List fait du benchmarking. Analysant les histoires des économies nationales europénnes, et surtout de l'Angleterre, il extrait un programme politique pour ce qui n'est pas encore l'Allemagne et n'est plus le Saint Empire. De fait, il écrit plutôt comme conseiller du premier ministre que comme théoricien ou professeur d'université. Son idée principale est qu'une économie ne peut se donner des perspectives de stabilité et de prospérité que si elle est organisée dans un système politique décideur, qu'il appelle la nation. Il a donc a coeur de critiquer le libre-échangisme, qu'il appelle avec condescendance l'"Ecole", malgré l'invocation systématique de ses principes par... les Anglais, poils à gratter politiques qui ruinent les velléités d'accès à la prospérité des autres peuples et en particulier du sien, dit-il.
Le premier livre, passionnant, retrace en une centaine de pages l'histoire économique des principaux états européens et des Etats-Unis (jusqu'à l'écriture du livre en 1856).
Le second livre, le plus long, répète inlassablement que sans protectionnisme, le développement de l'industrie est impossible et qu'il faut se garder d'acheter au moins cher sous peine de voir son industrie s'effondrer. Il insiste sur la valeur que donne l'industrie à l'agriculture et sur l'absurdité de vouloir les opposer.
Le troisième livre revient sur les différents systèmes économiques (Italie, France, libre échange).
Le dernier livre est un programme de constitution d'une industrie allemande par la finalisation du Zollverein où List déploie ses talents littéraires.
L'ensemble est très abordable, exclusivement rédigé (pas de chiffres ou très peu). Le grand empêcheur de tourner en rond est, bien avant Napoléon, dont l'action n'est pas discréditée, Londres. La très grande majorité de l'ouvrage commente la manière, pas toujours franche, avec laquelle, partie de rien, elle en est arrivée à une suprématie écrasante dans l'économie et la marine mondiale. Le secret ? Je ne vous le dis pas, mais le programme détaillé du passé est dans le livre ; et, mis en relation avec une certaine situation politique isolationniste contemporaine, il fournit une idée de la stratégie du cabinet de sa Majesté pour les années à venir...
Un peu de déception cependant à l'issue de cette lecture de laquelle j'attendais qu'elle fournisse des outils de qualification des économies nationales (puisque le système d'économie est national), mais rien ne concerne ce sujet. Un peu comme chez Herder, on en reste à de vagues intuitions floues et à des principes d'ensemble qui n'incitent pas à la modération de la réflexion.
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Le zèle réactionnaire [de Castelreagh] et le mépris qu'il affichait pour les classes populaires firent de lui l'un des dirigeants les plus détestés de son temps. [...] Sa mort provoqua des manifestations de joie spontanées et, le jour de son enterrement, la mise en terre de son cercueil fut longuement applaudie.
Ainsi, dans un avenir qui n'est pas extrêmement éloigné, la même nécessité qui prescrit aujourd'hui aux Français et aux Allemands de fonder une alliance continentale contre la suprématie britannique commandera aux Anglais d'organiser une coalition européenne contre la suprématie de l'Amérique.
En thèse générale, il est incomparablement plus facile de perfectionner et d'agrandir une entreprise déjà commencée que d'en fonder une à nouveau.
Depuis que les Troyens ont été gratifiés par les Grecs d'un cheval de bois, il est délicat pour un peuple de recevoir des présents d'un autre.
Si un pays est destiné à l'industrie manufacturière, c'est à coup sûr l'Allemagne.