Un titre improbable, une couverture sombre, mystérieuse, une quatrième intrigante qui annonce un roman fantastique et évoque convictions, rêves et monde nouveau, autant d'éléments qui vous font passer votre chemin ou titille votre curiosité. Chez moi, ça a titillé et ça a matché, «
Blanc Trou Noir » m'a plu.
Dans la réalité, tout commence, pour l'auteur,
Aurélien Lenaars, par une légende comme on en rencontre tant en France (il existe la même à quelques kilomètres de chez moi) : au milieu d'une forêt, un filet d'eau turquoise et un puits naturel très profond (les Puits Tournants de Fréchencourt – Hauts de France) dans lequel auraient été jadis engloutis chevaux et occupants d'un carrosse. Ainsi naissent les phénomènes inexpliqués, les mondes parallèles et les histoires qui les racontent…
Dans le roman, tout commence par une lettre reçue par Charles Dupuy, le narrateur, acteur au summum de son art et de sa popularité. La missive est envoyée par sa grand-mère… décédée quelques mois auparavant. le message qu'elle renferme n'est pas clair, il est question d'eau, de choix, d'ennemis, de rien, de tout et des deux à la fois… Mamie était-elle lucide quand elle a écrit ce courrier ou est-ce le délire d'une femme à l'approche de sa fin ? interpelé par le message qui résonne étrangement en lui, Charles décide de quitter sa vie parisienne pour la ville de son enfance, dans le nord de la France. Un nord dont les paysages, décrits par l'auteur avec toute l'affection qu'il a pour eux, transpirent leur magie comme les feuilles des arbres exhalent dans le mystère des forêts leur vital oxygène. C'est là-bas que Charles retrouve ses racines et que reviennent les questions qui finalement ne l'ont jamais vraiment quitté : pourquoi sa mère, sa tante et sa grand-mère ne se parlaient-elles plus ? Quel secret se cache dans les racines familiales ? Pour quelles raisons sa grand-mère et la professeure de théâtre qui lui a fait aimer la scène se détestait-elle à ce point ? Quel lien unit les familles Dupuy, les Navart et les Desmarais ? Au milieu de ces questionnements, Charles découvre par hasard son Don : sa grand-mère le disait dans sa lettre, il est l'allié de l'eau, il semble avoir la capacité de contrôler cet élément au point de faire de chaque goutte une arme. Dès lors, c'est un autre monde qui s'offre à lui, car Charles comprend qu'il n'est pas seul, qu'il était attendu et que la responsabilité du basculement du monde repose sur ses épaules.
Dans son premier roman,
Aurélien Lenaars nous ouvre les portes d'un nouvel univers régi par une histoire et des règles qui lui sont propres et sur ce point, la mission de l'auteur est réussie. le lecteur passe du réel au fantastique en douceur, avec tout de même quelques électrochocs oniriques qui, hantant le héros, annonce la couleur sombre du monde dans lequel il va peu à peu glisser.
L'intrigue est habilement construite, l'écriture est riche, très riche, et comme le narrateur qui se retrouve pris dans la houle tumultueuse de la découverte d'un monde à part, le lecteur se trouve parfois submergé par des vagues d'adjectifs et de verbes qui pourraient donner le mal de mer aux amateurs de phrases concises. Lenaars aime les mots, c'est indéniable, il les agence avec talent, en use sans trop de modération jusqu'à rendre l'ambiance parfois apnéique, dans l'attente du point qui permettra au lecteur de remonter à la surface pour reprendre son souffle avant de replonger. Paroxysme du système : une fin qui, si elle ne manque pas d'actions, semble ne jamais en finir ; le narrateur est acteur, bavard, et en cela, l'écriture est fidèle à son caractère. Il semblerait que «
Blanc Trou Noir » est le point de départ d'un univers, alors on attendra un nouvel opus qui n'aura plus besoin de démontrer toute l'étendue des capacités verbales de son auteur et pourra, un peu plus laconiquement peut-être, révéler toutes les intrigues qui peuvent émerger de la magie de l'autre Monde.