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Un ton en dessous du Bloc selon moi, L'ange gardien est cependant un nouveau roman noir efficace de Jérôme Leroy, rarement décevant.

Dans les pas de Berthet, agent d'un service d'État officieux habitué aux sales boulots, Leroy nous emmène dans les coulisses cachées de la politique, son sujet de prédilection. de la "petite" politique électorale de terrain, celle où Kardiatou Diop, jeune secrétaire d'État va affronter dans une ville moyenne du centre de la France la présidente du parti d'extrême droite qui n'en finit plus de monter. de la "grande" politique, celle où quelques hommes de l'ombre dans les officines gouvernementales tirent les ficelles du quotidien, c'est-à-dire de la vie ou de la mort, de leurs concitoyens.

Politique fiction, aime t-on à dire de ce genre de livre. de moins en moins fiction répondront d'aucuns, trois ans après sa sortie.

Il reste une histoire policière bien ficelée, qui se double d'un volet poétique et romantique plutôt bien vu, qui annonçait déjà la sortie progressive de Leroy de son genre d'origine, pour aller vers autre chose comme il l'a récemment montré avec Un peu tard dans la saison.

Un bémol toutefois : ce faux rythme qui aurait gagné à un peu plus de nervosité et ces répétitions inutiles qui y contribuent sans rien apporter.
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Écrivain, auteur d'une vingtaine de livres dont Monnaie Bleue (La Table Ronde), Jérôme Leroy a surtout épaté son monde en 2012 avec le Bloc, qui a reçu le prix Michel Lebrun en 2012, est son premier roman en Série Noire, dont j'avais dit tout le bien dont je pensais il ya deux ans.

Relevant haut la main son pari ambitieux et audacieux, celui de nous livrer un roman de politique fiction en dénonçant les dérives de l'extrême droite si celle ci arrive au pouvoir, Jérôme Leroy avait marqué les esprits et c'est tout naturellement que je me suis plongé dans l'ange gardien, son dernier polar en date qui a récolté le prix quai du polar 20 minutes ( celui auquel j'avais participé en 2011) l'an passé.

"L'ange gardien", c'est Berthet, le héros du livre. Barbouze des services secrets, il roule désormais à son compte et entend défendre Kardiatou, ministre noire en danger. Pour la protéger, ce tueur au coeur tendre n'épargnera personne.

Bref comme dans le Bloc on est encore dans le polar politique fiction avec ses qualités, et aussi quelques défauts … On est bien dans le polar paranoïaque où les complots et les réseaux en marge de notre société sont légions, et si les rouages de 'intrigue sont parfois un peu complexe , on aime la façon dont Leroy nous renvoie un miroir pas si déformé que cela de notre époque et de notre société et surtout de notre monde politique, dont les similitudes avec l'actu récente est assez marquante.

le style est souvent enlevé et dégage même parfois une dose de poésie « Un agent de l'Unité est un fantôme qui travaille pour des fantômes.» et puis on aime la belle histoire d'amour qui apporte aussi un contrepoids plutôt bienvenue à un cocktail qui pourrait s'avérer indigeste.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Trois ans après le Bloc, Jérôme Leroy propose un nouveau thriller politique situé dans une France en passe de basculer à l'extrême-droite.
On est là quelques années ou quelques mois avant les événements contés dans le Bloc. Berthet, tueur à la solde de l'Unité, organisation occulte, sorte d'État dans l'État, est entré en disgrâce. On veut le tuer. Peut-être parce qu'il en sait trop, sûrement parce que son obsession pour la jeune Kardiatou Diop, ministre médiatique et icône de la diversité, qu'il protège secrètement depuis des années fait de lui un obstacle pour les futurs plans de l'Unité. de son côté, Martin Joubert, ancien prof de lettres devenu écrivain, dépressif, désargenté, homme aux convictions de gauche pigeant pour un journal en ligne penchant à l'extrême-droite va être amené à croiser le chemin de Berthet et de son ancienne élève, Kardiatou Diop.

Le Bloc, à travers une nuit aux côtés d'un intellectuel d'extrême-droite chargé d'éliminer un allié devenu gênant alors que son parti voit s'ouvrir les portes du pouvoir, plongeait de manière assez vertigineuse le lecteur au coeur des réflexions du narrateur et de l'histoire de l'ascension d'un Bloc avatar littéraire bien reconnaissable du Front National.
Avec L'ange gardien, Jérôme Leroy prend une autre route. le roman de politique-fiction à clefs laisse la place au thriller dystopique mâtiné d'histoire d'amour tourmentée et de réflexion sur le rôle de l'intellectuel dans la société.

La dystopie, ici, c'est bien entendu cette Unité qui manipule l'État en sous-main. C'est ce ver depuis longtemps dans le fruit, les barbouzes et, de plus en plus, le monde de l'argent, le capitalisme décomplexé, qui métastase et infecte peu à peu tous les échelons d'un État devenu fantoche à son corps peut-être pas si défendant que ça. Berthet, tueur froid et appliqué, excellent travailleur qui ne pose pas de questions, incarne le pouvoir de l'Unité. Jusqu'au jour où ses marottes et en particulier son attirance ambigüe pour Kardiatou Dop le transforment en problème. C'est cette partie qui ouvre le roman et lui donne l'impulsion nécessaire pour agripper le lecteur. Super-tueur surentrainé qui se retourne contre ceux qui l'ont fait et veulent maintenant se débarrasser de lui, Berthet est un excellent personnage de roman d'action quand bien même ce personnage a déjà été vu et revu dans une multitude de romans.
L'histoire d'amour, cet amour que porte Berthet à une Kardiatou Diop qui ignore même son existence participe aussi de ce mécanisme qui pousse le lecteur à tourner les pages. Car, évidemment, curieux, on veut savoir ce qui motive l'intérêt de Berthet pour la jeune femme. Jérôme Leroy, habile écrivain, pose plus de questions qu'il n'apporte de réponse pendant la plus grande partie de son roman et laisse ainsi planer le mystère.
La partie consacrée à Martin Joubert, l'écrivain aux anciennes convictions de gauche, centrale dans le roman, est intéressante mais sans doute un peu plus faible que les autres et ce n'est sans doute pas pour rien que Jérôme Leroy y fait assez rapidement intervenir Berthet qui relance un peu la machine. Si l'on ne connaît pas la vie intime de Jérôme Leroy, il est cependant difficile de ne pas voir dans Joubert une espèce de double de l'auteur lui aussi quinquagénaire, lui aussi ancien professeur de lettres, lui aussi engagé à gauche et qui participe par ailleurs à une publication, Causeur, dont la question de savoir si elle n'est pas un relai de l'extrême-droite agite régulièrement les médias. du coup, en poussant le lecteur à trop chercher des clefs dans ce récit d'un Joubert nombriliste et agaçant (que l'on pourrait considérer d'ailleurs comme un exercice masochiste de l'auteur), Leroy tend parfois à alourdir son histoire.

Sur le fond, donc, L'ange gardien révèle finalement une trame ultra-classique avec super-tueur retrouvant la lumière et tentant de faire échouer les plans de ceux qu'il a servi pendant des décennies. le tout jalonné de références assez transparentes à la récente actualité politico-médiatique. On reconnaîtra sans peine les références à Soral, au pamphlet d'extrême-droite La France orange mécanique et plus généralement aux collusions entre médias, politiques et lobbies économiques. Mais là où, en s'insinuant dans la tête d'un extrémiste de droite dans le Bloc, Leroy arrivait paradoxalement à prendre de la distance, il offre, en mettant en avant Joubert ou même ce Berthet quasi-repenti, une espèce de prêt-à-penser qui manque bien souvent de finesse.
Sur la forme, le choix de mettre en place trois parties racontées selon trois points de vue différents – Berthet – Joubert – l'amant de Kardiatou Diop – permet de faire peu à peu s'imbriquer des éléments, de révéler des pistes ouvertes dans le récit de Berthet. Mais la coquetterie stylistique consistant à répéter ad nauseam le nom des personnages, amusante au début, devient vite agaçante.

« Martin Joubert lit vraiment le Monde en ce moment, même les avis de soutenance de thèse, parce que tout ce qui peut divertir Martin Joubert de Martin Joubert est bienvenu. Martin Joubert ne supporte plus Martin Joubert, il faut dire. Martin Joubert voit très bien ce que Martin Joubert est devenu, ce que Martin Joubert devient et Martin Joubert n'aime pas ça […] »

Cela donne au final un bon roman d'action et une anticipation intéressante bien que convenue, mais qui souffre certainement d'une trop grande accumulation de poncifs, tant du côté des personnages que du message sous-jacent sur la droitisation de la société et de certains milieux intellectuels. le savoir-faire de Jérôme Leroy et son talent rendent tout cela amusant à lire, mais l'on est loin de la puissance et de l'acuité du Bloc avec lequel la comparaison est inévitable.

Lien : http://www.encoredunoir.com/..
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Faire la critique de « L'ange gardien » de Jérôme Leroy va être un peu compliqué pour moi.
J'ai détesté et aimé ce livre. Me voilà bien !
Tout d'abord, pourquoi je l'ai lu.
J'aime beaucoup, voire plus, un auteur de polar/thriller que je viens de découvrir, Ian Manook et son commissaire Yeruldelgger. Dernièrement, il était en compétition à Lyon, au festival « Quai du Polar ». En compétition avec « L'ange gardien » justement… et à ma grande déception, c'est « L'ange gardien » qui a remporté le Prix des Lecteurs Quais du Polar 20 minutes 2015. Zut alors ! Ma déception passée, je me suis dit, il faut que je découvre ce polar qui a détrôné l'excellent Yeruldelgger. Et me voilà en train de le lire.
Re déception ! Je n'ai pas du tout aimé le premier tiers du livre. La partie où il est question d'un tueur professionnel de l'Unité, groupuscule obscur chargé des basses oeuvres de l'Etat, j'ai nommé Berthet. Je ne pourrai pas oublier ce nom, puisque ce tueur parle de lui à la 3e personne et répète son nom à l'envie. Certains auteurs utilisent ce genre d'écriture. Pour moi, c'est insupportable. Berthet fait ceci, Berthet fait cela, Berthet pense ceci etc.
« On veut tuer Berthet. C'est une assez mauvaise idée. D'abord parce que Berthet s'en est rendu compte, ensuite parce que Berthet ne va pas se laisser faire, et enfin parce que Berthet est un habitué de la chose ». Vous voyez le genre…. J'ai été souvent tentée de le lâcher, d'arrêter cette lecture et de passer à autre chose, j'ai tant de livres qui m'attendent. J'ai tenu bon, car j'avais vu de bonnes critiques et qu'il avait gagné contre Ian Manook, zut alors ! (oui je me répète !)
De plus, ce qui est relaté n'est pas inintéressant, au contraire, et fait furieusement penser à certaines affaires troubles de notre « démocratie » française.
Heureusement, ensuite on passe à un autre personnage de l'intrigue… Un ancien prof, devenu un petit écrivain un peu minable… il commence lui aussi un peu sur le même style… Martin Joubert ne va pas bien, Martin Joubert…. mais très vite cela devient différent… et puis la 3e partie est sur Kardiatou Diop, jeune ministre noire d'un gouvernement de gauche en perdition, au travers les paroles de son amant, son amoureux…. J'hésite à vous en dire plus, car il ne faut pas trop dévoiler le ressort du livre pour que vous en gardiez toute la saveur si vous le lisez.
J'ai fini par prendre plaisir à lire « L'ange gardien », pour le miroir, glaçant, qu'il nous renvoie de notre société… par moment, c'est presque du copié/collé avec notre vie politique, bien sûr les noms sont changés etc. mais quand même….
Et puis il y a une étrange et belle histoire d'amour qui parcourt toute l'intrigue, qui rachèterait presque les pires crimes… j'ai dit presque !
Donc si vous vous lancez dans cette lecture, persistez si comme moi, vous êtes allergique au 1er style d'écriture du livre, cela change après et cela vaut le coup.
Finalement c'est un bon polar. Bon je préfère Yeruldelgger mais ça, c'est moi !
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Avis un peu mitigé pour ce roman
Sur le fonds j'ai adoré : le contexte (très politique), les personnages, les rebondissements et aussi le découpage en trois parties avec trois points de vue : d'abord celui de Berthet (tueur pour le compte d'une mystérieuse Unité) puis celui de Martin Joubert, écrivain tirant le diable par la queue, puis le directeur de cabinet d'une secrétaire d'Etat Kardiatou Diop. Quel est le lien entre les trois hommes ? Justement le lien est Kardiatou Diop : on la devine en filigrane dans le regard des trois hommes .

Sur la forme, j'ai détesté un procédé : l'auteur répète ad nauseam le nom de ses personnages et c'est assez indigeste. Jusqu'à 10 fois dans une même page … épuisant …

Je suis cependant ravie de cette lecture qui sort des polars habituels….
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Vouloir tuer un assassin professionnel, habitué à vivre sans laisser de traces et fomenter un complot contre sa protégée est une très mauvaise idée. Vraiment. D'autant que balancer du sang sur les murs quand c'est nécessaire ne lui pose pas de problème.
Plongée dans les arcanes de l’État dans l’État. Et franchement, c'est pas joli-joli (comme on s'en doute). Si le thème n'est pas nouveau (voir les BD le Service ou Cher pays de notre enfance, par exemple), la manière de le traiter oui. Tout d'abord, il s'agit d'un affranchi : on a essayer de l'éliminer, il va prendre sa liberté pour régler ses comptes. Et in n'est jamais trop pour mourir pour une bonne cause. le style enfin. Les têtes de chapitre se répètent, créant une sorte de martèlement ; le procédé se répète dans la troisième partie avec le nom de la protégée (ma Kardiatou, ma Kar-dia-tou). Dans la narration, faite de récit au présent et de retour dans le passé, la transition est rapide, voire inexistante. Mais au final, le lecteur est tellement pris dans l'intrigue que ça passe tout seul.
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Jérôme Leroy - "L'ange gardien" - Gallimard-NRF, 2014 (ISBN 978-2-07-014071-8)

Quel navet ! Quelle bêtise !

L'auteur nous fait le coup du super-complot de l'ombre, incarné par "L'Unité" obéissant à "l'Etat profond", qui se charge de zigouiller à qui mieux mieux toutes celles et ceux qui sembleraient trop gênants pour "les puissances de l'argent", et même des "lambdas" pour s'assurer de la bonne disposition de ses tueurs. Pire encore, le personnage central, Berthet, est un cow-boy qui vous tue en un clin d'oeil sa demi-douzaine de malfrats tordus, car c'est un ex-champion de l'Unité que celle-ci a décidé d'éliminer. Pas de souci, il vous attrape l'agent collé à ses trousses, un collègue, et vous le torture sans sourciller pour le faire avouer tout ce qu'il savait déjà, ah, ah, ah.
Mais attention, superman dissimule un cœur "gros comme ça", il a décidé de jouer le rôle d'ange gardien de la petite noire issue de la banlieue de Roubaix, et vous allez voir ce que vous allez voir.

Le monde manichéen de Jérôme Leroy se divise en deux catégories : les tout-gentils - que l'on découvre vers la fin du roman - sont uniquement celles et ceux qui étaient membres des Jeunesses Communistes et du PCF dans les années 1980, les élu-e-s qui fréquentaient les si belles et idylliques colonies de vacances des mairies communistes.

Hélas ! "tout le monde n'a pas eu la chance d'avoir des parents communistes", c'est bien connu... Les autres sont soit des pignoufs (simplement de gauche), soit des presque fachos (tout aussi simplement de droite), mais la préférence vitupérative de notre auteur va incontestablement à l'extrême-droite emmenée par une égérie à travers laquelle on reconnaît immédiatement Marie Le Pen. Ces tout-vilains-là sont flanqués de grands méchants, les skins : notre héros peut en zigouiller autant qu'il veut, et ne s'en prive pas, un peu comme les koulaks voués à l'extermination par le petit père des peuples, le grand Joseph Djougachvili. La gauchiste de service Bastienne Rouget en prend pour son grade dans le deuxième chapitre de la deuxième partie (p. 140), vieil atavisme du PCF-CGT ratant le train de mai-68, sans doute....

Mais foin des vieilles lunes staliniennes ! Jérôme Leroy fait par ailleurs dans le féminisme éclairé. Ses trois héroïnes - la maîtresse de Berthet, la compagne de l'écrivaillon dénommée Hélène Rieux, ainsi que l'héroïne principale - ont toutes un corps de rêve. Elles sont bien entendu intelligentes comme pas deux, et adorent "la baise". La deuxième réclame même des sévices corporels de plus en plus féroces ainsi qu'un "plan baise avec plusieurs hommes", ben voyons : décidément, le syndrome Strauss-Kahn/Dodo la saumure fait des ravages dans ces cercles libérés de la gôôôche cultureuse.
Enfin, pour faire bonne mesure, toutes ces belles personnes, Berthet compris, nous abreuvent de fort sçavante culture, incluant la toute belle poésie contemporaine, n'en jetez plus, la cour est pleine.

Pour conclure, tout le monde, y sera beau et tout plein de sous ! Naturellement, grâce au valeureux écrivain dévoilant la vérité toute nue (oh!), l'un des plus navrants lieux communs d'une bonne partie des journaleuses et journaleux se prenant non plus pour Zorro mais pour le stupide Julian Assange (Leroy invente le berthetleaks). Là encore, le pôvre Jérôme prend ses fantasmes pour des réalités.

Au final, ce roman s'avère ... raciste, illustrant le racisme dit "à l'envers", et surtout fort bête. Le roman "le bloc" (voir recension) était déjà un compendium de lieux communs des fantasmes dits "de gauche" sur ce que la gauche s'imagine être "l'extrême-droite" ; dans ce roman-ci, la prédilection de Leroy pour la caricature simpliste tourne carrément à la sottise et au ridicule.

On mesure la descente des éditions Gallimard vers la médiocrité lorsque l'on constate qu'un tel navet est publié dans la série NRF...

Consternant.
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Dites-moi, on est pas loin du polar parfait, là, non ?
L'histoire: on veut tuer Berthet, vieux membre de l'Unité, une organisation occulte.
« Un agent de l'Unité est un fantôme qui travaille pour des fantômes.»
C'est une mauvaise idée de vouloir tuer Berthet, car il est très expérimenté. C'est un fauve, un tueur, qui n'a jamais craqué quand l'organisation lui a proposé de tuer un "lambda". Ce qui rachète sa vie amorale, c'est peut-être sa passion platonique, à distance, pour Kardiatou Diop, devenue Secrétaire d'état black d'un gouvernement qui bat des records d'impopularité.
Je trouve que le quatrième de couverture en dit presque trop. le plaisir vient de la découverte du roman au fil de la narration et de ses trois points de vue successifs, avec trois personnages qui vont se croiser.
C'est un polar incroyablement en phase avec la France d'aujourd'hui. Je repense à l'édito de Maurice Szafran du Magazine littéraire de ce mois-ci qui se plaint que les livres et leurs auteurs ne nous parlent guère de la France
« ...pourquoi nos « grands » romanciers s'abstiennent-ils soigneusement de s'attaquer aux maux, douleurs, fractures ou non-dits de la société française, de les triturer, de les raconter, de les mettre en perspective et en pièces...»
Mais monsieur Szafran, il faut lire Leroy (et le polar en général) qui parle politique, racisme, extrême-droite, élites incapables de se renouveler. Et tout cela, en évitant tout manichéisme, tout droitisme, tout gauchisme, dénonçant les dérives populistes, mais sans diaboliser l'extrême-droite. Cette façon de se tenir sur une ligne de crête étroite est peut-être le véritable tour de force du roman. Son seul défaut pourrait être de coller trop près à l'actualité des dernières années, il y a beaucoup de personnages à clés, mais je crois qu'on peut lire le roman sans rien savoir. Et avec plein de scènes d'action.
Pour me souvenir, dans ce roman, il y a :
- des tueurs qui se mettent d'accord à propos de la laideur du formica rouge
- des tueurs qui relâchent la pression d'une mission délicate en s'octroyant une partie à trois avec une femme ressemblant à France Dougnac...
- Des écrivains embauchés par l'extrême-droite pour rendre ses idées présentables...
- Un mr Losey en éminence grise mr monsieur bientôt dépassé qui adore la choucroute
- Un tueur épris de poésie et de Lisbonne qui se dit non je ne peux pas tuer un lecteur de Michaux...
- Un homme qui se dit que les femmes seules ne sont fréquentables que dans les librairies désertes.
- Un tueur qui protège une secrétaire d'État noire qui ressemble physiquement à Rama Yade, mais pourrait être aussi Najat Vallaut Belkacem ou Christiane Taubira quand on se souvient des attaques qui les ont visées (voir dans les citations)
Voilà, ce n'est que le début du roman, le premier point de vue. Ensuite, on nous fait les présentation avec l'écrivain Joubert, pas très en forme, qui, jadis, a lui aussi connu Kardiatou. Et puis le dernier point de vue, dont on ne saura pas le nom il me semble, qui nous racontera la fin de l'histoire, aux premières loges pour les scènes chocs...
A la fin, les événements feront que tout le pays se remettra à lire l'histoire de France depuis soixante ans avec un autre regard.
Une belle découverte.
Lien : http://killing-ego.blogspot...
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(Début)
«On veut tuer Berthet.
C'est une assez mauvaise idée.
D'abord parce que Berthet s'en est rendu compte, ensuite parce que Berthet ne va pas se laisser faire, et enfin parce que Berthet est un habitué de la chose. Cela le ferait presque sourire, à la longue. La mort violente fait partie de la vie de Berthet depuis très longtemps. Berthet n'irait pas jusqu'à parler d'une habitude car Berthet sait que le soleil ni la mort ne peuvent se regarder en face.»

Le jour où Berthet, tueur d'élite au sein d'un service occulte de l'Etat chargé d'exécuter les basses oeuvres d'apprentis sorciers qui cherchent entre autres manipulations tortueuses à exploiter ou à étouffer la montée de l'extrême-droite, se rend compte que des tueurs sont à leur tour chargés de l'éliminer, il laisse remonter les souvenirs de sa longue carrière dans ce service qu'on appelle l'Unité.
Et de ce point de départ, l'intrigue sous tension de «L'ange gardien» se développe en volutes, autour de cet instant et dans la mémoire de Berthet, meurtrier professionnel qu'on découvre féru de poésie, magnifiquement subtil malgré l'horreur de ses actes, nostalgique d'un monde en train de disparaître et protecteur depuis plus de vingt ans, pour une raison secrète, de Kardiatou Diop, jeune femme franco-sénégalaise issue des cités, au parcours brillant dans le monde politique.

«Mélancolique, Berthet pense ce soir, tout en surveillant les amateurs qui veulent le prendre en tenaille, que le métier était plus facile avant, qu'il avait fallu faire de gros efforts de formation continue ces trente dernières années pour se mettre sans cesse à niveau en matière d'électronique et d'informatique. Des petits jeunes arrogants, nouveaux dans l'Unité, hackers certainement incapables de sortir sur le terrain, formaient régulièrement les anciens comme lui dans des locaux anonymes, des bureaux de sociétés fantômes qui se trouvaient le plus souvent loués pour l'occasion dans les tours de la Défense ou de ces nouveaux quartiers d'affaires qui avaient poussé un peu partout dans les grandes villes de province auprès des nouvelles gares TGV. Il était bel et bien fini le temps où, pour entrer dans un hôtel particulier du Vésinet, un tournevis, une lime à ongles et une petite paire de cisailles dans un sac à dos suffisaient. Et un peu de savoir-faire aussi.»

Depuis des décennies dans sa vie d'homme fantôme, habitué à ne laisser aucune trace derrière lui, Berthet n'a pas l'intention de se laisser effacer si facilement ; il va donc surgir avec perte et fracas dans la vie de Mathieu Joubert, pour former un attelage improbable avec cet écrivain précaire en pleine crise existentielle, englué dans le tourbillon de ses propres pensées, l'usure de son couple, un dégoût de lui-même et des travaux de plume alimentaires qui le détournent de l'écriture des romans noirs auxquels il voudrait se consacrer.

Pour conclure et dénouer cette intrigue au montage millimétré, Jérôme Leroy nous fait entendre la voix intérieure d'un troisième homme, directeur de cabinet et amant de Kardiatou Diop, technocrate éclairé par sa rencontre avec cette femme, qui dresse d'elle un portrait magnifique et souligne tout ce qu'il faut déjouer pour s'extraire d'un destin sans avenir quand on est comme elle originaire d'une cité.

Entremêlant action violente et moments en suspension, Jérôme Leroy témoigne d'une colère intacte face à un monde déshumanisé et soumis au règne de la marchandise, face aux reniements de la gauche au pouvoir, face aux ambitions secrètes et destructrices des politiciens qui pensent pouvoir manipuler l'extrême-droite sans s'attaquer aux causes de sa résurgence, - tout en célébrant la sensualité et la beauté des femmes, la poésie et les actes de résistance contre l'effondrement de la démocratie et du monde d'avant.

«Raconter des histoires violentes mais savoir respirer avec la poésie.»

Dans la lignée du meilleur de DOA et de Frédéric Fajardie, «L'ange gardien» est un grand roman noir, d'une efficacité rare et profondément émouvant.
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On veut tuer Berthet.
C'est une assez mauvaise idée.
Vouloir tuer un tueur professionnel sur le papier ça ne semble par être une bonne idée de toute facon. Tout amateur de poésie qu'il est, Berthet ne fait pas dans la dentelle. Agent de l'Unité il répond aux commandes. Torture un dir com par ci, met une balle entre les deux yeux d'un lambda par là. Certes, pas un boulot comme un autre. Mais Berthet le fait consciencieusement. Il s'est donné une seconde mission, celle plus louable mais pas moins étrange d'être ange gardien. D'une jeune fille de Roubaix qui deviendra ministre.

Martin Joubert ne va pas bien. C'est le lot de tout écrivain. Martin Joubert a quitté son métier de prof (à Roubaix... ce n'est pas un hasard), a pris un pseudo, écrit de la romance, des romans noirs, des articles pour un site d'info réac, tout ce qui lui permet de vivre de sa plume. Il ne va pas bien dans son couple non plus. Alors Martin Joubert picole, gobe des médocs et tente d'oublier qu'inexorablement Hélène Rieux est en train de le quitter. Et qu'il va être le destinataire d'une proposition qu'il ne pourra pas refuser.

Kardiatiou Diop est la jeune femme sous l'aile de Berthet. Une ancienne élève de Martin Joubert. Une ministre iconoclaste. Son chef de cabinet est fou amoureux d'elle. de cette femme puissante qui brigue la municipalité de Brévin face à Agnès Dorgelles, l'extrême droite ripolinnée. Figure politique montante qui se met en danger. Surtout depuis qu'on veut tuer Berthet.

Jérôme Leroy sait y faire. La structuration, le style, l'histoire, le focus social, les échos à l'actualité, tout est là pour faire un grand roman noir et ça marche. J'aurais même pu crier au coup de coeur si la troisième partie avait laissé plus de place à la voix de Kartiadou Diop qu'à celle de son amant enamouré. Je comprends l'idée de faire parler les hommes uniquement mais il me manque le point de vue féminin. Pour autant, c'est très reussi. C'est toujours difficile de parler d'amour dans un roman noir sans tomber dans des écueils bien connus, en mode Bonnie and Clyde. de parler politique aussi sans tomber dans les clichés de l'auteur militant. Jérôme Leroy fait du Jérôme Leroy. C'est tant mieux !
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