Les affaires criminelles, que l'on soit flic, procureur ou journaliste, ça peut vous mener sur des chemins de solitude profonde, générer des nuits blanches. C'est une lutte permanente contre la violence des sentiments qui envahissent votre inconscient. Très vite, on quitte la normalité et l'on se retrouve devant le cadavre mutilé d'une femme ou d'un enfant sans ressentir la moindre émotion. En cela nous sommes aussi effrayants que le crime, aussi infréquentables que le tueur.
La forêt était d'un calme remarquable. Aucun frémissement de feuillage, pas le moindre ululement lancé depuis la branche d'un pin. Simplement le lointain charivari des mobiles suspendus le long de la passerelle. La lune déployait son voile blanc sur la nuit, détachant les ombres des branchages, se distrayant de son lustre à la surface des galets bordant le chemin de terre.
Des images remontaient brutalement à la surface comme les racines d'un arbre arraché à la terre.
Lola s’était toujours tenue à l’écart des hommes à fossette. La faute à Ken, le fiancé de Barbie. Ses parents refusaient de lui acheter un homme en plastique avec de sublimes abdominaux. En revanche, la poupée aux jambes démesurées et aux seins en obus ne leur posait pas de problème.
Son autre main, entaillée par le verre, garderait plusieurs jours les stigmates d'un sauvetage, soit le temps nécessaire à Desmond G. Blur pour comprendre que sa seule raison de vivre résidait depuis toujours dans sa peur de mourir.
Fichée de l'autre côté de la route, une boîte aux lettres en tôle ondulée clouée sur un bâton cuisait en son ventre un prospectus vantant les mérites d'une nouvelle huile pour friture.
La vie est un chaos.
Hors de contrôle.
J'ai fait ce que je pouvais pour sortir de cet enfer.
Mais quand tu donnes la main, on te prend tout le reste, c'est pas bon signe pour l'humanité.
On ne sait rien de la barbarie tant qu'elle n'a pas frappé nos proches.
La morsure du manque…
Comme Janet avait aimé cet homme ! Comme elle avait soupiré contre les plus intimes recoins de sa peau, adoré les rugosités de sa voix et ses gestes ardents, embrassé le sel de leurs amours, bu leurs rires en cascades sous des draps humides. Comme elle avait aimé cet homme-cauchemar…
Ses disques, Nora Blur les avait abandonnés à la femme du droguiste de la ville d'Afton. Elle n'avait rien emporté à Chicago sinon son désespoir. Elle en emprégnait l'appartement, tirant les rideaux aux fenêtres comme l'on recouvre d'un voile un miroir, renonçant à contempler le vivant.