Un flamboyant livre sur la mémoire et l'amour, tissées sur une toile, espace Barcelone, temps la jeune République espagnole et son massacre (les années 1930-1940).
Essentiellement.
Toile peinte, roman écrit, au moment où les souvenirs s'effacent, où ceux/celles qui transmettent disparaissent, quand l'Espagne tend à oublier aussi ses anciens combattants, ses lieux de mémoires (pour reprendre le langage officiel), à accepter des hommages à « l'autre connard » (je cite l'auteur… un aparté, il y a trois connards, l'autre, le connard moustachu qui officie en Allemagne, et le petit gros qui serait vers l'Italie… si vous voyez).
Bref…
La mémoire, il me semble que pour l'auteur, celle-ci a construit son roman… en effet, celui-ci est divisé non pas en chapitres mais en séances d'enregistrement (qui pour nous, lecteur, est similaire). Et petits moments d'apaisement pour le lecteur, le vieux qui se fait enregistrer s'adresse directement à son enregistreur… moments rares drôles… « n'oubliez pas de débarrasser votre tasse de café », par exemple. Ainsi, l'auteur demande au lecteur d'entrer dans une mise en scène de la mémoire et de la transmission. Et, il se pose une question : comment transmet-on aujourd'hui, cette histoire atroce, horrible, oubliée (pour une grande partie), alors que les témoins disparaissent, ont disparu. Les derniers témoins.
Bien sûr, chacun (j'ose l'imaginer, le penser) a quelque souvenir de ce que l'on appelle la Guerre d'Espagne. Merci Picasso et Guernica, Merci
Eluard et liberté. Bon voilà, elle débute en 1936 et puis les Républicains perdent en 1939, alors que la guerre recommence ou continue en Europe… et alors les Espagnols…oubliés… sauf que commence alors l'épouvante terreur blanche, avec des milliers d'exécutions, d'enfermements, d'anéantissements. Llach, à travers son héros prénommé par ses parents Germinal (cherchez le besoin de transmettre) (car on aurait pu imaginer Thermidor – non, trop
Robespierre -, Brumaire – non, trop Bonapartiste,) Llach confronte le lecteur avec un récit (le sien), la mémoire (celle de Germinal, qui à plusieurs reprises, précise que ce sont SES propres souvenirs, et ceux de personne d'autre), et le souvenir, l'attachement, l'amour.
D'abord, l'amour porté à Barcelone et à un quartier de Barcelone. Un amour qui s'effondre lorsque Germinal retourne sur les lieux de ses amours. Outrages du temps qui a glissé, outrages des guerres et des destructions. Absences des personnes aimées sur ces lieux-mêmes. Germinal en vomit. Son corps refuse. J'ai lu là des lignes admirables, fortes, puissantes.
L'amour porté à l'Ami Aimé. L'auteur exprime alors des sentiments très forts, déclare une sexualité forte aussi, et qui sans doute dans une Espagne sur-catholicisée (oui j'invente le terme, mais il faut bien le dire), ne devait pas simplifier l'existence. Llach ose, à la fois crûment, mais tellement sincèrement, que l'on adhère (pardon, moi j'ai adhéré).
L'Ami Aimé. Il me semble que Llach souhaite à chacun d'en connaître un, de vivre l'Ami Aimé.
Ce qui me permet de conclure que ce roman tout triste qu'il est, nostalgique, donne, ouvre, offre l'amour ou l'amitié, suivant ses propres sensibilités.
Mais il milite aussi pour le non-oubli.
Une très belle lecture, émouvante,
j'avais lu auparavant
Les Femmes de la Principal.
Que de beaux moments !