Citations sur La vie en sourdine (46)
Alors qu'est-ce qui va me rester comme raison de vivre lorsque le commerce social et sexuel aura pris fin lui aussi?
Pour chaque homme sur cette terre là surdité vient tôt ou tard.
La cécité est une affliction plus grande que la surdité. Si j’avais à choisir entre les deux, je choisirais la surdité, je l’admets. Mais ces deux infirmités sensorielles n’ont pas entre elles que des différences de degré. Culturellement, symboliquement, elles sont antithétiques. Le tragique par opposition au comique. Le poétique par opposition au prosaïque. Le sublime par opposition au ridicule.
Il trouve qu'une assiette ne remplit pas sa fonction si elle n'est pas copieusement enduite de moutarde et n'a pas un petit monticule de sel sur le bord, quels que soient les aliments composant le repas, et ça ne sert à rien de lui dire que la moutarde ne vas pas avec la dinde ou qu'un excès de sel est mauvais pour la santé. Et il ne sert à rien non plus de lui tendre un moulin à sel - ou bien il le tourne dans le mauvais sens, le désarticulant en faisant tomber les cristaux de sel marin sur la table, ou bien il peine à moudre, avec une impatience croissante, assez de minuscules fragments pour ériger un tas conséquent au bord de son assiette.
Un jour, Fred a été si irritée par cette procédure qu'au repas suivant elle lui a mis une boîte en plastique d'un demi-kilo de sel Saxo à côté de son assiette, mais, au lieu de comprendre ce que ça voulait dire ou de s'en offusquer, il l'a remerciée d'y avoir pensé.
L'épisode m'a mis d'une humeur exécrable - où est-ce qu'on va comme ça ? -, état d'esprit auquel je succombe de plus en plus souvent ces temps-ci, sous l'effet de certains phénomènes comme Big Brother, les mots orduriers dans le Guardian, les anneaux vibrants pour le pénis en vente chez Boots, les noceurs qui vomissent dans le centre-cille le samedi soir, la chimiothérapie pour les chats et les chiens. Bizarrement, il est plus facile de focaliser sa colère et son désespoir sur ces offenses à la raison et à la bienséance relativement triviales que sur les choses plus graves qui menacent la civilisation, comme le terrorisme islamique, Israël et la Palestine, l'Irak, le sida, la crise de l'énergie et le réchauffement climatique, choses qui semblent échapper à tout moyen de contrôle.
Je voulais faire une critique du livre audio en tant que tel, n'ayant pas trouvé la possibilité de le faire, je la déguise sous forme de citation !
Un chef d'oeuvre remarquablement lu.
Arriver à raconter la déchéance liée à l'âge, la relation avec un père vieillissant, une surdité naissante, une histoire d'amour amusante, un portrait de l'Angleterre contemporaine, une puissante réflexion sur la Shoah, un séjour dans un parc de loisir formaté...Le moins que l'on puisse dire c'est que ce roman est fort riche, très drôle par passages entiers, et finalement puissamment mélancolique.
La lecture qui en est ici faite est superbe, très british, très élégante, et elle colle parfaitement à l'ambiance de ce livre qui est pour moi l'un des meilleurs de ce formidable romancier. Un romancier dont on apprend dans ses mémoires à quel point il puise dans sa propre vie pour écrire ses livres. Point n'est besoin d'auto-fiction pour dire des choses aussi personnelles et l'on sait gré à son auteur d'avoir tenté (et plus que réussi) cette forte construction romanesque si élégante et drôle.
"La surdité de ma mère est très peu importante, voyez-vous - pratiquement nulle. Il suffit que je parle un peu plus fort et que je redise la chose deux ou trois fois pour être sûre qu'elle comprendra ; mais, bien sûr, elle est habituée à ma voix", dit miss Bates dans Emma. Avec quelle subtilité Jane Austen parvient à évoquer la frustration et l'irritation poliment déguisée qu'éprouvent les gens autour de la vieille Mrs Bates, obligés qu'ils sont de répéter pour elle chaque remarque banale d'une voix de plus en plus forte ! Je dois être dans un état encore pire que mon homonyme fictionnelle parce que, moi, je suis habitué à la voix de Fred, mais je ne parviens toujours pas à entendre ce qu'elle dit sans mon appareil.
J'envie la foi des croyants en même temps que je m'en méfie. Certaines études ont montré qu'ils ont de bien meilleures chances d'être heureux que ceux dont les systèmes de croyances sont totalement séculiers - et on comprend pourquoi. La vie de chacun d'entre nous contient sa part de tristesse, de souffrance et de déception, et tout cela est plus aisé à supporter si l'on croit qu'il y a une autre vie à venir dans laquelle les imperfections et les injustices de celle-ci seront compensées ; et cela rend aussi la perspective de la mort beaucoup moins déprimante. C'est la raison pour laquelle j'envie les croyants.
La surdité est une sorte d'avant gout de la mort. Une très longue introduction au long silence dans lequel nous finissons tous par sombrer.
Le silence est neutre, un état de latence. Les sons ont du sens, ils véhiculent de l’information ou communiquent un plaisir esthétique. Le bruit est laid et dépourvu de sens. La surdité transforme tant de sons en bruits que vous préférez opter pour le silence.