Dans ce roman uchronique, basé donc sur la réécriture de l'Histoire, le 29 août 1935, la reine Astrid des Belges n'est pas morte dans un bête accident de voiture près de Küssnacht en Suisse, mais son époux, le roi
Léopold III...
Cette belle jeune reine, une princesse Bernadotte de Suède, est hélas décédée dans cet accident et elle n'avait que 29 ans. Enfant, j'ai entendu ma mère raconter ce drame maintes fois. Elle avait un faible pour cette reine, l'ayant vue de relativement proche, lors d'une visite royale, un an avant, à la maternité de Courtrai, où une de mes soeurs était née.
J'ai longtemps hésité avant de me lancer dans la lecture de cette uchronie. Comme passionné d'histoire ce n'est évidemment pas cette forme ď'art qui m'attire spécialement. Mais comme les rois Léopold II et III sont indéniablement les plus controversés de notre dynastie, le premier à cause de son aventure coloniale et le second pour son attitude pendant la dernière guerre mondiale : son refus d'accompagner le gouvernement à Londres et sa conviction que sa place était auprès de son peuple. Sa rencontre avec Hitler à Berchtesgaden du 19 novembre 1940, où le souverain a essayé d'obtenir une amélioration du sort de son peuple, mais le Führer s'est montre réticent et rien de bien concret en est sorti. Et le mariage du roi le 11 septembre 1941 avec Lilian Baels, la fille du gouverneur de la Flandre Occidentale, mais qui n'a pas de sang royal ou princier et n'aura qu'une union morganatique, où l'épouse ne sera pas reine. On lui décerne juste le titre de Princesse de Réthy.
Je me suis finalement laissé convaincre par l'argument du bénéfice du doute, mais avec le correctif d'en arrêter tout de suite la lecture si l'auteur remâche des arguments politiques et d'un certain milieu qui ont fait le bonheur des partisans de la question royale de mai 1945 à juillet 1951 et l'abdication de
Léopold III, le 16 juillet 1951, en faveur de son fils aîné, le roi Baudouin (1930-1993).
L'auteur, S.A.S. le Prince Stéphane de Lobkowicz est le chef d'une des 10 familles de la plus haute noblesse de Belgique. Il est né à Louvain en 1957, est avocat, a été échevin de la commune bruxelloise d'Uccle et est le père de la plus jeune députée belge, Ariane de Lobkowicz-d'Ursel, 24 ans. Il a écrit 3 autres livres : une biographie du roi Baudouin (en 1994), une histoire illustrée de Belgique pour les jeunes (1999) et un thriller économique "
Les cigognes ne se trompent jamais d'adresse" (2014).
C'est la passion de l'auteur pour l'histoire qui a fini de me persuader.
Le problème c'est qu'avec la disparition de
Léopold III, le royaume nécessite naturellement un nouveau roi ou un régent ou une régente pendant la minorité de Baudouin, qui n'a que 5 ans et qu'il m'est impossible d'en dire davantage sur la solution Lobkowicz, sans en dire trop pour les futurs lecteurs.
Ce que je peux affirmer c'est que le récit de l'auteur s'inscrit dans une certaine logique politique et constitutionnelle belge et que la tragédie de Küssnacht n'a bien entendu rien changé aux ambitions territoriales démesurées d'un certain
Adolf Hitler et l'avènement de la Seconde Guerre mondiale.
Je dois dire que l'auteur a pris très grand soin de bien nous présenter rigoureusement tous les personnages qui ont réellement existé et qu'il respecte tout aussi rigoureusement la Constitution belge de l'époque.
Si les lecteurs non belges seront fascinés par tous ces politiques belges d'antan et les finesses constitutionnelles belges est évidemment moins sûr.
Et bien que le dernier chapitre, de la main de l'historien et romancier
Charles de Trazegnies, nous relate (en 7 pages) "les faits tels qu'ils se sont réellement produits et succédés dans le temps", je ne peux qu'avoir des réserves contre la formule du roman uchronique, même s'il est bien rédigé. J'estime, en effet, qu'une telle option littéraire constitue une trop grande épreuve pour notre pauvre mémoire.