Dites-moi, on est pas loin du polar parfait, là, non ?
L'histoire: on veut tuer Berthet, vieux membre de l'Unité, une organisation occulte.
« Un agent de l'Unité est un fantôme qui travaille pour des fantômes.»
C'est une mauvaise idée de vouloir tuer Berthet, car il est très expérimenté. C'est un fauve, un tueur, qui n'a jamais craqué quand l'organisation lui a proposé de tuer un "lambda". Ce qui rachète sa vie amorale, c'est peut-être sa passion platonique, à distance, pour Kardiatou Diop, devenue Secrétaire d'état black d'un gouvernement qui bat des records d'impopularité.
Je trouve que le quatrième de couverture en dit presque trop. le plaisir vient de la découverte du roman au fil de la narration et de ses trois points de vue successifs, avec trois personnages qui vont se croiser.
C'est un polar incroyablement en phase avec la France d'aujourd'hui. Je repense à l'édito de
Maurice Szafran du Magazine littéraire de ce mois-ci qui se plaint que les livres et leurs auteurs ne nous parlent guère de la France
« ...pourquoi nos « grands » romanciers s'abstiennent-ils soigneusement de s'attaquer aux maux, douleurs, fractures ou non-dits de la société française, de les triturer, de les raconter, de les mettre en perspective et en pièces...»
Mais monsieur Szafran, il faut lire Leroy (et le polar en général) qui parle politique, racisme, extrême-droite, élites incapables de se renouveler. Et tout cela, en évitant tout manichéisme, tout droitisme, tout gauchisme, dénonçant les dérives populistes, mais sans diaboliser l'extrême-droite. Cette façon de se tenir sur une ligne de crête étroite est peut-être le véritable tour de force du roman. Son seul défaut pourrait être de coller trop près à l'actualité des dernières années, il y a beaucoup de personnages à clés, mais je crois qu'on peut lire le roman sans rien savoir. Et avec plein de scènes d'action.
Pour me souvenir, dans ce roman, il y a :
- des tueurs qui se mettent d'accord à propos de la laideur du formica rouge
- des tueurs qui relâchent la pression d'une mission délicate en s'octroyant une partie à trois avec une femme ressemblant à France Dougnac...
- Des écrivains embauchés par l'extrême-droite pour rendre ses idées présentables...
- Un mr Losey en éminence grise mr monsieur bientôt dépassé qui adore la choucroute
- Un tueur épris de poésie et de Lisbonne qui se dit non je ne peux pas tuer un lecteur de Michaux...
- Un homme qui se dit que les femmes seules ne sont fréquentables que dans les librairies désertes.
- Un tueur qui protège une secrétaire d'État noire qui ressemble physiquement à
Rama Yade, mais pourrait être aussi Najat Vallaut Belkacem ou
Christiane Taubira quand on se souvient des attaques qui les ont visées (voir dans les citations)
Voilà, ce n'est que le début du roman, le premier point de vue. Ensuite, on nous fait les présentation avec l'écrivain Joubert, pas très en forme, qui, jadis, a lui aussi connu Kardiatou. Et puis le dernier point de vue, dont on ne saura pas le nom il me semble, qui nous racontera la fin de l'histoire, aux premières loges pour les scènes chocs...
A la fin, les événements feront que tout le pays se remettra à lire l'histoire de France depuis soixante ans avec un autre regard.
Une belle découverte.
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