Depuis 1945, nous pouvions traîner en justice le Blanc qui nous traitait de nègres. Nous n’étions plus des indigènes, mais des autochtones, ou des Africains. Ces conquêtes paraissent aujourd’hui, à juste titre, bien dérisoires et la situation des Noirs des deux rives n’avait pas de différence de nature, seulement de degré.
Avec le temps, je me demande, sans avoir la moindre preuve pour étayer mon affirmation, s’il n’existait pas un réseau informel, qui veillait à procurer aux coloniaux, civils ou militaires, qui venaient en Afrique sans conjointe, des ménagères, noires ou métisses, chargées de peupler leur solitude. Mon raisonnement est le résultat de simples spéculations logiques. L’enfant, comme on me l’a appris, n’a pas à juger ses parents.
Il croise une jeune indigène dont la beauté et le charme troublent ses sens. Au début, il bride ses pulsions, car la loi est rigoureuse. Les Blancs ne doivent pas se commettre avec les nègres, encore moins mêler leur sang au leur. Quiconque contrevient à la règle est passible de lourdes sanctions. Des carrières ont été brisées.
J’avais trente ans, j’étais directeur général de l’enseignement. Mon nom, ma peau claire me rendaient suspect. Je figurais sur une liste de hauts fonctionnaires « d’origine douteuse ». On me demanda de justifier ma filiation.
Plus tard, elle me dira que je la déstabilisais à ne plus la regarder en face. C'est qu'elle m'intimidait. Maladroitement, et peut-être, avec un peu de fatuité, je me suis mis à faire étalage de mes connaissances, somme toute récentes, de la poésie antillaise. p.196
J'ai revu Jean d'Ormesson à plusieurs occasions. Par exemple, lors des cérémonies organisées pour l'entrée au Panthéon des cendres de Malraux, lors de colloques à l'Académie diplomatique, en marge de séances solennelles de rentrée au quai Conti, chaque fois il venait discrètement, l’œil lumineux, me toucher le coude d'une tape amicale. p. 473