Après la découverte de l'abbaye de Beaufort à l'entrée de la ville, ma visite à Paimpol a commencé par un repas au restaurant bien achalandé L'Islandais, sur le port, et par une balade dans la ville, où se trouve une charmante petite librairie indépendante, la librairie du Renard, où j'ai acquis ce classique de
Pierre Loti. Il y a plusieurs années, j'ai visité sa maison à Rochefort, où il avait accumulé les souvenirs d'une vie de voyage et de sensualité orientalisante. L'introduction de
Pêcheur d'Islande par Alain Busine rappelle que
Julien Viaud, alias
Pierre Loti, était lui aussi marin, capitaine de navire et qu'il voyait ses missions en mer comme un moyen de régénérer son humanité, de se purifier de toutes les sanies accumulées à terre : « le sel de la mer remplace les mièvreries sucrées des festivités. » Et c'est bien une mer d'Islande idéalisée, presque biblique, que
Pierre Loti tend comme décor aux marins de la Marie, capitaine Guermeur, des marins dont le travail est lui aussi sublimé par les descriptions de l'auteur, qui exalte l'effort physique, la qualité de l'air marin, la solidarité naturelle entre pêcheurs, dans une vie qui les fait côtoyer sans cesse la mort (qui garantit d'autant plus la pureté de leur entreprise). Dans ce contexte, le personnage de Yann, sorte de géant timide qui ne veut se marier qu'avec la mer, est emblématique des valeurs prônées par
Pierre Loti.
A terre, la vie de celles et ceux qui préparent les expéditions de pêche à la morue (qui durent plus ou moins de fin février à fin août) et qui attendent ensuite le retour des pêcheurs d'Islande, leur vie n'est pas moins rude, marquée par l'attente, la pauvreté pour les familles qui ont perdu plusieurs marins en mer, le deuil, le vent qui bat la lande entre Paimpol et Ploubazlanec en passant par Pors-Even. On ne peut qu'être touché par l'histoire de Sylvestre, jeune marin collègue de Yann, et de sa vieille grand-mère qui a perdu tant et tant de membres de sa famille, et par l'amour entre Yann et Gaud, d'abord impossible et ensuite célébré une semaine avant le départ des « Islandais » dans des conditions météorologiques éprouvantes, métaphore de cet amour contrarié et de sa fin tragique. On attend avec Gaud le retour de Yann, le coeur étreint d'angoisse. Ma lecture était « éclairée » par la visite du cimetière de Ploubazlanec avec le mur des disparus, où de grandes ardoises évoquent le nom des bateaux et des marins disparus en mer entre 1852 et 1935 et la falaise au dessus de laquelle se dresse la Croix des veuves, là où les femmes, filles, soeurs de marins venaient guetter le retour des goélettes et apprenaient ainsi qu'elles étaient veuves quand le bateau ne revenait pas de la « grande pêche ».
Lien :
https://desmotsetdesnotes.wo..