+++++++ PREUVE DE VIE +++++++
Le récit démarre au charmant restaurant Marius et Janette, avenue George V à Paris, où Hubertus Mazerius, dit Huby, a fixé rendez-vous à l'auteur pour lui demander son aide dans la recherche du fils d'un ami disparu en Syrie. Ce jeune homme de 27 ans, Paul Blocher, s'est volatilisé en route pour Alep, après avoir passé la frontière avec la Turquie clandestinement en compagnie d'un guide kurde. Son but était de prêter assistance à des médecins volontaires actifs dans cette ville.
Cette requête est liée à la grande connaissance du terrain par
Daniel Levin, qui s'était engagé activement dans une initiative de paix en Syrie, le Projet Bistar, ruiné par l'invasion russe en septembre 2015 et la politique consécutive de Bachar al-Assad.
Fort conscient de la guerre et de la confusion dangereuse qui règnent en Syrie, Levin se montre d'abord réticent et finit par accepter en comptant sur 2 personnages hauts en couleurs qui pourraient l'assister : Khalid al-Marri, Saoudien par son père et Syrien par sa mère, et Fouad al-Zayat, un homme d'affaires qui a ses entrées partout.
Après ce prélude, pour le lecteur c'est l'immersion dans la byzantine, énigmatique et périlleuse politique du Moyen-Orient en suivant l'auteur dans sa quête du disparu à Istanbul, Beyrouth, Amman en Jordanie et Dubaï.
Nous avons droit à pas seulement une galerie de personnages carrément "exotiques" dont certain peu recommandable (pour employer un euphémisme), mais également aux horreurs de la réalité actuelle syrienne, un pays qui remonte à l'Antiquité, mais ravagé par une guerre atroce qui n'en finit pas.
Comme personnage mémorable il y a Anas, un géant syrien et brute épaisse, surnommé Capitaine Captagon, parce qu'il est en charge du trafic des drogues, ou "Shaytan" (Satan) pour sa façon de traiter les filles mineures syriennes qu'il vend à des vieux pourris de Dubaï et de l'Arabie Saoudite. Comme fournisseur de drogues, filles, armes et substances chimiques interdites aux différentes parties du conflit, il est le grand manitou du passage frontalier clandestin turco-syrien et est supposé savoir où se trouve Paul Blocher, qu'il a aidé à traverser cette frontière.
S'approcher d'un tel individu n'est évidemment pas sans risque !
J'ignorais les forfaits de certains membres de la famille de Bachar al-Assad, tel l'oncle Rifaat, condamné en France à 4 ans de prison et confiscation de ses biens français, en 2020, pour détournement de fonds publiques et les exploits de son cousin, Rami Makhlouf, un crac en fraudes et trafics financiers et l'homme le plus riche du pays.
Sans oublier Bachar lui-même, l'initiateur des bombardements chimiques (sarin et chlore) impardonnables sur la ville de Douma et ailleurs en Syrie.
Certains faits et événements relatés dans cet ouvrage sont tellement incroyables que j'aurais eu mes doutes sur leur authenticité, s'ils n'avaient pas été présentés par
Daniel Levin, dont la formation (universités de Zurich en Suisse et de Columbia à New York) et la réputation comme diplomate et orateur fort demandé sont absolument incontestables.
Dans une préface, l'auteur assure que cette histoire, qui s'est déroulée pendant 20 jours en 2014, est rigoureusement vraie et que pour ne pas déranger le rythme du récit des précisions historiques sont indiquées sous forme de note en bas de page. Ces notes couvrent une période d'avant et après sa mission au Moyen-Orient, allant pratiquement jusqu'à la parition du livre à New York, le 18 mai 2021.
En résumé : un livre très instructif, mais dur, écrit sans prétention littéraire dans un style qui ressemble à un rapport officiel.
Pour son éclairage approfondi et pertinent de la tragédie syrienne, il mérite sûrement une bonne traduction en langue française.