Une contradiction absolue, irréductible, semble exister entre ces deux oeuvres qu'une main inconnue, dune hardiesse presque sacrilège, a soudées en un seul bloc. Dans la première, la beauté de la dame est, conformément aux lois du canon courtois, la source même %des vertus chevaleresques ; son sourire d'abord, puis le don de sa personne, le but et la récompense des plus hauts exploits. Dans la seconde, cette beauté n'est qu'un piège, une tentation diabolique, ainsi que l'enseigne la doctrine de l'Église, et la passion inspirée par la femme à l'homme devient l'insurmontable obstacle à sa perfection morale.
Le roman du Lancelot, lui, ne dépasse l'esprit dualiste qu'en affirmant la doctrine orthodoxe de l'Eglise catholique, mais l'ascétisme y est adouci par le sens du divin. Le premier de nos essais traite de l'amour profane dans le Lancelot en prose, comparant sa conception sentimentale à celle du poème de Chrétien de Troyes ; les deux autres étudient le problème religieux sous ce double aspect : rédemption de la femme par la grâce, imitation ou plutôt transposition médiévale de la vie du Sauveur, c'est-à-dire le triomphe final de l'amour sacré.