delà, entraînant sa famille dans une descente aux abîmes. Mais dos au mur, il va démontrer qu'il a de la ressource...
Si pierre Lemaître n'était pas passé loin du très grand polar avec "
robe de marié" et "
travail soigné", à mon avis, cette fois il frappe en plein dans le mille, avec une oeuvre qu'il est toutefois difficile de classer dans les séries policières.
J'avoue avoir dévoré ce livre avec une appréhension permanente. Entièrement pris dans l'histoire, je n'avais qu'une crainte : que son intérêt faiblisse ou que passées les bonnes idées initiales du scénario, la suite ne soit pas à la hauteur. J'avais peur d'être déçu.
Ce n'est pas le cas.
Découpée en 3 parties "Avant", "Pendant" et "Après", l'histoire se déroule sans anicroche, toujours inventive et pertinente. Car une des grandes forces du livre, c'est que la critique sociale est présente, juste et souvent renforcée par un humour niché au coeur des situations tragiques.
Ainsi, quand Delambre parle de "syndrome de Stockholm appliqué au monde du travail" à propos d'un petit chef qui s'identifie de manière exagérée à son patron, ou de son collègue qui vit dans sa voiture (son immobile-home).
Les modes de management et leur aspect un peu ridicule sont évoquées avec toute la distance requise : "tout le monde était fou d'analyse transactionnelle. Maintenant, les trucs, c'est le management de la transition, la réactivité sectorielle, l'identité corporate, le benchmarking, le réseautage". "Travailler n'est plus suffisant, il faut adhérer. Avant il fallait être d'accord avec l'entreprise, aujourd'hui il faut fusionner avec elle. Ne faire qu'un. Moi je ne demande pas mieux : on m'embauche et je fusionne."
Le paradoxe de nos sociétés est rappelé chaque fois que Delambre allume la TV ou la radio. Les nouvelles s'entrecroisent : ..."en très forte progression", ..."gagne 4,5 % à la clôture" ..."annonce la suppression de 800 emplois"...
Un roman français dont le héros n'est pas architecte ou publicitaire. Un style vif, incisif et drôle. Un scénario à rebondissement crédible. Un regard sur la société.