Dans l’usine, l’annonce crée une drôle de sensation. Il y a ceux qui s’étonnent d’apprendre qu’ils vont dégager. Ceux qui n’attendaient que ça, les pieds déjà calés dans les starting-blocks. Ceux qui calculent quand l’usine fermera pour de bon, ceux qui craignent de ne pas être assez jeunes et déjà trop vieux pour retrouver quelque chose. Il y a aussi les jeunes qui espèrent que ce plan leur permette de trouver un meilleur boulot ailleurs… On ne sent pas de combativité, plutôt comme une vieille odeur d’habitude.
Le “N” de GPEN, c’est le symbole de l’azote, autour duquel GPN va uniquement travailler, en produisant moins d’engrais et davantage de produits liés au “développement durable et au respect de l’environnement” en se tournant vers “une activité liée à la terre, notre premier client” [sic].
Quoi qu’il en soit, le procès [d’AZF] va pouvoir s’ouvrir en 2007. Y sera-t-il question de cette industrie que les patrons ont laissée péricliter, des ateliers vieillissants de plus en plus difficiles et dangereux à conduire, de toutes ces maîtrises de “coûts fixes” qui ont entraîné des réductions de personnel, de ces pseudo-mesures de sécurité qui se traduisent par un surcroît de paperasse plutôt que par des protections réelles ? Sera-t-il question aussi des bénéfices colossaux d’un trust comme Total (pour rappel, 12,5 milliards d’euros en 2005) qui ferme des usines pour être encore plus rentable ? Ou va-t-on parler seulement d’un drame dû à une “erreur humaine” ? Car en plus de ce que la population toulousaine a enduré le 21 septembre 2001 et qui mérite pour le moins réparation, c’est bel et bien l’implacable toute-puissance marchande qui devrait être au centre des débats. [...] Depuis l’explosion, la vie dans mon usine a changé : une prise de conscience des dangers qu’il y a à fabriquer de tels produits, de la nécessité de ne pas continuer obstinément à bousiller l'environnement et d'accélérer la fermeture des usines comme celle où je bosse. De là à applaudir quand on vous jette après usage…
« Le PDG disant quasiment à chaque réunion : “La démocratie s’arrête aux bornes de l’entreprise”, ce qui n’est pas une information, mais qui, à force d’être asséné, donne une idée des gens qui nous dirigent. »