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sur 244 notes
Lu l'an dernier. Une belle découverte, humaniste et littéraire.
Un récit aussi réaliste que poétique, aussi âpre que rude, à l'image du climat du Grand Nord canadien. La narratrice évoque des trajectoires de vie pour le moins chaotiques. A travers la vie de femmes et d'hommes, et surtout leurs relations, l'on ne peut être insensible à la véracité de leurs sentiments, remplis d'inconstance, de failles, de trahison et d'abandon...
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J'aime beaucoup le ton de ce roman. La narratrice, chaque année, part s'occuper des enfants du Nord à Salluit et parle à son amie Eva, inuite, morte et vraisemblablement dans les eaux du fjord. La « blanche » qu'elle est nous fait découvrir ce peuple sous toutes ses facettes. On passe avec elle de l'attendrissement à la colère, à la révolte. Elle sait brasser nos préjugés, les comprendre, les retourner et nous les remettre en plein visage. Son approche est nuancée. le style est moyen, simple puisqu'il s'agit d'une conversation muette. J'ai un peu moins aimé la deuxième partie où elle nous présente ce qu'est devenu Elijah, le fils d'Eva. On a droit à des chassés-croisés amoureux de différents couples, mais on peut y voir aussi une certaine évolution dans le comportement masculin, ce qui est bienvenu. Une lecture dérangeante par moments mais intéressante.
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« Nous vivons dispersés sur cet énorme continent, dans des villes et des villages qui portent de jolis noms à faire rêver les Européens, de jolis noms qu'on s'empresse de traduire parce que nous sommes si fiers de savoir que « Québec » veut dire là où le fleuve se rétrécit en algonquin, que « Canada » signifie village en iroquois ou que « Tadoussac » vient de l'innu et se traduit en français par mamelles. Nous avons de jolis mots comme toboggan, kayak et caribou (…) ».

Ces peuples dont j'ignorais l'existence il y a quelques mois lorsque je suis arrivée au Québec. C'est vrai qu'elles m'intriguent ces terres du grand Nord et ses habitants. 6 mois que je vis à Montréal, quelques récits de « Blancs » qui y ont vécu un temps et quelques lectures plus tard, me voilà à lire Nirliit.
Nirliit nous envoie au coeur des maisons surpeuplées du village de Salluit. Les Sallumiut, un peuple à qui on a arraché sa culture et ses traditions, à qui on donne des sommes d'argent colossales chaque mois de juillet pour compenser la destruction de leur habitat (la mine de Raglan et le « Raglan Money Day »), un peuple dont le sort est bien trop peu considéré, s'auto-détruit par l'alcool, la drogue et la violence venus du Sud. Nirliit est un roman, mais tout cela est bien réel !

« Il fut un temps où nous étions intimement liés, mais nous avons la mémoire courte, hélas. Nous ne nous souvenons plus de rien, et dans les villes où le béton cache le ciel, des gens occupés marchent sans se regarder sur les routes qui ont fendu la forêt, et parfois leurs yeux se posent sur eux. Eux, les épaves imbibées d'alcool qui ne sont plus l'ombre des fiers chasseurs qu'ils ont été, eux dont les formidables talents ne trouvent plus leur utilité dans notre assourdissante modernité, eux massacrés jusqu'à la moelle par l'une ou l'autre des merdes qui, paraît-il, viennent inévitablement avec la civilisation. »

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D'une plume acérée au style épuré, l'autrice choisit des mots qui tranchent dans le vif pour peindre un portrait coup de poing de la déchéance du peuple des réserves inuites du Québec.

J'ai eu du mal à entrer dans l'histoire dans la première partie car il n'y en a pas vraiment. Tout le village de Salluit est présenté par petites touches poétiques, petits textes économes de mots. On va droit à l'essentiel : c'est nécessaire pour traduire la violence du quotidien des personnages. Nous rencontrons beaucoup de protagonistes dont je n'ai pas réussi à retenir les noms et la vague histoire. Un tour de l'auteur pour nous mettre sous les yeux l'insignifiance de ces vies de misère et de douleur qui flirtent avec la tragédie. Ce n'est que dans la deuxième partie qu'un fil conducteur nous lie à l'amie disparue de la narratrice et à sa famille qui continue à mener une vie misérable.

C'est un récit coup de poing et pourtant poétique, un récit hurlement qui dénonce les conditions de vie d'une ethnie ravagée par la déchéance et l'alcool dans l'indifférence. Un texte bouleversant que j'ai à la fois aimé pour sa beauté et détesté pour sa violence.
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La narratrice nous embarque pour une échappée dans le grand nord, dans ce village inuit. Chaque année, le temps d'un été sans nuit, elle se rend dans ces villages inuits, dans le grand nord. La simplicité de la vie et des gens, les paysages majestueux, ont contribué à faire de ce lieu son jardin d'éden. Et pourtant, cet endroit qui semble idyllique se pervertit petit à petit. D'été en été, les habitants ne sont plus les mêmes : abus, suicides, drogue, alcool, « amour », ce paradis se perd et la narratrice assiste avec impuissance à la déperdition de son refuge. Au gré de ses confidences nous rencontrons quelques autochtones… de brèves rencontres très vite balayées par le souffle glaçant de la « modernité ».

Un premier roman magnifique, glaçant. Un diamant brut qui nous souffle le désespoir et l'impuissance des autochtones face à ces travailleurs saisonniers qu'ils ne comprennent pas, face à ce monde qui les dépasse, et face à ces produits qui les enterrent trop tôt. C'est l'histoire d'un peuple innocent et naïf, qui très vite, part à la dérive du fait de l'influence des « blancs ».

Nirliit c'est l'histoire d'un coup de coeur pour une région, une communauté, un village et ses habitants. Nous assistons à cette déchéance avec impuissance et douleur. Un texte brut, en toute simplicité, qui pourtant m'a laissé une rage d'agir, de changer les choses.
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« Je me sens coupable de mon pays riche, de ma famille unie, de mon éducation, j'ai besoin d'éteindre des feux et de sauver des enfants, j'ai besoin de faire quelque chose dans ce monde pourri, j'ai besoin de courir d'une bande de laissés-pour-compte à une autre, j'ai besoin sinon je pourrais m'asseoir et pleurer ou lancer des bombes. »


Nirliit est un cri du coeur : celui de la narratrice qui, se sentant coupable de ce qu'a fait son peuple blanc à celui des Inuits, travaille avec cette communauté. « Il faut venir par les airs ; comme les oies, nirliit, je refais inlassablement le chemin du sud au nord puis du nord au sud, chaque fois que l'été revient, chaque fois que l'été se termine. » Son cri devant la beauté du paysage et des personnes qu'elle y rencontre se mue en cri de tristesse, devant la vie d'une population dont les terres ont été spoliées par les Blancs, puis que l'on a payée à ne rien faire en dédommagement. Or, « La meilleure façon de tuer un homme est de le payer à ne rien faire ». La vie des Inuits étant désormais régie par les activités des occidentaux, ils se retrouvent dépossédés de leur utilité, de leur identité et donc de sens à leur vie. On les entasse gratuitement dans des logement trop familiaux, où la promiscuité implique de trop nombreuses errances et des dérapages incontrôlés.


« Il y a de l'amour violent entre les murs de ces maisons presque identiques, il y a de la jalousie féroce, il y a confusion entre aimer et posséder, vous qui possédez beaucoup mais si peu de choses. Votre maison ne vous appartient pas. Votre terrain non-plus. Tout ça vous est gracieusement prêté par le gouvernement. N'est-ce pas qu'on est fins ? On vous pique votre territoire, mais on vous le prête après. Est-ce pour cela que vous avez tellement besoin de posséder ? Des motoneiges, des bateaux, des quads, des camions pour faire le tour d'un village de quatre rues. Pour échapper à vos maisons surpeuplées où vous vivez les uns sur les autres. Vous manquez d'espace dans votre immensité nordique. Comment se fait-il que toute cette richesse ressemble tellement au tiers-monde ? »


A force de venir chaque année, la narratrice québecquoise a ses repères qu'elle nous égraine : temporels, géographiques, humains. Elle rencontre des têtes connues, se désole de l'évolution des enfants dont elle s'occupe d'une année sur l'autre, dans ce pays où l'alcool et la drogue réchauffent ces corps, enfermés dans l'hiver éprouvant de leurs coeurs gelés, meurtris par les moeurs des envahisseurs qui ne les voient que comme une distraction : des âmes interchangeables, des corps jetables, des femmes poupée au coeur gonflé, au corps gigogne, dont les enfants ne seront jamais reconnus.


« Parce qu'on vous abandonne tout le temps, on a fait de vous des parenthèses à l'infini, des aventures que l'on vient vivre pour un temps avant de retrouver nos vies rangées du Sud ou repartir vers de nouvelles expériences qui nous semblent maintenant plus alléchantes que votre exotisme du Nord. »


Si le ton est dépité et nostalgique, c'est qu'Eva, l'amie Inuit que la narratrice retrouvait tous les ans, est décédée de cette vie dissolue, laissant derrière elle son fils Elijah.


« Ton corps dans l'eau et ton esprit partout, sur la mer, dans la toundra, au ciel jamais noir de l'été arctique, danse, Eva, danse, je dis avec le même français cassé que le tien : « je manque de toi. » »


La première partie du récit du retour de la narratrice s'adresse à Eva. C'est un pêle-mêle d'émotions, de sensations et d'images du Nord d'aujourd'hui, qui m'ont donné les grandes lignes du paysage mais n'a pas suffit à m'immerger vraiment dans sa vie et son ambiance : En se contentant d'un panorama rapide des situations rencontrées sensées planter le décor, les gens sont à peine effleurés et l'on n'a pas l'occasion de s'attacher à eux. Or l'humain, dans un roman, c'est pour moi l'essentiel. Mais par bonheur arrive la seconde partie où la narratrice s'adresse à Elijah. Celle-ci s'attache aux personnages et est plus vivante, même si elle ne peut se dépêtrer d'une certaine tristesse, comme une fatalité face à laquelle on se sent impuissant.


« Vous êtes là avec vos vies de tragédies grecques, vous feriez baver Shakespeare avec vos douleurs lancinantes et votre désespoir, et je ne sais pas comment vous faites pour endurer ça, moi qui en arrache déjà avec ma petite misère ordinaire ».


Les deux parties se complètent opportunément, s'imbriquant comme que le yin et le yang pour former un tout convainquant. Au total, ce roman est une dénonciation sensible des conséquences de la colonisation, des ravages dont se sont, une fois de plus, rendus coupables les occidentaux en s'appropriant des terres, puis en voulant compenser leurs actes par de l'argent aux populations, ce qui ne leur a appris qu'à délaisser le travail pour noyer dans l'alcool et les drogues la misère due à leur dépossession originelle.


« Ça leur fait du bien, tsé, aux Inuits, plus ils ont du sang Blanc, plus ils s'améliorent. Ça paraît déjà je trouve. » (!)


Un texte d'une belle sensibilité, tissé de douceur, de chaleur humaine et de mélancolie.
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*Nirliit (oies, en inuktitut)

La narratrice se rend l'été à Salluit, un village inuit au 62e parallèle. À son arrivée, elle cherche son amie Eva. Mais Eva a disparu, ou a-t-elle été assassinée?. Ce roman lui est adressé …

On découvre les beautés et les horreurs de la vie des inuits, habitants du Nord. Des gens qui étaient nomades mais qu'on a mis dans des petites maisons où habitent souvent toute la famille. Des gens qui ont perdu l'espoir, et leur fierté. Un monde de drogues, d'alcool et de violence.

Et oui, il faut lire ce livre car ça nous fouette et fait réaliser les conditions inacceptables que nos gouvernements ont décidé de leur faire vivre.
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Ce qui m'a fait plonger instantanément dans ce livre, c'est la musique de son accent québécois : je pouvais l'entendre en lisant.
Une façon d'écrire comme on parle, saccadée presque essoufflée de phrases courtes, battant comme une émotion.
L'émotion qui guide tout le livre, du beau, du moche, du terrible, du triste, un fragile espoir entretenu sur un chemin présenté sans issue.

La 1 ère partie est consacrée à « vous autres «  les inuits : par petites touches, l'aventure pour aller au nord, le village où tout le monde se connaît et s'épie, la langue poétique - ou pas - le grand problème des peuples autochtones au Québec, l'extrême violence de leur vie au travers de la disparition de l'amie Eva.

La 2ème partie est la vie, sans Eva, qui continue
J'ai beaucoup aimé les personnages de la 2ème partie qui ne sont ni complexes ni compliqués, c'est la vie qui décide pour eux…qu'ils soient blancs ou inuits au fond. On les aime dans leur naïveté ou leur inconscience.

On ne choisit pas forcément ce qui est à portée de main. C'est triste, désabusé, doux et bienveillant aussi.

J'ai beaucoup aimé et j'admire Julianna pour ce qu'elle fait, au delà de ce très beau livre.




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Une jeune femme blanche se rend chaque été dans le nord du Canada, à Salluit pour aider les enfants Inuit, malheureusement souvent livrés à eux même. Les parents sont souvent très jeunes et inconscients.
L'alcool, la drogue et la violence sont très présents dans cette ville froide et triste. Les jeunes vieillissent beaucoup plus vite à cause de la dureté de cette vie sans espoir.

Nous découvrons, grâce à ce livre, la vie ( certes triste ) mais tellement différente de la notre, de ce peuple inuit qui vit entre ses traditions ancestrales et le monde moderne.

J'ai beaucoup aimé ce livre assez court mais tellement riche.
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Nirliit, oies en Inuktitut. Un titre pour imager ce flux de populations qui migre du Sud vers le Nord, comme ces grands oiseaux, profitant des journées les plus chaudes et sans nuits des terres polaires. Des terres qui seront ensuite quittées avant la rudesse de l'hiver.
Des géologues, des infirmières ou bien des travailleurs sociaux. Ils sont les Blancs. Les Qallunaat. Parmi eux, il y a notre narratrice. Tous les étés, elle quitte Montréal pour le village de Salluit, le fjord aux creux des reins.

Durant la première partie du roman, c'est à son amie Eva qu'elle s'adresse. Une jeune grand-mère de 40 ans victime cette année-là de la violence du Nord. Mais à travers elle, c'est à toutes les femmes autochtones qu'elle parle. Celles qui subissent les coups de leurs maris, celles dont la jeunesse est offerte aux blancs, mais également celles qui se vendent contre de l'alcool ou de la drogue. La réalité,Juliana Léveillé-Trudel, nous la livre telle quelle, brute, crue et dure. Elle n'épargne ni les Blancs ni les Inuits. Mais au milieu de toutes ces violences et jalousies, au milieu de ces enfants livrés à eux-mêmes, il y a l'autre Grand Nord. Celui qui éblouit par la beauté de sa toundra ou par son fjord argenté qui « donne le goût de brailler ».
Puis nous quittons ce macrocosme pour se focaliser sur Elijah, le fils d'Eva. La deuxième partie, plus intimiste, nous montre le lien étroit entre la jalousie et la résignation et nous entraîne dans un triangle amoureux dont le centre est Maata.

Un roman que j'ai aimé même si je n'ai pas eu de réels attachements aux personnages. J'ai été en retrait tout le long et je ne sais pas vraiment pourquoi. La transition entre les deux parties est assez déroutante même si j'y ai vu le passage d'une vision globale à une situation plus concrète en temps réel.
Ce que j'ai surtout aimé c'est le mise en lumière d'un territoire et du peuple Inuit et de sa situation actuelle qui n'est pas sans rappeller celle des amérindiens ou des Innus...

Lien : https://www.instagram.com/p/..
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