Chronique sur cordes

Regardez la couverture.
Entière coïncidence entre illustration et contenu du livre, opposée à l'aspect fortuit que pourraient avoir ces incidents égrenés dans ce chapelet résistant aux prières de se taire.
De même qu'il est question de température ressentie, quand le froid engourdit les plus dégourdis, le sentiment qui envahit le coeur du lecteur valide la surcote littéraire de ce format de l'édition.
Il s'agit bien de chroniques descriptives, avec des faits, datés, circonstanciés, chiffrés, avalisés par rapports et témoins.
Il s'agit aussi de drames, souffrances, irréversibles.
Il s'agit aussi d'un petit livre de rien du tout, qui tient dans la main et si mince.
Et il agite. Il agite l'esprit, qui frissonne. Il agite l'émoi, qui analyse et poussera au solidaire. Il agitera la mémoire, qui fera des liens et nouera de l'espoir.

Chronique sur cordes est le témoignage d'un cordiste. Un cordiste est un ouvrier du bâtiment spécialisé dans les travaux en hauteur, d'accès difficiles, inaccessibles par échafaudage ou nacelle.
L'auteur, Eric Louis, a exercé ce métier pendant 2 ans et demi. Il nous livre ici un aperçu des conditions déplorables d'exercice du travail de cordiste.
C'est un métier dangereux qui n'est absolument pas valorisé, un salaire de misère : 11 € de l'heure.
Le cordiste est le seul capable de nettoyer l'intérieur des gigantesque silos ou cuves, ces grandes tours métalliques presque totalement hermétiques.
Souvent, l'ouvrier cordiste doit se payer son matériel , il doit même se payer lui-même sa formation. Et les conditions de travail, de sécurité ne sont souvent pas respectées, car il faut du rendement à ces cadres supérieurs bien à l'abri dans leurs bureaux.
On en devient aigri de voir comment sont traités les ouvriers en France. C'est une honte de voir la dévalorisation du travail manuel dans notre pays.
Et il y a eu Quentin. Un jeune cordiste de 21 ans, travailleur et sympathique. Il est mort, enseveli dans un silo de céréales, d'une usine à sucre, Cristanol. Un accident de travail qui aurait pu être éviter.
Et les médias ? Absents. Est-ce-que l'on va avoir une enquête exclusive, un cash investigation, un dossier journalistique pour dénoncer tout ça ? Pour parler de la mort de Quentin ? Ben non. On va plutôt parler des conditions de travail dans les entrepôts d'Amazon ou dans les supermarchés LIDL. Les cordistes ne sont pas assez nombreux, pas assez intéressants, et trop peu méconnus pour le grand public.
Alors, s'il-vous-plaît, ce petit livre est très bien écrit et facile à lire. Achetez-le, lisez-le et partagez-le. C'est important, que vous soyez ouvrier ou pas, de connaître cette réalité de notre époque même si elle ne fait pas la Une des journaux.

Vous avez sans doutes vu voltiger les laveurs de glaces sur nos façades. Mais vous les avez pas vu nettoyer l'intérieur des cheminées industrielles dans l'enfer des poussières toxiques et de la chaleur. Ni dans les silos gluants de sucre cuit et recuit, ni nulle pat ailleurs... Ni le silence médiatique autour de accidents de travail, très souvent mortels.