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Aimez-vous votre boulot? Ce n'est pas l'intro d'un quiz de psychologie populaire : le travail est vraiment le thème de ce roman de Primo Levi, un texte bien différent des horreurs des camps de « Si c'était un homme ».

« le fait d'aimer son travail — qui est, hélas! le privilège de peu de gens — est bien ce qui peut donner la meilleure idée et la plus concrète du bonheur sur terre. (p.102)

Les métiers de la construction ne sont pas très présents dans la littérature, peut-être parce qu'il n'est pas très courant d'avoir à la fois l'imagination littéraire et l'intelligence concrète des bâtisseurs. On trouve plus facilement des romans qui traitent des difficultés des écrivains!

De ce texte de Levi, je retiens la beauté du travail d'ingénierie, la satisfaction devant l'élégance et la solidité de la structure d'un pont ou d'une tour. Dans les discussions entre les gars, on découvre aussi l'amitié entre les hommes et la vision du monde des travailleurs qui vont d'un chantier à l'autre sans s'attacher.

Une oeuvre à découvrir.
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Je ne connaissais l'auteur que de nom, mais la 4ème indiquait qu'avec ce livre, Primo Levi avait reçu un prix en Italie, équivalent au Goncourt et il était mentionné une histoire d'amitié entre deux hommes qu'apparemment, rien ne relie : un ouvrier métallurgiste et le narrateur, l'écrivain lui-même, chimiste avant qu'il ne s'engage dans l'écriture. Et puis, j'ai trouvé la couverture et le format sympas.
Et donc, avec son accord , notre narrateur relate les anecdotes dont lui fait part Faussone, l'ouvrier, que ce soit l'élévation d'un pont suspendu, la construction d'une structure destinée au forage, le montage d'une machine gigantesque de plus de cent cinquante mètres de long qu'il faut ensuite transporter par la mer, le montage de pylônes, etc. En contrepartie, le narrateur aura le loisir de raconter une anecdote liée à son métier de chimiste : une partie d'une grosse commande de boîtes de conserves de harengs devenue impropre à la consommation, suite à la présence de poussières de tissus dans la peinture recouvrant l'intérieur des boîtes de conserve. Les anecdotes se suivent, par chapitres, avec force description du métier. Afin de visualiser les explications de Faussone, ma tête s'est emplie de boulons, de vis, de traverses, de métaux en tout genre. Autant vous dire que, même si c'est très bien écrit et que j'aime apprendre, la lecture ne m'a pas trop emballée. Nul doute que ce livre plaira plus à un homme habile de ses mains, qui admirera les prouesses de Faussone.
Car il n'y a pas d'histoire à proprement parler. Des compatriotes italiens se retrouvent sur un chantier et durant les quelques semaines qui suivent, ils vont raconter leur métier, surtout Faussone. le chantier terminé, chacun reprend sa route.

Mais alors, pourquoi ce prix ? La seule raison à laquelle j'ai pensée est que deux mondes différents se côtoient et qu'à travers les histoires contées par des passionnés de leur métier, chacun va se rendre compte de l'utilité de l'autre. L'ouvrier avoue que sans les plans de l'ingénieur, plans qu'il doit étudier au préalable, rien ne peut être érigé. Ce n'est qu'au fur et à mesure de l'avancement du travail et de sa finalité, à savoir une machine qui tourne comme une horloge, qu'il dit qu'elle ne peut être créée sans y avoir été pensée. de même, le narrateur, dans son monde d'éprouvettes et de microscope, salue la force, l'endurance et le courage d'hommes qui risquent leur vie en jouant les équilibristes.

Donc une lecture mitigée, intéressante quand même.


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" Il a jamais rien fait d'autre que battre la feuille, sauf quand ils l'ont fait prisonnier et envoyé en Allemagne. La feuille de cuivre, et avec le cuivre, vu qu'alors c'était pas encore la mode de l'acier inoxydable, il faisait tout : des vases, des marmites, des tubes, et même des alambics, sans le poinçon des Finances, pour faire de l'eau-de-vie de contrebande. Dans mon pays, parce que moi aussi je suis né là-bas pendant la guerre, tout le monde battait le cuivre ; ils faisaient surtout des chaudrons de cuisine, des gros et des petits, étamés de l'intérieur, parce que chez nous, justement, magnino* ça veut surtout dire étameur, le type qui fait les fait les marmites et qui les étame, et il y a pas mal de familles qui s'appellent Magnino encore maintenant et qui peut-être bien savent plus pourquoi.
" Vous le savez que, quand on frappe le cuivre, il s'écrouit, il devient plus dur ?..."
Oui, je le savais : comme ça en parlant on a découvert que, bien que n'ayant jamais battu la feuille, j'avais moi aussi une longue familiarité avec le cuivre, faite d'amour et de haine, de batailles silencieuses et acharnées, d'enthousiasmes et de fatigues, de victoires et de défaites, et riche d'une connaissance toujours plus profondes, comme il advient des personnes avec lesquelles on vit pendant longtemps, et dont on prévoit chaque mot et chaque geste. Oui, je la connaissais bien la malléabilité féminine du cuivre, métal des miroirs, métal de Vénus ; je connaissais sa splendeur chaude et sa saveur malsaine, la douceur du bleu-vert de ses oxydes et le bleu vitreux de ses sels. Je connaissais bien, au toucher, l'écrouissage du cuivre, et lorsque je l'ai dit à Faussone nous nous sommes sentis un peu parents : quand on le maltraite, c'est à dire quand il est battu, étiré, plié, comprimé, le cuivre fait comme nous, ses cristaux grossissent et il devient dur, rigide, hostile. Je lui ai dit que j'aurais peut-être pu lui expliquer le mécanisme du phénomène, mais il m'a répondu que cela ne l'intéressait pas et m'a par contre fait remarquer que ça ne se passe pas toujours comme ça : de la même manière que nous sommes tous différents les uns des autres et nous comportons différemment devant les difficultés, il y a des matériaux qui gagnent à être battus, comme le feutre ou le cuir, et comme le fer qui lorsqu'on le martèle rejette ses scories, se renforce et devient, précisément, du fer battu. Pour conclure, je lui ai répondu qu'il fallait se méfier des similitudes, parce qu'elles sont peut-être poétiques mais ne prouvent pas grand-chose : aussi faut-il être prudent quand il s'agit d'en tirer des indications pédagogiques et exemplaires. L'éducateur doit-il s'inspirer du forgeron, qui battant durement le fer l'embellit et lui donne forme, ou du vigneron, qui obtient le même résultat avec le vin en le délaissant et en le conservant dans l'obscurité d'une cave ? Vaut-il mieux qu'une mère prenne pour modèle la femelle du pélican, qui s'arrache les plumes et se dénude pour que le nid de ses petits soit plus doux, ou l'ourse, qui les encourage à grimper au sommet des sapins, puis les abandonne et s'en va sans même se retourner ?
D'une éducation rigoureuse ou de celle où prévaut la libre initiative, laquelle est préférable ? Au diable les analogies ! Elles ont corrompu la médecine durant des millénaires, et peut-être est-ce leur faute si aujourd'hui les méthodes pédagogiques sont si nombreuses, au point qu'après trois mille ans de discussion on ne sait pas encore très bien laquelle est la meilleure.

* En dialecte piémontais : étameur, mais aussi chaudronnier. (N.d.T.)

P97-98-99, édition 10/18.
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La clé à molette
Primo Lévi, écrivain, chimiste né à Turin
Prix stréga 1979

Une intelligence vive au dela des systèmes. Je suggère à la Pléiade de s'emparer du sujet.

Aimer son travail : oui, mais penser d'abord à ceux qui n'en ont pas ou qui de leur travail n'arrivent pas à joindre les deux bouts. Pour le reste il faut bien se faire une raison, quel est le pourcentage de ceux qui aiment leur travail. Pour paraphraser Churchill, le travail est comme la démocratie .. et bien sûr les conditions liées à son épanouissement paraissent nécessaires.
Seuls peuvent remettre en selle les jeunes : le travail et l'éducation. Un travail pour tous, décent s'entend. Cette gageure n'est pas insurmontable si les parties concernées se donnent la main, et les financiers qui profitent du travail n'ont qu'à bien se tenir, sinon ce sera la révolution. Et il ne suffit pas de le dire, mais de le faire..
PG 31 mai 2022
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le travail, c'est toute une histoire.

Avec La Clé à molette, Primo Levi aborde un thème peu présent dans les romans du 20ème siècle : le travail manuel comme outil de dignité humaine et de relations entre les individus par la transmission de connaissances spécifiques et par la source d'histoires racontées et échangées.
Cet ouvrage constitue véritablement un roman, même s'il, peut apparaître au premier abord comme un recueil de nouvelles. En effet, Faussone raconte au narrateur très semblable à l'auteur (italien, chimiste, écrivain) le récit de son expérience de monteur international et c'est l'occasion de mettre en scène de nombreuses petites saynètes relatant son mode de vie avec les joies et les peines qui en résultent. Il en ressort un amour du travail bien fait mais aussi une certaine affection pour le travail qui ne se passe pas comme prévu et qui exige du monteur une capacité de dépasser ses habitudes pour pouvoir résoudre les problèmes qui se présentent. Ces obstacles plus ou moins bien surmontés représentent pour Faussone le sel de son métier et la base des histoires qu'il prend plaisir à raconter. La confrontation entre le travail manuel et intellectuel aboutit souvent à des rapprochements où la complémentarité et une certaine similarité se font jour et où l'opposition est souvent surmontée. D'autant que le narrateur a lui aussi son histoire à raconter ce qui en fin de compte rapproche les deux compères et les place sur un pied d'égalité ou de comparaison. On voit donc que l'ensemble de cette trame structure un roman à partir de récits a priori dispersés.
On trouve aussi dans La Clé à molette des réflexions sur l'importance de l'auditeur et sur le roman en train de s'écrire qui donnent à ce livre une profondeur supplémentaire. On pourrait même y trouver une sorte d'allégorie de l'écrivain. En effet, un auteur de livres se nourrit d'expériences multiples et variées comme celles que Faussone se plaît à raconter. Puis le romancier crée une histoire originale qui fait la synthèse du matériau brut en utilisant ce qui l'intéresse comme il y est fait allusion dans La Clé à molette. Cet effet de miroir, cette mise en abyme renforce évidemment le charme du récit où on sent les clins d'oeil amusés de Primo Levi.
On a ainsi affaire à un roman drôle et désabusé, mais pas comique et pas désespéré où percent à chaque page l'humanisme et l'universalisme de l'auteur italien.

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Un des titres les moins connus de l'auteur de " Si c'est un homme " à ne surtout pas confondre avec " Le gang de la clef à molette " .
Une autre facette de Primo Levi , qui correspond à son métier premier ( l'ingénierie ) et ou il montre son amour du travail bien fait mais surtout celui des travailleurs manuels œuvrant sur les chantiers . Une approche si peu courante en littérature , un joli cadeau à offrir aux amoureux du travail manuel .
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« Et raconter, vous le savez bien, vous me l'avez même dit, c'est une des joies de la vie. »


Deux types rencontrent leurs solitudes temporaires à l'occasion de missions professionnelles, dans la cantine d'un hôtel au fin fond de l'URSS. Dans leurs heures de désoeuvrement , Faussone raconte son métier (monteur en structures métalliques) qui le passionne, qui est le nerf d'une vie faite d'espace, de mouvement et de liberté,où l'excellence est une victoire au quotidien. Et raconter son métier, au dela des précisions techniques qu'il ne nous épargne pas, c'est se raconter lui-même, ses espoirs, ses amours, ses choix, ses opinions, ses manques, toute sa vie, quoi.

« En écoutant Faussone, une ébauche d'hypothèse se formait en moi, que je n'ai pas travaillée par la suite que je soumets ici au lecteur : le terme «liberté» a notoirement beaucoup d'acceptions, mais peut-être que le genre de liberté le plus accessible, le plus goûté subjectivement et le plus utile à l'homme, coïncide avec le fait d'être compétent dans son propre travail, et donc avec le fait de l'exécuter avec plaisir. »


Primo Levi, car c'est lui, l'écoute, savourant ses digressions car «interrompre, arrêter un récit de Faussone, c'est comme arrêter la progression de la marée . » Il demande des explications, fait préciser tel détail, distrait des sombres horizons soviétiques par la découverte de cet homme ordinaire, primaire en apparence, mais hors du commun (comme tout un chacun).

« En fait, ainsi qu'il existe un art de conter solidement codifié par des milliers d'essais et d'erreurs, il existe également un art d'écouter, tout aussi ancien et estimable, duquel toutefois, pour autant que je sache, les règles n'ont jamais été définies. Pourtant, toute personne qui parle ou raconte sait par expérience que l'auditeur apporte une contribution décisive à ce qu'elle lui dit : un public distrait ou hostile affaiblit n'importe quelle conférence ou leçon, alors qu'un public amical les vivifie. Mais même l'auditeur, en tant qu'individu, à une part de responsabilité dans cette « oeuvre d'art », qu'est tout récit. »

Puis, contrepartie, Primo Levi raconte ce qu'est être chimiste, avec une même passion pour le travail aimé et bien fait, qui contribue à construire une vie, et là encore, comme c'est souvent le cas quand on parle de ses passions, il emporte une adhésion du lecteur à travers un récit qu'on suit comme une aventure burlesque.

Il s'interroge aussi , et ils échangent, sur le parallèle entre ces métiers matérialistes et son second métier, celui d'écrivain, car à travers ces activités si diverses, ces hommes construisent et transmettent quelque chose qui donne un sens à leurs vies.

« Nous sommes tombés d'accord sur ce que nous avons de bon en commun. Sur l'avantage de pouvoir connaître ce que nous valons sans avoir besoin que d'autres nous le disent, sur celui aussi de nous refléter dans nos oeuvres. Sur le plaisir qu'il y a de voir grandir notre « enfant », plaque de fer après plaque de fer, boulon après boulon, solide, nécessaire, symétrique, bien adapté à son objet. Et une fois achevé, on le regarde de nouveau et on se dit qu'il vivra peut-être plus longtemps que nous et qu'il servira peut-être à quelqu'un qu'on ne connaît pas, et qui ne nous connaît pas. »


C'est un bouquin qui paraît a priori totalement inintéressant - deux types, l'un monteur de structures métalliques, l'autre chimiste qui parlent de leur travail – et qui, au fil des pages, se révèle plein de une malice, de tendresse, de profondeur, et vous scotche.
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Après une relative déception avec "Le système périodique" c'est quelque peu méfiant tout autant que remplis d'espoir que j'ai continué ma cure de Primo Levi.

Ce livre n'est pas un témoignage au sens où "Si c'est un homme" ou "La trêve" ont pu l'être. Pas d'horreur indescriptible ici, pas de retour à la vie ni de notion de survie, mais une intense réflexion sur la vie, sur la famille, sur l'homme ; et son rapport au travail, à la société. Bref ! J'ai retrouvé là, à travers ce témoignage de seconde main relaté par Primo Levi l'auteur qui avait forcé mon admiration dans "Si c'est un homme" où le réel et ses impondérables sert de base à une réflexion bien plus large sur la vie et le sens à lui donner.

L'ouvrage n'est certes pas exempt de quelques passages à vide mais il reste malgré tout une oeuvre ambitieuse dans ce que j'ai pu lire de cet auteur ; et alors que j'étais déjà séduit, par sa conclusion, cette citation magistrale et guise de point final au récit, Primo Levi fait de ce livre un petit diamant finement travaillé.
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Je ne m'attendais pas du tout à ça. J'ai beaucoup aimé ce concept de livre. Un dialogue, surtout monologue, d'un "ouvrier" qui raconte quelques unes de ses expériences de travail à un chimiste-écrivain, qui en fera un-ce livre.
C'est à la fois précis, et tout est rendu intéressant, le langage est à la fois basique et fin. La traduction est à féliciter.
J'ai l'impression d'avoir à la fois appris beaucoup et qu'un ouvrage comme ça a vivifié la littérature. Il en faut de temps à autre.
Peut-être rien à voir, mais le "A la ligne" de Joseph Ponthus avait un peu fait le même effet pour moi. Vivifiant. Inclusif, tirant vers le haut. Des livres qui font pont... Est-ce un hasard...
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Sous forme d'un dialogue entre deux hommes, et bien souvent même d'un monologue, l'un écoutant l'autre parlant, Primo Levi dresse ici le portrait d'une profession, constructeur de charpentes métalliques. Mais plus généralement, ce sont des sujets universels qui sont traités ici: l'amitié, l'exil, notre rapport au travail, l'amour, le voyage,... Tout à tour drôle et émouvant ce petit roman nous amène à nous interroger sur le sens de notre vie.
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